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Père, époux malheureux, famille déplorable,
Des fureurs de ces temps exemple lamentable,
Puisse de ce combat le souvenir affreux
Exalter la pitié de nos derniers neveux,
Arracher à leurs yeux des larmes salutaires,

Et qu'ils n'imitent point les crimes de leurs pères (1) !
VOLTAIRE. Henriade, chant VIII.

Combat de Rodrigue contre les Maures.

CETTE obscure clarté qui tombe des étoiles Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles. L'onde s'enflait dessous, et, d'un commun effort, Les Maures et la mer entrèrent dans le port. On les laisse passer; tout leur paraît tranquille; Point de soldats au port, point aux murs de la ville. Notre profond silence abusant leurs esprits, Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris : Ils abordent sans peur; ils ancrent, ils descendent, Et courent se livrer aux mains qui les attendent. Nous nous levons alors, et tous en même temps Poussons jusques au ciel mille cris éclatans; Les nôtres au signal de nos vaisseaux répondent ; Ils paraissent armés ; les Maures se confondent; L'épouvante les prend à demi descendus; Avant que de combattre, ils s'estiment perdus. Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre. Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre; Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang, Avant qu'aucun résiste ou reprenne son rang.

Mais bientôt, malgré nous, leurs Princes les rallient; Leur courage renaît, et leurs terreurs s'oublient; La honte de mourir sans avoir combattu Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu.

(1) Voyez les Leçons Latines anciennes et modernes, ́t. I et II, Narrations ou Tableaux.

Contre nous de pied ferme ils tirent leurs épées;
Des plus braves soldats les trames sont coupées,
Et la terre et le fleuve, et leur flotte et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la Mort.
O combien d'actions, combien d'exploits célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,
Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnait,
Ne pouvait discerner où le sort inclinait!

J'allais de tous côtés encourager les nôtres,
Faire avancer les uns, et soutenir les autres;
Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour,
Et n'en pus rien savoir jusques au point du jour.
Mais enfin sa clarté montra notre avantage;
Le Maure vit sa perte, et perdit le courage;
Et, voyant un renfort qui nous vint secourir,
Changea l'ardeur de vaincre en la peur de mourir.
Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles,
Nous laissent pour adieux des cris épouvantables,
Font retraite en tumulte, et sans considérer
Si leurs Rois avec eux ont pu se retirer.
Ainsi leur devoir cède à la frayeur plus forte;
Le flux les apporta, le reflux les remporte.
Cependant que leurs Rois engagés parmi nous,
Et quelque peu des leurs tous percés de nos coups,
Disputent vaillamment, et vendent bien leur vie,
A se rendre moi-même en vain je les convie;
Le cimeterre au poing, ils ne m'écoutent pas;
Mais, voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,
Et que seuls désormais en vain ils se défendent,
Ils demandent le Chef: je me nomme; ils se rendent.
Je vous les envoyai tous deux en même temps,
Et le combat cessa faute de combattans (1).

CORNEILLE. Le Cid, acte IV, scène III.

(1) Voyez les Récits ou Descriptions de combat, prose et vers; et dans les Leçons Latines anciennes et modernes.

Dernier Combat de Mithridate contre les Romains.

IL vit (1), chargé de gloire, accablé de douleurs; De sa mort en ces lieux la nouvelle semée Ne vous (2) a pas vous seule et sans cause alarmée. Les Romains, qui partout l'appuyaient par des cris, Ont par ce bruit fatal glacé tous les esprits. Le Roi, trompé lui-même, en a versé des larmes; Et, désormais certain du malheur de ses armes, Par un rebelle fils de toutes parts pressé, Sans espoir de secours, tout près d'être forcé, En voyant, pour surcroît de douleur et de haine, Parmi ses étendards porter l'aigle romaine, Il n'a plus aspiré qu'à s'ouvrir des chemins Pour éviter l'affront de tomber dans leurs mains. D'abord il a tenté les atteintes mortelles Des poisons que lui-même a crus les plus fidèles; Il les a trouvés tous sans force et sans vertu. Vain secours, a-t-il dit, que j'ai trop combattu! Contre tous les poisons soigneux de me défendre, J'ai perdu tout le fruit que j'en pouvais attendre: Essayons maintenant des secours plus certains, Et cherchons un trépas plus funeste aux Romains. Il parle; et, défiant leurs nombreuses cohortes, Du palais, à ces mots, il fait ouvrir les portes. A l'aspect de ce front, dont la noble fureur Tant de fois dans leurs rangs répandit la terreur, Vous les eussiez vus tous, retournant en arrière, Laisser entre eux et nous une noble carrière, Et déjà quelques uns couraient épouvantés Jusque dans les vaisseaux qui les ont apportés. Mais le dirai-je, ô Ciel! rassurés par Pharnace, Et la honte en leurs cœurs réveillant leur audace,

(1) Xipharès.

(a) Monime

Ils reprennent courage, ils attaquent le Roi,
Qu'un reste de soldats défendait avec moi.

Qui pourrait exprimer par quels faits incroyables,
Quels coups accompagnés de regards effroyables,
Son bras, se signalant pour la dernière fois,
A de ce grand Héros terminé les exploits?
Enfin, las et couvert de sang et de poussière,
Il s'était fait de morts une noble barrière.
Un autre bataillon s'est avancé vers nous.

Les Romains pour le joindre ont suspendu leurs coups,
Ils voulaient tous ensemble accabler Mithridate;
Mais lui, c'en est assez, m'a-t-il dit, cher Arbate,
Le sang et ma fureur m'emportent trop avant;
Ne livrons pas surtout Mithridate vivant.
Aussitôt dans son sein il plonge son épée;
Mais la mort fuit encor sa grande âme trompée.
Ce Héros dans mes bras est tombé tout sanglant,
Faible, et qui s'irritait contre un trépas si lent;
Et, se plaignant à moi de ce reste de vie,
Il soulevait encor sa main appesantie,
Et, marquant à mon bras la place de son cœur,
Semblait d'un coup plus sûr implorer la faveur.
Tandis que, possédé de ma douleur extrême,

Je

songe bien plutôt à me percer moi-même,
De grands cris ont soudain attiré mes regards.
J'ai vu, qui l'aurait cru? j'ai vu de toutes parts
Vaincus et renversés les Romains et Pharnace,
Fuyant vers leurs vaisseaux abandonner la place;
Et le vainqueur, vers nous s'avançant de plus près,
A mes yeux éperdus a montré Xipharès.

RACINE. Mithridate, acțe V, scène IV.

Combat de Turenne et d'Aumale.

PARIS, le Roi, l'armée, et l'enfer et les cieux, Sur ce combat illustre avaient fixé les yeux.

2.-28.

3

Bientôt les deux guerriers entrent dans la carrière.
Henri du champ d'honneur leur ouvre la barrière.
Leur bras n'est point chargé du poids d'un bouclier;
Ils ne se cachent point sous ces bustes d'acier,
Des anciens chevaliers ornement honorable,
Eclatant à la vue, aux coups impénétrable;
Ils négligent tous deux cet appareil qui rend
Et le combat plus long et le danger moins grand.
Leur arme est une épée; et, sans autre défense,
Exposé tout entier, l'un et l'autre s'avance.

« O Dieu! cria Turenne, arbitre de mon Roi,
Descends, juge sa cause, et combats avec moi :
Le courage n'est rien sans ta main protectrice;
J'attends peu de moi-même et tout de ta justice, »
D'Aumale répondit : « J'attends tout de mon bras;
C'est de nous que dépend le destin des combats;
En vain l'homme timide implore un Dieu suprême;
Tranquille au haut du ciel, il nous laisse à nous-même:
Le parti le plus juste est celui du vainqueur,
Et le Dieu de la guerre est la seule valeur. »
Il dit, et, d'un regard enflammé d'arrogance,
Il voit de son rival la modeste assurance.

Mais la trompette sonne. Ils s'élancent tous deux ; Ils commencent enfin ce combat dangereux. Tout ce qu'ont pu jamais la valeur et l'adresse, L'ardeur, la fermeté, la force, la souplesse, Parut des deux côtés en ce choc éclatant. Cent coups étaient portés et parés à l'instant. Tantôt avec fureur l'un d'eux se précipite; L'autre, d'un pas léger, se détourne et l'évite : Tantôt, plus rapprochés, ils semblent se saisir; Leur péril renaissant donne un affreux plaisir; On se plaît à les voir s'observer et se craindre, Avancer, s'arrêter, se mesurer, s'atteindre : Le fer étincelant, avec art détourné,

Par de feints mouvemens trompe l'œil étonné.

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