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Qu'il sera malheureux s'il faut qu'il se propose
D'acquerir l'esprit par le corps!

L'amour qu'on vous témoigne est une étrange chose,
Quand le respect en est dehors.

Quelques vœux qu'en secret un amoureux vous offre,
Encore qu'il vous presse bien,

Prenez garde à la bourse, et fermez votre coffre :
Après cela ne craignez rien.

(Recueil Chamhoudry, 1652.)

JEAN-FRANÇOIS SARASIN

Jean-François Sarasin, Sarrasin, ou Sarrazin, naquit en 1604 à Hermanville-sur-Mer, près de Caen.« Il estoit filz d'un homme de Caen, dit Tallemant des Réaux, qui estoit comme le parasite d'un vieux garçon nommé Foucault, trézorier de France à Caen. Foucault le logeoit chez luy, et enfin luy vendit sa charge, dont il ne toucha que sept ou huict mille livres, qui estoit peut-estre tout le vaillant de Sarrazin... Foucault mourut au bout de deux ans, et Sarrasin épousa la gouvernante du vieux garçon... Le Roy obligea les trézoriers de Caen de se faire conseillers de la Cour des Aydes de Rouen... Voilà comment nostre Sarrazin estoit filz d'un trezorier de France à Caen et conseiller de la Cour des Aydes de Rouen... Sarasin fit ses études à l'Université de Caen; puis il vint briller à Paris, présenté à l'Hôtel de Rambouillet par Mile Paulet, la célèbre Précieuse amie de Voiture. Il servit ensuite le Prince de Conti, en qualité de secrétaire, et mourut à Pézenas, le 15 décembre 1654, empoisonné, dit-on, par un mari jaloux. Son ami Pellisson, passant dans cette ville quatre ans après, se transporta sur sa tombe; tout protestant qu'il était alors, il fit célébrer un service et fonda un anniversaire. La piété de Pellisson ne devait pas s'en tenir à ces manifestations touchantes. Aidé de Ménage, il réunit les œuvres éparses de l'insouciant Sarasin, parmi lesquelles deux seulement avaient paru: La Pompe Funèbre de Voiture, et la Défaite des Bouts-rimez, ainsi que quelques pièces imprimées dans les Recueils. La Relation du siège de Dunkerque, et l'Histoire de la Conspiration de Wallstein, révèlent des dons éminents d'historien; mais c'est surtout comme auteur de la Pompe funèbre et de Dulot vaincu que Sarasin demeurera célèbre, bien que l'on rencontre en ces deux poèmes doucement satiriques des passages languissants. La nonchalance de Sarasin, qui fait une partie du charme de son talent, tombe parfois dans la somnolence et la confusion. Avec des qualités plus solides que celles de Voiture, et fortifiées par l'étude, il manque de la légèreté de son rival, chez qui l'application ne se sent jamais, et qui semble voleter autour des Grâces.

Le sujet de Dulot vaincu, qui dut servir d'exemple bouffon à Boileau pour son Lutrin, est l'extravagance d'une mode littéraire, celle des bouts-rimés, qui n'eut d'égale que la manie du burlesque. Le poète Dulot en était sans le vouloir l'inventeur. Un jour, raconte Pellisson, qu'il se plaignait qu'on lui eût dérobé quelques papiers, et particulièrement trois cents Sonnets..., quelqu'un s'estonnant qu'il en eût fait un si grand nombre, il répliqua que c'estoient des Sonnets en blanc, c'est-à-dire des Bouts-rimez de tous ces Sonnets qu'il avoit dessein de remplir. Cela sembla plaisant, et depuis on commença à faire par une espèce de jeu dans les Compagnies ce que Dulot faisoit sérieusement... Il y eust un Recueil imprimé de cette sorte de Sonnets en l'année mil six cens quaranteneuf. Quelque temps après on sembla s'en dégouster, et ils ne furent plus si communs jusques en l'année mil six cens cinquante-quatre, qu'un homme bien moins illustre par ses grandes charges, que par ses grandes qualitez, les remit en reputation sans y penser... Il appliqua ce genre de Poësie à son véritable usage, et fit en se jouant un sonnet de Bouts-Rimez sur la mort d'un Perroquet d'une Dame de qualité, dont le nom et le mérite sont connus de tout le monde (Fouquet et Mme.....). Cet exemple réveilla tout ce qu'il y avoit de gens en France qui sçavoient rimer, on ne veit durant quelques mois, que des Sonnets sur ces mesmes Bouts-Rimez, et leur sujet ordinaire estoit, ou le Perroquet, ou Sainte-Menehoud, que nous venions de reprendre sur les Ennemis. Mr Sarasin fit aussi un de ces Sonnets sur le Perroquet; mais s'ennuyant à la fin qu'une Poësie comme celle-là ostast pour ainsi dire le cours à toutes les autres, il commença à parler par tout contre les Bouts-Rimez, et conceut le dessein de ce Poëme qu'il composa en quatre ou cinq jours, et qu'il n'a pas eu le temps de corriger... C'est une imitation plaisante du Poëme Héroïque... Il feint que le Poëte Dulot (à qui il donne pour père le Herty, ce fou des Petites-Maisons, duquel on a tant parlé) que Dulot, dis-je, ayant essayé autresfois en vain de destruire la bonne Poësie, s'avise de faire révolter la Nation des Bouts-Rimez, et de les amener sous les armes aux portes de Paris. Il les représente conduits par quatorze Chefs, qui sont les quatorze Rimes que le Perroquet rendoit alors si célèbres. Il descrit en suite l'armée des bons Vers, la Bataille qui fut donnée dans la plaine de Grenelle, la défaite des Bouts-Rimez, les peines qu'on imposa aux vaincus, et finit son Poëme par la mort de Dulot, comme Virgile a finy le sien par celle de Turnus... ».

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BIBLIOGRAPHIE. La Pompe funèbre de Voiture (avec la clef) s. 1., 1647, in-4°; La Défaite des bouts-rimez, avec les éloges et acclamation des plus beaux esprits de ce temps, s. 1. n. d. (1654), in-4° (ne contient que les préliminaires); Les Euvres de

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Monsieur SARASIN, Paris, 1656, in-4o; les mêmes, Rouen et Paris, 1658, in-12; id., Paris, 1663, in-12; Les Nouvelles Euvres, Paris, 1674, 2 vol. in-12; Les Euvres de Monsieur SARASIN, Paris, 1683, portrait de Montreuil au bas duquel figure le nom de Sarasin, 2 vol. in-12 et 1685, 2 vol. in-12; les mêmes, Paris, 1694, in-12, et Amsterdam, in-12; Euvres Choisies, Paris, 1826, in-16; Poésies de SARASIN, Caen et Paris, 1824, in-8°; Poésies de François Sarasin, Notice et préface d'OCTAVE UZANNE, Paris, 1877, in-12 (documents nouveaux et pièces inédites). Attribution: Coq à l'asne ou lettre burlesque du sieur Voiture ressuscité au preux chevalier Guichens, alias Maréchal de Grammont, sur les affaires et nouvelles du temps, Paris, 1649, in-4o; · Lettre du Marguillier à son Curé sur la conduite de M. le Coadjuteur, Paris, 1651, in-4°; Le Frondeur bien intentionné, Paris, 1651, in-4° (mazarinades). Pièces inédites dans les recueils Conrart, Bibl. de l'Arsenal. On trouve enfin dans l'Histoire de Montmaurt par SALLENGRE, La Haye, 1715, deux satires de SARRASIN contre le parasite: Le Testament de Goulu, et Attici secundi G. Orbilius Musca sive Bellum Parasiticum; cette dernière a été traduite par Masson, sous le titre de Guerre des Parasites de Sarazin, Paris, 1757, in-8°o. Voyez l'article VION DALIBRAY.

A CONSULTER.

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PEL

Tallemant des RÉAUX, Historiettes. LISSON, Discours, en tête des Euvres de SARASIN; Huetiana; Menagiana. GOUJET, Biblioth. franç., t. XVI, p. 174. NICERON, Mém., t. VI. BAILLET, Jugements des savants. SEGRAIS, Mém.-anecd. PELLISSON et D'OLIVET, Hist. de l'acad. franç. DANIEL DE CORNAC, Mémoires. VICTOR COUSIN, la Soc. franç. au XVIIe siècle. JAL, Dict. critique, 1872. HIPPEAU, J.-F. Sarasin, (Mém. de l'Acad. de Caen, 1855). — Dr PÉPIN, Note sur le poète Sarasin (Bull. de la Soc. des Antiq. de Normandie, 1881-1882). OCTAVE UZANNE, Notice. FRÉDÉR. LACHÈVRE, Bibl. des Rec. collectifs, t. II, pp. 465, 684, 735; t. III, 532; t. IV, 185. AD. VAN BEVER, les Poètes du Terroir, Paris, Delagrave, s. d., t. III. - FERNAND FLEURET et LOUIS PERCEAU, Satires de Mœurs du XVIIe siècle, La Sirène.

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française, XVIIe siècle, t. II. Garnier.

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MAURICE ALLEM, Anth. Poét

XVII SIÈCLE. - T. II,

DULOT VAINCU,

OU

LA DÉFAITE DES BOUTS-RIMEZ (1)

CHANT PREMIER

Je Chante les Combats, l'heroïque vaillance,
Et les faits glorieux des Poemes de France,
Et comme, sous les murs de la grande Cité,
Tomba des Mauvais Vers le Peuple révolté,
Lors que, pour desthroner la Bonne Poësie,
Sous l'orgueilleux Dulot, durant sa frenesie,
Du Royaume des Fous vinrent les Bouts-Rimez,
Et couvrirent nos champs de bataillons armez,
Un seul jour decidant, aux plaines de Grenelle,
Par les mains du Destin leur celebre querelle.

(1) Voici le sonnet en bouts-rimés de Sarrazin sur la mort du Perroquet:

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