Laïques vautours des Églises, Qui, de malheureux savetiers, Sans chausses, souliers, ni chemises, Devenez de gras officiers,
Vilains corbeaux de cimetières, Avides becqueteurs de morts, A qui nature a fait un corps Fort propre pour les étrivières, Fossoyeurs qu'en termes plus beaux L'on nomme par-tout des Bedeaux ; Fermiers de la marguillerie, Dont les abus sont infinis, Gros porte-faix de confrairies, Gouffres béants de pains bénis, Faquins plus bigarrés que pies, Sacs a vin, gloutonnes harpies, Qui dévorez comme vrais chiens Le bien des pauvres paroissiens Que l'on vous recommande aux prônes, Vous que les petits marguilliers Etablissent pour sous-fermiers, Des offrandes et des aumônes Dont ils sont les gras maltôtiers : Il est tems, canaille affamée, Que votre indigne renommée Se répande dans l'Univers,
Et je veux tracer, dans mes vers, Toutes les honteuses pratiques Et les sales inventions
Dont on use dans les fabriques,
Sous le nom de dévotions.
Dites-nous, animaux profanes,
D'un cran plus haut que vos bedeaux, Ridicules marguillereaux
Qui raisonnez comme des ânes : Avez-vous vu dans quelque lieu De Saint Jérôme ou Saint Ambroise, Qu'on doit mesurer à la toise Les offrandes qu'on fait à Dieu ?
Chétive race de manœuvre,
Qui mangez aux dépens de l'œuvre, Réformez, petits marguilliers, Votre impertinente entreprise : On ne gouverne pas l'Église Comme l'on fait des atteliers.
Est-ce vous, ou votre confrère, Ce monsieur de La Nazinière (1), Cet auditeur, ce digne fils D'Urbain, le maltôtier son père, L'auteur de cent vilains édits, Qui s'est démonté la cervelle Pour vous donner ce bel avis De votre maltôte nouvelle Pour le toisé des pains bénis?
Fauconnier de l'architecture (2), Qui sur le dos portez l'oiseau, On en coupe d'abord pour vous,
(1) Menant, Auditeur des Comptes alors marguillier de Saint-Paul. (2) Un Maçon, marguillier de Saint-Paul.
Directeur sans littérature, Depuis quel réglement nouveau Avez-vous un droit de censure, Pour juger dans votre bureau De leur forme et de leur figure? Et puisqu'il faut vous consulter, Petits marguilliers de manoeuvre, Le pain que l'on doit présenter Combien doit-il avoir dans œuvre? Selon vous autres, désormais, Si vos bedeaux dans votre église Ne marchent courbés sous le faix D'un pain bien large et bien épais, Bien étoffé de beurre frais, Une offrande n'est pas de mise; Encor ne pouvez-vous souffrir Que le pain que l'on doit offrir S'achète ailleurs qu'en la boutique De Flechènes (1), qui, pour l'argent Qu'il vous donne fort gravement Afin d'avoir votre pratique, Se qualifie effrontément
Le pâtissier de la fabrique. Que son pain soit grand ou petit, Il est selon votre apétit,
S'il vous donne unė paraguante Et s'il fait bien boire Regnaut (2), Votre fabrique est fort contente, L'offrande est faite comme il faut. L'avarice et la gourmandise En font la distribution, Qui, selon l'institution, Se doit faire à toute l'Église.
(1) Pâtissier de Saint-Paul.
Pour vos gens et pour le potage, Que l'on fait dans votre ménage, Et celui de Robert Piloux.
Il en faut pour Dreux de Landelle; Dosmont (1), marguillier de Bafroy, Procureur du plus bas aloi,
Dont les souliers sont sans semelle, Comme la tête est sans cervelle, Et le corps sans je ne sais quoi, Qui fait que la jeune pucelle, Le voyant si sale et si laid, S'en moque, s'en rit et l'appelle L'eunuque du grand Châtelet. Il en faut pour tous vos confrères, Aussi bien que pour vos commères, Et pour tous vos petits garçons, Pour Vendôme, le commissaire Des gadoüards et des maçons, Et pour monsieur Thomas, son père, Reliant gratis vos poinçons.
L'on en porte aussi, pour lui plaire, Au petit blondin (1) Vavasseur, Son compère et son émissaire, Et, partant, fort homme d'honneur, Des lieux publics grand écumeur, Adorateur de ces donzelles Qui ne sont ni chastes ni belles, Et qui, sans grace et sans attraits, Vivent des péchés du Marais, Grand protecteur des rampardières, Qui, pour s'acquérir du renom, Fait l'amour dessus les goutières Dont son père a vendu le plomb.
(1) Procureur au Châtelet, de la fabrique de Saint-Paul. (2) Commissaire du quartier.
Après, il faut que la bedaine Des ventres bénis de bedeaux, Le dimanche, en soit toute pleine, Et que du reste des morceaux Ils se saoulent comme pourceaux, Les autres jours de la semaine. Pour preuve de la vérité, Il ne faut que savoir l'histoire De Regnaut, gendre de Blutté : Elle est très-digne de mémoire.
Il s'étoit saisi des chanteaux
De cinq ou six pains des plus beaux, Que l'on vit porter à l'offrande; Il en avoit, dès le matin,
Plus mangé qu'un anglais mâtin Ne pourrait avaler de viande. Cette grande réplétion Produisit une oppression
Qui l'auroit conduit dans la bière, Si l'on ne fut venu soudain Lui donner, la seringue en main, Un remède fort nécessaire; Mais, à peine l'avoit-il pris Qu'il renvoya tout le clystère Et les chanteaux sur les habits D'un marguillier apothicaire, Et du chasse-chien son confrère Qui tous deux furent fort surpris, De voir l'indécente manière Dont il rendoit les pains bénis.
Ce gueux fait cent friponneries, Aux yeux des petits marguilliers : Il escroque des pains entiers Et les revend aux confréries
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