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CHARLES BEYS

Ce joyeux biberon naquit à Paris en 1610 et mourut dans la même ville, le 26 septembre 1659. Ce n'est pas que son Elégie contre la Jalousie soit très remarquable, mais nous n'avons pas voulu laisser de côté un compagnon de Saint-Amant, des Colletet, de Scarron, de Tristan L'Hermite et de Scudéry, qui dut à ces liaisons autant qu'à son Théâtre quelque célébrité, et que Richelieu fit enfermer à la Bastille pour un libelle injurieux, La Milliade, auquel il n'eut point de part et qu'il nia dans une apologie du Cardinal. On sait peu de chose sur sa vie, sinon ce qu'il en dit lui-même dans ses Euvres Poétiques, faites à « l'âge de quatorze ans », âge prématuré pour parler de soi qu'il avait cultivé les Muses latines et françaises, et qu'il aimait plus le plaisir que l'étude... François Colletet, dans son Beys au tombeau, nous le représente comme un poète sans souci, un fervent de Bacchus, à qui sa dévotion fit perdre un œil; et Loret, dans sa Gazette, rime ainsi son épitaphe :

Beys qui n'eut jamais vaillant un Jacobus,
Courtisa Bacchus et Phœbus,

Et leurs loix voulut toujours suivre.
Bacchus en usa mal, Phœbus en usa bien;
Mais en ce divers sort Beys ne perdit rien:
Si l'un l'a fait mourir, l'autre l'a fait revivre.

L'Abbé Goujet a porté sur Beys et son recueil de 1651 ce jugement succinct et léger à sa mémoire : « La versification en est communément aisée, naturelle, exacte même; mais il y a peu de génie poétique. Si l'on en croit l'Auteur, Beys n'estimoit pas lui-même ce Recueil plus qu'il ne vaut. « Toussaint Quinet, dit-il, (c'est le Libraire) a désiré que je lui fisse un livre; s'il m'eût permis de choisir ce que j'eusse voulu publier, je suis juge si sévère de ce que je fais, qu'à peine en eussé-je pû réserver une feuille. » Il faisoit cependant espérer un second Recueil meilleur que celui-ci selon

le jugement qu'il en portoit; mais il est mort sans l'avoir donné, et ses amis ne se sont pas mis en peine d'en faire part au public. » BIBLIOGRAPHIE. Le Gouvernement présent ou éloge de son Éminence, satyre (de mille vers) ou la Miliade, Anvers, vers 1635, in-8°. On a attribué cette sanglante satire soit à Favreau, soit à d'Estelan. Rééd. en 1649, in-4°.— Le Triomphe de Louis le Juste XIII® du nom, Paris, 1649, in-fol; Euvres Poétiques, 1651; Théâtre Le jaloux sans sujet, l'Hôpital des Foux, 1635; — Céline, ou les Frères rivaux, 1636; L'Hospital des Foux, tragi-comédie, 1637; Illustres foux, 1652; Stances sur le départ de Mgr. le premier président, 1652, in-4° de 4 p. L'Amant libéral (avec GUÉRIN DE BOUSCAL) 1637; Plusieurs poésies dans les Muses Illustres, recueillies par F. COLLETET, 1658; et dans le tome III des Poésies diverses, collationnées par l'ABBÉ LOMENIE de Brienne et ARNAULD D'ANDILLY.

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A CONSULTER.

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Les

FR. COLLETET, Muse Coquette, 1665, p. 220.

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FRÈRES PARFAICT, Hist. du Théâtre franç., t. V et VII. GOUJET, Biblioth. franç., t. XVI. PAUL OLIVIER, Cent Poètes Lyriques, 1898. F. STEMPLINGER, Odes d'Horace en vers burlesques, par Ch. de Beys (Zeits. Franz. Spraiche Litter. 1904). — Fréd. Láchèvre, Rec. Collectifs, XVIIe siècle, II, III, IV. - MAURICE ALLEM, Anthol. Poétique franç. XVIIe siècle, t. II, Paris, Garnier.

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ELEGIE,

CONTRE LA JALOUSIE

Qu'un Jaloux se punit, et qu'entre tous les vices
Cette aveugle fureur trouve de precipices!

Il expose son bien pour le tenir trop cher,
Et le perd par le soin qu'il prend de le cacher;
Son soupçon se descouvre, et cette deffiance
Sert, pour le mieux tromper, aux autres de science;
Outre que trop de peur trouble son jugement,
Et que sa connaissance est un aveuglement.

Celuy qui, pour donner du repos à son ame,
Oste la liberté de sortir à sa femme,

Esloigne de ses yeux servantes et valets,

De peur qu'elle reçoive ou donne des poulets,
La renferme à la clef, condamne la fenestre,
Et, tous les jours esteints, luy deffend de paraistre.
Il croit à tous momens qu'on tire les verroux;
Il a peur que des dents elle arrache les cloux,
Ou mesme que, Sorciere au Bouc abandonnée,
Elle vole au Sabath par une cheminée;

Et, pour joindre à ces maux un supplice nouveau,
La patiente rit des peines du Boureau.

Tantost il la croit seule, et qui ne peut mal faire,
Mais il l'a renfermée avec son Adultere :

Elle l'a dans son cœur, luy dit son desplaisir,
Et dans sa solitude elle a plus de loisir.
Ses yeux, que le Jaloux suspend de leur office,
Laissent agir son ame avec plus d'artifice;
Elle s'irrite mieux dedans cette prison,
Et contre le Geolier prepare le poison;
Au travers de la nuit, les yeux de sa pensée
Cherchent qui vangera sa liberté forcée;
Elle promet à tous ce qu'un seul croit avoir,
Moins pour se contenter que pour le decevoir;
Enfin, tout ce qu'icy le mal-heureux pratique,

C'est qu'en la laissant seule il fait qu'elle est publique.

(Les Euvres Poetiques, 1651.)

BENSERADE

Isaac de Bensserade, ou Benserade, naquit le 5 novembre 1612 à Lyons-la-Forêt, près de Rouen, selon l'Abbé Tallemant; à Paris, en 1613, selon M. Frédéric Lachèvre qui omet ses références. Son père était maître des Eaux et Forêts, suivant les uns, ou procureur à Gisors, suivant les autres. De famille protestante, il fut baptisé au temple; il abjura l'hérésie à l'âge de huit ans, et fut confirmé par Mer Puget, évêque de Dardanie, plus tard de Marseille. Le prélat lui demanda s'il voulait bien changer son prénom juif contre un prénom chrétien. « J'y consens, répondit le jeune Normand, pourvu qu'on me donne du retour. » Là-dessus, pensant qu'il mènerait loin son Isaac, on ne lui proposa Pierre ni Paul. S'il aimait son prénom, il révérait son nom encore davantage, prétendant descendre de Paul de Benserade, Seigneur de Chépi et Chambellan de Louis XII, issu luimême des Abencérages. Il descendait, d'autre part, des maisons de Vignancourt et de La Porte. Cette dernière prétention le rendait parent de Richelieu et du Duc de Brézé. Bayle, dans l'étincelant article qu'il lui consacre, raille cette généalogie et conclut que « l'obscurité de son père ne peut point passer pour douteuse ». Quoi qu'il en soit, le Cardinal de Richelieu paraît avoir pris soin de Benserade dès son enfance, lorsqu'il perdit son père à l'âge de douze ans et qu'il se trouva seul et sans fortune. Il fit ses études à Paris, mais il ne paraît pas qu'il les poussa très loin, car Charpentier, dans sa Réponse au Discours de réception de Pavillon, élu en remplacement de Benserade, dit que sans avoir trop bien connu les anciens il les avait égalés. On se demande si ce fut par les rondeaux... Bayle rapporte, au sujet de l'ignorance du poète, une amusante anecdote empruntée à l'Abbé Tallemant. « S'étant trouvé un jour à l'Opéra, dans la loge de Monsieur, Madame lui demanda quelle différence il y avoit entre les Hamadryades et les Dryades. Il se trouva fort embarrassé, mais, ne voulant pas demeurer court, comme il s'aperçut qu'un Archevesque et un Evesque attendoient Madame à la sortie......., il dit qu'il y avoit autant de différence qu'entre les Evesques et les

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