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cure, et complètement détaché du monde. On prétend qu'il ne prit même pas la peine de réparer sa toiture, et que la pluie gagna sa chambre. Il fit déplacer son lit. La pluie l'ayant atteint, il le transporta dans un autre coin. Il en plaisanta dans un poème aujourd'hui perdu Les Promenades de mon lit. Il mourut le 14 juillet 1714, après avoir fait amende honorable à Boileau, dans la pièce : Boileau et Momus. Les Satires de Sanlecque sont quelquefois jointes à celles de Despréaux, et quelquefois confondues avec elles, comme dans le Recueil de Denys Thierry, où la Satire contre les Confesseurs est imprimée sous le nom du SIEUR D***. Ces attributions n'ont jamais trompé les véritables connaisseurs. A vrai dire, Sanlecque ne manque ni de verve, ni d'esprit, mais il pèche par le goût et par la rudesse de son style, ce qu'on ne peut pardonner à un contemporain de Boileau, surtout à l'un de ses contempteurs qui se crut impudemment son égal.

BIBLIOGRAPHIE.

***

Epitre au Roy, Versailles, 1688, in-fol. pièce; Poésies héroïques, morales et satyriques, par MONSIEUR DE avec quelques épigrammes, sonnets, madrigaux du même autheur, Harlem (Lyon), 1696, in-12; Harlem, 1726, in-12; Amsterdam, 1700 et à la suite des Bolaana, 1742.

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TAIRE, Siècle de Louis XIV.

VOL

TITON DU TILLET, Parnasse françois.
VIGNEUL-MARVILLE, Mémoires.
MERLET, Bibl. Chartraine, 1882.

MORERI, Dict. Histor.

FRÉDÉR. LACHÈVRE, Bibl. des Rec. de poés., t. III, p. 531; IV, 185 FERNAND FLEURET et LOUIS PERCEAU, Satires de Mœurs du XVIIe siècle, La Sirène.

SATIRE DEUXIÈME

Chrysostome François, Censeur Evangelique,
Aussi profond Docteur qu'Orateur pathétique,
BOURDALOUE, il est vrai qu'on voit dans tes Discours
Des beautez que l'art même ignorera toûjours;
Il est vrai que toi seul tu sais te faire un stile
Que l'on trouve à la Cour aussi bien qu'à la Ville :
Mais tu n'es pas moins grand lors que quelque pecheur
Te découvre en secret la lèpre de son cœur.

C'est là que, faisant taire et l'art et la nature,
Ta bouche fait parler la Grace toute pure,
Et que ta charité, pieux Samaritain,
Verse sans interêt de l'huile avec du vin.

Ah! que de Directeurs savent peu ces pratiques!
Que l'Eglise est fertile en devots Empyriques!
Que de saints Charlatans, au lieu de nous guerir,
Prennent de notre argent pour nous faire mourir !

Pénitens endurcis, que rien ne vous afflige:
L'or saura diriger celui qui vous dirige.
Dès qu'on fait briller l'or le Prêtre est caressant,
Et le plus criminel lui paroit innocent.

Si vous voulez fléchir ce Juge de vos vices,
Comme aux Juges du siècle il lui faut des épices.
Lors que le Confesseur reçoit de certains droits,
Tout pardon est scellé du grand sceau de la Croix.
On gagne un Directeur comme on gagne une Belle :
Sans la bourse il est dur autant qu'elle est cruelle.
En un mot, le bon Pere est doux comme un agneau,
Lors que son Tribunal vaut autant qu'un Bureau.
Criminelle douceur! Charité mercenaire !

Mais de quoi vivra donc ce Prêtre, ce bon Pere?
Tout Prêtre, dit Saint Paul, doit vivre de l'Autel.
Oui, vivre, c'est bien dit, c'est le droit naturel,
Mais vivre, est-ce voler tant de riches bigottes,
Et plus que l'heritier heriter des plus sottes ?
Est-ce monopoler sur tous les cas verreux,

Et vendre au poids de l'or le droit d'être amoureux?
Est-ce adoucir sa voix au son des grosses piéces ?
Est-ce de legs pieux dotter toutes ses niéces ?
Est-ce garder pour soi l'argent des Hôpitaux?
Est-ce, enfin, retenir ou nier les dépôts?

Non, non, ce n'est pas là ce qu'on appelle vivre :
C'est surpasser Tartuffe, ou du moins c'est le suivre;
C'est des Bourgeois d'Alger imiter le trafic;

C'est au pied des Autels voler le bien public :
En un mot, c'est piller avec plus d'insolence
Que le plus scelerat qui court à la potence !

« Tout doux, me dira-t'on, vos vers sont trop mordans. » Hé bien ! les Directeurs sont tous d'honnêtes gens;

Ils sont tous Archi-saints; j'en connois un, entr' autres, Mais un qui vaut, lui seul, plus que les douze Apôtres : C'est un vieillard zelé jusqu'à se trouver mal,

S'il ne tient une Dame au Confessionnal.

Quand donc il n'en tient plus, il court toute l'Eglise,
Et, dès qu'il en verra quelqu'une assez bien mise,
Il s'approchera d'elle, et d'abord lui dira :

« Si vous voulez, Madame, on vous confesserą. »
Qu'on est édifié lors qu'on voit une Belle

Assise près d'un Moine au fond d'une Chappelle !
Bon Dieu ! qu'il se fait là d'ouvertures de cœur !
Mais Sathan et la chair ne leur font-ils point peur?
Ah non leur chair est morte, et Sathan est trop bête
Pour faire son profit d'un si saint tête-à-tête.
Si l'on en croit pourtant ce qu'en dit un dévot,
Leur chair se ressuscite, et Sathan n'est pas sot.
Quand certain Directeur parle à sa Sunamite,
Je voudrois bien savoir pourquoi son cœur palpite?
Palpiter est-ce un mal? Il vient de charité;
Oui, mais le cœur de Paul a-t'il tant palpité ?
Non, car en ce temps-là la charité grossiere
N'aimoit pas le prochain de la belle maniere.

Je n'aurai jamais fait s'il faut specifier
Tous les saints Confesseurs de mon Calendrier;
Il en est de tout âge, il en est de tout ordre,
Sur qui cent Despreaux ne pourroient jamais mordre:
L'un recherche si peu la gloire et l'interêt

Qu'une jeune Grisette est tout ce qui lui plaît;
La charité de l'autre est pour les Demoiselles,

Dont il prend tant de soin qu'il est toûjours chez elles;
L'autre, les jours de jeûne, invente avec esprit
L'art de manger le soir un peu de poisson frit;
L'autre enfin, pour sonder le cœur de ses dévotes,
Vient à l'Opera même examiner leurs fautes,
Et, derriere un treillis, pour n'être point connu,
Le Vieillard scrupuleux voit tout et n'est point vû.
Parmi les Directeurs, certains jeunes novices
N'aiment point le détail de la plupart des vices;
Mais, comme ils n'ont d'ardeur que pour la chasteté,
Qu'une Dame ait lâché le mot d'impureté,

Ils ont pour l'éplucher cent jolis tours d'adresses;
Ils lui font tout conter, soûpirs, baisers, caresses,
Postures, pâmoisons, et tout ce qui s'ensuit;
La Dame, après cela, le fait rêver la nuit.

Si ces furets d'amour font pourtant trop d'enquêtes,
Faites-vous confesser par ces Vieillards honnêtes,
Par ces Docteurs benins, qui, pour toute leçon,
A chaque gros peché vous disent toûjours : bon !

Mais à propos de bon, l'on m'a dit qu'un bon Prêtre,
Dont le visage doux l'avoit rendu le maître

De cent cœurs feminins qui l'aimoient plus que Dieu,
L'on m'a donc dit qu'un jour, sortant de certain lieu,
Ce lieu, c'est le logis d'une jeune dévote,

homme ! >

Il huma du serain, mais ce fut par sa faute,
Car que n'abregeoit-il tous ces pieux discours,
Lui qui venoit prêcher la belle tous les jours?
Le voilà donc fort mal; ce gros rhume l'assomme,
Tout le quartier le sait, chacun dit : « Le pauvre
Et trente postillons, le lendemain matin,
Arrivent dans sa chambre, une écuelle à la main.
Ce sont trente Laquais d'autant de Penitentes,
Portans tous des bouillons de viandes succulentes;
Mais lequel prendra-t'il dé ces trente bouillons,
Tous également grands, tous également bons?

D'ailleurs, qu'il en prenne un, voilà vingt-neuf jalouses,
Car toutes pour lui seul ont un vrai cœur d'épouses.
Sa servante, qui voit que le peril est grand,
Prend plein une cuillier de chaque restaurant,
Et, sans tant de façon, sans tant de simagrées,
Fait un maître bouillon de trente cuillerées.
Le Saint, rempli de joye et d'admiration,
Donne à ce consomé sa benediction,

Et, dans un doux transport de charité divine :
« Que je t'aime, dit-il, ma pauvre Catherine ! »
Le bouillon pris ensuite, il prononce ces mots :
« Ah! bouillon des bouillons, remede à tous nos maux !
Les Dames, cependant, dont l'ame est chagrinée,
De ces trente bouillons reçûs la matinée,
Viennent savoir quel est le bouillon favori,
Mais cet homme de Dieu, qui n'a jamais menti,
Les prend l'une après l'autre, et leur dit à l'oreille :
«Que votre consomé, ma fille, a fait merveille ! »
Mais ne raillé-je point par un esprit d'aigreur?
Non, c'est par charité que je fais le railleur,
Car tous ces mots plaisans qui font valoir mes rimes
Sont des voiles Chretiens qui couvrent bien des crimes.
Oui, si comme une Agnès je parlois simplement,

Et si je ne couvrois le vice d'enjouement,

La nudité sans doute offenseroit la veue:
La Vertu seule a droit de plaire toute nue.
Dirai-je ingenûment: Un tel Prêtre fait mal
De ne se point servir de Confessionnal?

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Nez à nez, joue à joue, il confesse les Dames,
Il tient toûjours long-tems toutes les belles femmes;
Il veut toûjours savoir comme font les Maris;

Il est tellement fou de sa dévote Iris

Qu'il est même jaloux de quiconque la loue;
Quand il part pour les champs il lui dit à la joue :
Adieu, ma chere fille; adieu, mon tendre cœur;
Aimez bien votre Pere, aimez bien le Seigneur;

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