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La plus brillante Cour vaut moins qu'une province.
Un Monarque éclairé porte au loin ses regards,
Rend la vie et le zèle au peuple comme aux arts.
Conduite par l'amour, sa douceur bienfaisante,
Partout inépuisable, et partout agissante,
Vole, franchit les airs de climats en climats,
Jusqu'aux extrémités de ses vastes Etats.
Son front calme et serein dissipe les alarmes ;
Les yeux à son aspect ne versent plus de larmes :
C'est le soleil du pauvre, et l'astre du bonheur.
La terre et les humains ressentent sa faveur.
Telle est au point du jour cette fraîche rosée,
Secours délicieux d'une plante épuisée,
Source de ces parfums qu'au retour du printemps
Exhalent à l'envi les jardins et les champs.
Telle est la douce pluie en automne attendue,
Qui, sans bruit, sans orage, à grands flots répandue,
Vient donner aux raisins, trop durcis par l'été,
Leur couleur transparente et leur maturité.

Cependant l'industrie et les hommes renaissent ;
Le commerce fleurit, les moissons reparaissent;
Le coteau retentit des chants du vigneron;
L'écho des bois s'éveille aux airs du bûcheron ;
Le laboureur, content, vers son hameau ramène
Les taureaux vigoureux qui sillonnent la plaine;
La flûte et le hautbois assemblent les troupeaux ;
Le moissonneur, chargé de ses propres fardeaux,
Qui de l'âpre exacteur ne seront plus la proie,
Aux mains de ses enfans les remet avec joie.
C'est le prix des sueurs, et ce prix est sacré.
Le champêtre repas est déjà préparé,
Repas d'hommes contens, banquet de la sagesse,
Commencé sans ennui, terminé sans ivresse.
L'envieux, le méchant n'y portent point leur fiel;
On y bénit le Prince, on y rend grâce au Ciel.

Quelle félicité ! quel maître et quel empire!

L'étranger est jaloux, et l'univers admire (1).

LE MÊME,

La Rebellion et ses suites. La Soumission aux Princes et aux Lois.

VIVONS en citoyens, vivons soumis, paisibles.
De la rebellion les suites sont horribles.

Quel changement heureux, quel bien dans les Etats
Ont produit les complots, les partis, les combats?
C'est vous que j'interroge, auteurs de ces intrigues
Qui, dans le sein du trouble, ont enfanté les ligues;
Vous qui, pour vos plaisirs, dévorant les tributs,
Parlez de maux publics, et d'excès, et d'abus;
Qui trompez le vulgaire, allumez l'incendie,
Et, pour guérir l'Etat, immolez la patrie.
Il est des malheureux, il est des oppresseurs,
On le sait mais faut-il, pour finir ces malheurs,
Au bruit de la trompette arborer dans nos villes
L'effroyable étendard des discordes civiles?
Du sage patriote êtes-vous secondés?

:

Etes-vous son espoir, son salut? Répondez.

Les traîtres n'oseraient eux-mêmes se condamnent;
Ils usurpent en vain des titres qu'ils profanent.
L'intérêt personnel, sous des noms spécieux,
Conduit secrètement leurs coups ambitieux.
Le peuple n'a jamais profité de leur crime;
Il en fut le prétexte, il en est la victime.

Ce n'est pas qu'adoptant un système fatal,
Je rende au despotisme un hommage vénal,
Que j'accorde à des Rois ce que Dieu leur refuse,
Ni dans leurs attentats que ma voix les excuse.
Non; je connais trop bien leurs devoirs différens

(1) Voyez dans les Leçons Latines anciennes, t. I, le Bon Roi.

Je hais la tyrannie, et je plains les tyrans.
Mais si le droit divin, mais si les lois humaines,
Contre leurs passions sont des barrières vaines;
Si, jusqu'en ses foyers, l'innocent craint pour lui,
N'est-il donc pas contre eux de légitime appui,
Des règles que le Ciel, que la nature ait faites,
Des juges dont le soin.... Ce n'est pas vous qui l'êtes
Soldats, peuple, ni grands, prêtres, ni magistrats;
Le serment de vos cœurs enchaîne aussi vos bras.
Qui détrône les Rois, bientôt les assassine,
Périsse pour toujours l'exécrable doctrine
Qui de l'oint du Seigneur combattrait le pouvoir,
Et d'un crime d'Etat ferait un saint devoir!

Des maîtres que le Ciel établit sur nos têtes,
La chute ou les revers sont pour nous des tempêtes.
La sûreté publique à leur sort nous unit:

Dieu seul, quand il le veut, les juge et les punit.
Mais ceux que la pitié ni la gloire ne touche,
Les tyrans, en un mot, apprendront par ma bouche
Qu'ils n'ont, après leur mort, ni sujets ni flatteurs,
Que leurs propres enfans leur refusent des pleurs,
Que la postérité, que le temps et l'histoire.
A l'opprobre, à l'horreur consacrent leur mémoire;
Que tel est leur destin dans ce séjour mortel:
Mais qu'il est d'autres maux dans l'abîme éternel;
Qu'ils y trouvent un Dieu terrible, inexorable;
Les cris de l'opprimé, les pleurs du misérable;
Le sang des nations, follement répandu
Pour un droit chimérique, ou trop mal défendu,
Les crimes qu'ils ont faits, ceux qu'on fit pour leur plaire.
Les imprécations contre un règne arbitraire,
L'accablant souvenir de ce qu'ils ont été,
Et des méchans entre eux l'affreuse égalité.
Epouvantable fin d'une illustre carrière!
De quoi leur a servi cette majesté fière,
Tant de gardes armés, tant de pompe et d'orgueil?

Le sceptre est un fardeau, le trône est un écueil.
Il n'est rien qui du peuple écarte les injures.
Souvent le meilleur Prince a causé des murmures,
Que n'exigeons-nous pas, impérieux sujets!
Des talens, des vertus, et même des succès?,
Vous dont le cœur est droit, l'âme tranquille et saine,
Parcourez les devoirs de cette vie humaine,
Observez bien les Rois, et vous direz: Hélas!

Trop heureux qui sait l'être

heureux qui ne l'est pas ?! LE MÊME. Disc. philos.

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Aux Enfans des Souverains.

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Aux Fils des Souverains je consacre mes sons: f Venez, Princes, nos champs vous offrent des leçons. Jadis des Dieux bergers foulaient les fleurs champêtres; Un trône de gazon vous attend sous des hêtres; Vous porterez un jour le doux nom de Pasteur; Ce nom est pour un Roi le nom le plus flatteur; Des devoirs qu'il impose aimez à vous instruire; Le Ciel dans ses décrets vous réserve à conduire Un troupeau qui, docile aux lois de ses bergers, Ne s'égare jamais sur des bords étrangers. Il est dans nos hameaux des Socrates champêtres:

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« Les Rois, vous diront-ils, sont plus pères que maîtres;

Le premier trône était un gazon façonné,

Et le premier Monarque un pasteur couronné.
La douceur du berger, ses soins, sa vigilance,

Sont les devoirs des Rois au sein de leur puissance;
Trop heureux s'ils goûtaient la paix que nous goûtons!
Venez, Princes, nos champs vous offrent des leçons,
De fertiles guérets, de rians paysages,

Les moutons bondissant sur de gras pâturages;
Des Muses de nos bois les paisibles combats
Traceront à vos yeux l'image des Etats,

De ces Etats heureux qui bravent l'indigence,
Où les arts, les plaisirs, naissent de l'abondance.
La richesse du peuple est le trésor des Rois,
Qu'elle soit et le but et le prix de vos lois.
La Seine coulera sur les rives de l'Hèbre ;
Lorsque nous oublîrons ce Monarque célèbre -
Qui jusqu'à nos hameaux abaissa sa bonté :
Henri voulut bannir la dure pauvreté

pure;

Des champêtres repas que Thestylis apprête,
Et de ses tendres soins marquer nos jours de fête.
Henri vit dans nos cœurs, il vit dans nos chansons;
Venez, Princes, nos champs vous offrent des leçons;
Le cristal de nos eaux est un miroir fidèle,
Il forme des objets l'image naturelle ;
Aux Rois comme aux bergers il ose reprocher
Les défauts qu'un flatteur sait parer ou cacher.
Vous le consulterez aux bords d'une onde
Vous y verrez du vrai la naïve peinture.
On dit que ce spectacle est des Rois peu connu ;
Rien ne s'offre à leurs yeux sous un air ingénu.
Telle qu'est à la Cour une jeune bergère,
Qui se cache, rougit, près du trône étrangère,
L'aimable Vérité tremble devant les Rois;
Timide, embarrassée, elle fuit dans nos bois,
Et revient parmi nous dissiper ses alarmes.'
Parmi nous on apprend à respecter ses charmes ;
Elle pare nos mœurs, préside à nos chansons.
Venez, Princes, nos champs vous offrent des leçons.
Le pasteur qui prétend au titre heureux de sage,
Eloigne les périls du troupeau qu'il ménage ;
Son paisible bercail, inaccessible aux loups,
N'en redoute jamais l'homicide courroux.
Les bergères de fleurs couronnent sa houlette,

Et
pour lui les bergers réveillent leur musette.
Satisfait de ses champs, il borne ses desseins
A maintenir la paix dans les hameaux voisins.

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