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JULIE.

Vous aviez protégé ce jeune malheureux.

LA COMTESSE.

Je l'aimais tendrement; mon fort eft plus affreux,

Son attentat plus grand.

JULIE.

Faudra-t-il qu'il périffe ?

LA COMTESSE.

Quoi? deux morts au lieu d'une !

JULIE.

Ferait donc la troisième.

Hélas! notre nourrice

LA COM TESS E.

Ah! je n'en puis douter.

Elle eft mère.... et je fais ce qu'il en doit coûter.
Hélas! ne parlons point de vengeance et de peine;
Ma douleur me fuffit.

(on entend du bruit.)

JULIE.

Quelle rumeur foudaine?

(le peuple derrière le théâtre.)

Vive le roi! le roi! le roi! le roi! le roi! (b)

SCENE

V.

Les Perfonnages précédens, Mme AUBONNE.

E

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Ce n'eft pas lui, Madame, hélas! ce n'eft que moi. J'ai laiffé ce bon prince à moins d'un quart de lieue, J'ai précédé fa cour avec fa garde bleue,

J'avais pris des chevaux ; et je viens à

genoux Révéler votre fort et mon crime envers vous. Le roi m'a pardonné ma fraude et mon audace. Je ne mérite pas que vous me faffiez grâce.

LA COM TESS E.

Quoi! malheureuse! as-tu paru devant le roi!

Mme AUBON NE.
Madame, je l'ai vu tout comme je vous voi:
Ce monarque adoré ne rebute personne;
Il écoute le pauvre, il eft jufte, il pardonne,
J'ai tout dit.

LA COM TESS E.

Qu'as-tu dit? quels étranges difcours Redoublent ma douleur et l'horreur de mes jours! Laiffe-moi.

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Non, fachez cet important mystère, Charlot eft plein de vie, et vous êtes sa mère.

L A COMTESSE.

Où fuis-je, jufte Dieu! pourrais-je m'en flatter?
Ah! Julie, entends-tu?

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Hélas! vous auriez pu fur fon noble vifage

Du comte de Givry voir la parfaite image.
Il vous fouvient affez qu'en ces temps pleins d'effroi
Où la ligue accablait les partifans du roi,
Votre époux opprimé cacha dans ma chaumière
Cet enfant dont les yeux s'ouvraient à la lumière;
Vous voulûtes bientôt le tenir dans vos bras,
Ce malheureux enfant touchait à fon trépas;

Je vous donnai le mien. Vous fûtes trop flattée
De la fatale erreur où vous fûtes jetée.
Votre fils réchappa, mais l'échange était fait.
Un enfant supposé dans vos bras s'élevait,
Vos foins vous attachaient à cette créature,
Et l'habitude en vous tint lieu de la nature.
Mon mari que le roi vient de faire appeler,
Interrogé par lui, vient de tout révéler.

C'est un brave foldat que ce grand prince estime.
Tout eft prouvé.

LA COMTES SE.

Julie, heureux jour, heureux crime!

JULIE.

Madame, cette fois, voici le grand Henri.

SCENE VI
VI et dernière.

Les Personnages précédens, LE ROI et toute fa cour, CHARLOT.

LERO I.

Je viens mettre en vos bras le comte de Givry,

E

Le fils de mon ami, qui le fera lui-même.

Je rends grâces au ciel dont la bonté suprême
Par le coup inoui d'un étrange moyen

A fait votre bonheur, et préparé le mien.

Je vous rends votre fils, et j'honore fa mère;

Il me fuivra demain dans la noble carrière

Où de tout temps, Madame, ont couru vos aïeux. Déjà nos ennemis approchent de ces lieux;

Je cours de ce château dans le champ de la gloire;
Mon fort est de chercher la mort ou la victoire.
Votre fils combattra, Madame, à mes côtés.
Mais, délivrés tous deux de nos adverfités,
Ne fongeons qu'à goûter un moment fi profpère.

L A

COMTESSE.

Adorons des Français le vainqueur et le père.

Fin du troifième et dernier acte.

DE CHARLOT

OU LA COMTESSE DE GIVRY.

(a)

JE

E fais ce que je doi.

Il m'eût été bien doux de confacrer ma vie

A fervir dignement la divine Julie.
Heureux qui, recherchant la gloire et le danger,
Entre un héros et vous pourrait fe partager!
Heureux à qui l'éclat d'une illuftre naissance
A permis de nourrir cette noble espérance!
Pour moi qu'aux derniers rangs le fort veut captiver,
Vers la gloire de loin fi je puis m'élever,

Si quelque occafion, quelque heureux avantage,
Peut jamais pour mon prince exercer mon courage
De vous, de vos bontés, je voudrais obtenir
Pour prix de tout mon fang un léger fouvenir.

JULIE.

Ah! je me fouviendrai de vous toute ma vie.
Elevée avec vous, moi ! que je vous oublie !
Mais vous ne quittez point la maison pour jamais.
Madame la comteffe et fes dignes bienfaits,
Une très-bonne mère, et, s'il le faut, moi-même,
Tout vous doit rappeler, tout le château vous aime、
Ma Bonne, ordonnez-lui de revenir fouvent.

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Ah! ma mère, à mon cœur il manque l'éloquence.
Peignez-lui les tranfports de ma reconnaissance;
Faites-moi mieux parler que je ne puis.

JULIE.

Charlot...

LA COMTESS E.

Dans l'état où je fuis, â Ciel ! il vient chez moi !

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