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BIBLIOGRAPHIE. Poésies nouvelles et autres œuvres galantes du SIEUR DE C***, Paris, 1661, in-12; Paris, 1662, in-12 et 1665 in-12; Satyres nouvelles de M. BENECH DE CANTENAC, chan Recueil de l'égl. métropolit. de Bordeaux, Amsterd. s. d., in-12;

des Pièces du temps, ou Divertissements curieux, La Haye, 1685, in-12; Poésies gaillardes et héroiques de ce temps, pet. in-12, s. d. Ces deux recueils contiennent l'Occasion perdue. Elle a été rééditée par Gay, Paris, 1862, pet. in-12 et en 1863, avec étude de PAUL LACROIX: Lettre à M. J. G.

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A CONSULTER. En plus des ouvrages déjà cités dans la notice, c. f. Cte D'I***, Bibliographie des Ouvrages relatifs à l'amour, aux Femmes, au Mariage, etc., Paris, Gay, 1864 et suiv. — L'APOTRE BIBLIOGRAPHE, Bibliographie Clerico-Galante, Paris, 1879. FRÉDÉR. LACHÈVRE, Rec. Collect, xvIIe siècle, II, 178, III, 245. FERNAND FLEURET et LOUIS PERCEAU, Satires de Mœurs du XVIIe siècle, La Sirène.

L'HOMME DEGUISÉ

SATYRE V

Ne vous étonnez pas, Alidor, si je gronde
De la duplicité qui regne dans le monde,
Et du masque trompeur dont l'homme déguisé
Cache tous les deffauts dont il est accusé.
L'Homme est dissimulé, difficile à connoître;
Souvent il n'est rien moins que ce qu'il veut paroître
Par un air de franchise, et de faux complimens,

Il trahit ses amis comme ses sentimens.

Tyrcis embrasse Oronte afin de le surprendre :
Il voudroit l'étouffer s'il osoit l'entreprendre.

A la Cour, à la Ville, on voit à chaque pas
Donner en soûriant des baisers de Judas.

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Devant vous on vous flatte, et, quand on se retire,
On vous fait lâchement l'objet d'une Satyre.
On donne un mauvais sens à tout ce qui s'est dit,
Et l'on dit que l'on raille alors qu'on vous noircit.
On fausse impunément la plus sainte promesse;
Le fils trompe son pere, et l'amant sa maîtresse.
Tous ces beaux noms d'honneur et de sincerité
Ne forment qu'un vain son qui n'est plus écouté.
Une femme infidele, avec mille souplesses,
Endort un sot Epoux par de feintes caresses,
Tandis qu'elle entretient dans le fonds de son cœur
Pour un devoir forcé le dégoût et l'horreur.
L'homme, encor plus volage, agit souvent de même
Et trahit lâchement une Epouse qui l'aime.
Un pere infortuné subit le même sort :
Son enfant le caresse et desire sa mort.
Combien de faux amis, pleins d'orgueil et d'envie,
Sous main, et sans raison, censurent votre vie?
Ces fleaux pernicieux des plus honnêtes gens
Tâchent, pour nous trahir, d'être nos confidens.
Dans l'état le plus Saint on trouve des Protées
Qui font les gens de bien et vivent en Athées :
Lysis paroît un Ange au culte des Autels,
Mais il se sert des Dieux pour tromper les mortels.
Le fameux Dorilas, si juste en apparence,
Par d'injustes moyens fournit à sa dépense :
Le plus méchant procez, des présens secondé,
Dans sa jurisprudence est toûjours bien fondé;
Il paroît charitable et prête avec usure,
Qui choque également le Ciel et la nature.
Ce cruel exacteur du bien des pauvres gens
Pour devenir plus riche a fait mille indigens.
De combien de sermens, de fraude, et d'impostures,
L'infidele Marchand couvre-t'il ses usures?

Il trompe le plus fin au moment qu'on le croit :
Si l'on ne mentoit pas le trafic cesseroit.
Iris, qui fait la prude et ne fut jamais sage,
Nous cache avec du fard le declin de son âge,
Et, trop sensible encor aux douceurs de l'amour,
Achete ses Amants et les vend tout à tour.
Ce monde est un Theatre, où, pendant cette vie,
On fait ce qu'un Acteur fait à la Comedie.
Cette métamorphose est dans tous les Etats,
Et l'homme travesti paroît ce qu'il n'est pas.
Un jeune Abbé, grossi des bien-faits de l'Eglise,
Ne se croit jamais mieux que quand il se déguise,
Et qu'en habit mondain il trahit à la fois
L'honneur, la conscience, et les plus saintes Loix.
Il croit pouvoir quitter un habit qu'il profane,
Et celuy d'un galant sied mieux qu'une soutane.
Combien de gens de robe, et du corps du Senat,
Vêtus en Cavaliers, démentent leur état?
Licidas, convaincu d'une ignorance crasse,
La pallie en citant les Maîtres du Parnasse,
Dont il ne fut jamais qu'un indigne avorton
Qui de tous les Autheurs ne sçait rien que le nom.
Combien de fanfarons parlent avec audace
De combats singuliers, et de Sieges de Place,
Où tout le monde sçait qu'ils n'ont jamais été ?
Ils prétendent par là cacher leur lâcheté.

Combien de Scelerats, que le vulgaire estime,

Contrefont les devots pour mieux commettre un crime? Ils sont vindicatifs jusqu'à l'extremité :

Rien n'est si dangereux qu'un Tartuffe irrité.

Pour peu qu'on leur déplaise ils tâchent de vous nuire,
Leur langue envenimée est propre à vous détruire;
Choquer leur vanité c'est les mettre en fureur,

Et feignant de vous plaindre ils vous percent le cœur
Tels, sur les bords du Nil, les affreux Crocodiles,
Qui, couverts de limon, paroissent immobiles,

Avec des cris d'enfant sçavent l'art d'attirer

Le passant malheureux qu'ils veulent devorer.
D'autres déguisemens, trop communs dans la France,
Font voir l'orgueil de l'homme et son extravagance.
On se fait plus qu'on n'est un petit Roturier
S'érige en Gentilhomme et se dit Chevalier;
L'on cache sa naissance, et je connois un homme
Qui se dit descendu des Patrices de Rome,
Dont l'ayeul, fatigué de porter le bissac,

Se fit cardeur de laine au Canton de Lussac.
Sous les mêmes habits, le luxe et l'arrogance
Du Noble et du Bourgeois cachent la difference;
La Noblesse est ternie avec la pauvreté,
Et pourvû qu'on soit riche on est de Qualité.
L'indigente vertu n'ose et ne peut paroître,
L'infortune l'offusque et la fait méconnoître;
On berne le merite, et le plus grand sçavoir
Dans un homme sans bien n'ose se faire voir.
Mais quittons la Satyre, elle est peu nécessaire :
Pour reformer le monde il faudroit le refaire.

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NICOLAS PRADON

Nicolas Pradon naquit à Rouen en 1632 et mourut à Paris en 1698. Il quitta de bonne heure sa province. Présenté par Mme Deshoulières, il fut adopté par l'Hôtel de Nevers et l'Hôtel de Bouillon, où l'on résolut d'en faire un grand homme au détriment de Racine. Pyrame et Thisbé, sa première pièce, représentée en 1674, eut un brillant succès, mais Tamerlan, ou la mort de Bajazet, qui suivit deux ans plus tard, n'eut pas la même faveur, encore que le sujet fût mieux traité. L'on rapporte qu'à la fin de la représentation, le Prince de Condé lui fit remarquer qu'il avait situé en Europe une ville d'Asie. « Excusez-moi, Monseigneur, répondit Pradon, je ne sais pas bien la Chronologie. » Cette méprise ridicule inspira à Boileau ce trait déguisé : que Pradon prenait la métaphore et la métonymie pour des termes de chimie. Le poète malheureux attribua l'insuccès de sa pièce à la cabale, et il crut devoir y répondre par la préface de sa tragédie, où il vise directement Racine. Ses partisans, le duc de Nevers, la duchesse de Bouillon, Mme Deshoulières, Mme de Sévigné, Saint-Evremond et autres, sachant que Racine préparait Phèdre, lui soufflèrent le sujet de Phèdre et Hippolyte, et le soutinrent dans son travail. En trois mois, cette bigarrure fut achevée pour être opposée au chef-d'œuvre du grand tragique, ouvrage de plusieurs années. La Duchesse de Bouillon, comme l'on sait, loua les loges de l'Hôtel de Bourgogne et celles du théâtre de la rue Guénégaud, où les deux pièces se jouaient à deux jours d'intervalle. L'Hôtel de Bourgogne resta vide, mais non pas les loges de la rue Guénégaud. Bien que personne ne fût dupe de ce manège scandaleux, la pièce de Racine tomba, et celle de Pradon connut un triomphe factice. Durant le silence de douze années, qu'affecta son rival dégoûté, Pradon fit jouer quelques tragédies, dont Régulus, qui peut passer pour la moins mauvaise; quelques ouvrages satiriques contre Racine et Boileau parurent à des dates diverses. << Toute la différence qu'il y a entre Pradon et moi, disait dédaigneusement Racine, c'est que je sais écrire... »

Le frontispice du Triomphe de Pradon le représente sous la figure

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