La vie amoureuse d'Alfred de Musset

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E. Flammarion, 1926 - 185 pages
 

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Page 163 - Comme le matelot brisé par la tempête, Je m'y tiens attaché. Je ne veux rien savoir, ni si les champs fleurissent, Ni ce qu'il adviendra du simulacre humain, Ni si ces vastes cieux éclaireront demain Ce qu'ils ensevelissent. Je me dis seulement : A cette heure, en ce lieu, Un jour, je fus aimé, j'aimais, elle était belle. J'enfouis ce trésor dans mon âme immortelle, Et je l'emporte à Dieu ! Février 1841.
Page 115 - S'accostaient d'une injure ou d'un refrain banal. Dans un carrosse ouvert une troupe entassée Paraissait par moments sous le ciel pluvieux, Puis se perdait au loin dans la ville insensée. Hurlant un hymne impur sous la résine en feux. Cependant des vieillards, des enfants et des femmes Se barbouillaient de lie au fond des cabarets. Tandis que de la nuit les prêtresses infâmes Promenaient ça et là leurs spectres inquiets.
Page 18 - C'était le printemps même, tout un printemps de poésie qui éclatait à nos yeux. Il n'avait pas dix-huit ans : le front mâle et fier, la joue en fleur et qui gardait encore les rosés de l'enfance, la narine enflée du souffle du désir, il s'avançait le talon sonnant et l'œil au ciel, comme assuré de sa conquête et tout plein de l'orgueil de la vie. Nul, au premier aspect, ne donnait mieux l'idée du génie adolescent.
Page 181 - ... homme possédé d'une sorte de démon, faible, violent, orgueilleux, despotique, fou, dur, petit, méfiant jusqu'à l'insulte, aveuglément entêté, personnel et égoïste autant que possible, blasphémant tout et s'exaltant autant dans le mal que dans le bien. Lorsqu'une fois il a enfourché ce cheval du diable, il faut qu'il aille jusqu'à ce qu'il se rompe le cou. L'excès, voilà sa nature, soit en beau, soit -en laid.
Page 99 - Comme je me retournais pour prendre une assiette, ma fourchette tomba. Je me baissai pour la ramasser, et, ne la trouvant pas d'abord, je soulevai la nappe pour voir où elle avait roulé. J'aperçus alors sous la table le pied de ma maîtresse qui était posé sur celui d'un jeune homme assis à côté d'elle; leurs jambes étaient croisées et entrelacées, et ils les resserraient doucement de temps en temps.
Page 29 - A propos, réflexion faite, je ne veux pas que vous m'ameniez Alfred de Musset. Il est très dandy, nous ne nous conviendrions pas, et j'avais plus de curiosité que d'intérêt à le voir. Je pense qu'il est imprudent de satisfaire toutes ses curiosités, et meilleur d'obéir à ses sympathies. A la place de celui-là, je veux donc vous prier de m'amener Dumas en l'art de qui j'ai trouvé de l'âme, abstraction faite du talent.
Page 168 - Elle aurait pleuré, si sa main, Sur son cœur froidement posée, Eût jamais dans l'argile humain Senti la céleste rosée. Elle aurait aimé, si l'orgueil, Pareil à la lampe inutile Qu'on allume près d'un cercueil, N'eût veillé s'ur son cœur stérile. Elle est morte et n'a point vécu. Elle faisait semblant de vivre. De ses mains est tombé le livre Dans lequel elle n'a rien lu.
Page 184 - L'heure de ma mort, depuis dix-huit mois, De tous les côtés sonne à mes oreilles. Depuis dix-huit mois d'ennuis et de veilles, Partout je la sens, partout je la vois. Plus je me débats contre ma misère, Plus...
Page 175 - J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie. Quand j'ai connu la Vérité, J'ai cru que c'était une amie; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en étais déjà dégoûté. Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d'elle Ici-bas ont tout ignoré. Dieu...
Page 53 - Tandis que je composais mes poèmes, elle barbouillait des rames de papier. Je lui récitais mes vers à haute voix, et cela ne la gênait nullement pour écrire pendant ce tempslà. Elle pondait ses romans avec une facilité presque égale à la mienne, choisissant toujours les sujets les plus dramatiques, des parricides, des rapts, des meurtres, et même jusqu'à des filouteries, ayant toujours soin, en passant, d'attaquer le gouvernement et de prêcher l'émancipation des merlettes.

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