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ports, elles présentèrent deux écrits, l'un du roi, qui déclaroit que les personnes qui en étoient munies, étoient Mesdames. Dans la persuasion où il étoit que ses tantes n'awient pas besoin de passe-port sous l'empire des loix nouvelles qui assuroient à tous les françois le droit d'entrer dans le royaume, d'en sortir, et de se transporter librement où ils voudroient, il avoit cru devoir se borner à attester leur état. L'autre étoit une déclaration de la municipalité de Paris, portant qu'elle n'avoit pas le droit de s'opposer à ce que les citoyens parcourent le royaume à leur gré. Les officiers municipaux, incertains de la conduite qu'ils avoient à tenir, eurent recours à l'Assemblée nationale, et décidèrent en attendant, qu'ils iroient prier Mesdames de suspendre leur marche. Mais un détachement de chasseurs de Lorraine étant venu les armes hautes entourer la voiture des princesses, les mit en état de ne pas faire dépendre leur détermination de celle de la municipalité de Moret, et elles continuèrent leur route.

Mais la même fcène se renouvella bientôt à Arnay-le-duc; & les tantes du roi, forcées de céder aux instances de la municipalité,

suspendirent leur voyage. Elles écrivirent à l'Assemblée nationale, pour lui demander un paffe-port, qui leur garantît la jouiffance des droits affurés par la conftitution à tous les citoyens dans toute l'étendue de l'Empire. Dès que l'on en fut inftruit à Paris, il fé forma, dans le jardin des Tuileries, un attroupement confidérable de femmes & d'une quantité de peuple, qui demandoient que le roi donnât des ordres pour le retour de Mesdames. Le maire, & aussi-tôt après lui, tous les officiers municipaux s'y transpor tèrent. Ils firent de vains efforts pour engager la multitude à s'éloigner; le rassemblement grossissoit toujours, & la municipalité ne pat sortir qu'avec peine du jardin pour se rendre au château. La foule l'accompagna jufqu'à la grille, au tour de laquelle elle se pressoit avec une sorte de fureur, demandant à parler au roi; les femmes sur-tout faisoient rage, et montroient le plus violent emportement. M. Bailly leur obferve qu'il faut du moins faire demander auparavant la permission de fa majesté. Mais on est sourd à ses exhortations. Les officiers municipaux ordonnent alors, à plusieurs reprises, au

nom de la loi, à la multitude de se retirer. Leur sommation ne produisant pas plus d'ef fet, deux détachemens de la garde nationale entrent par les portes du manège et du Pontroyal, tandis qu'un troifième, suivi de quelques pièces d'artillerie, et précédé d'officiers municipaux, se fait ouvrir la grille. La contenance ferme de la garde naționale fit bientôt évacuer le jardin, et la marche de quelques bataillons dans les alentours du château rétablit en peu de tems la tranquillité publique, en faisant sentir aux plus échauffés que le parti de la retraite étoit le feul qui leur restoit à prendre.

Ce mouvement populaire se communiqua jufqu'à l'Assemblée nationale, où une discussion plus vive et plus animée que ne sembloit le comporter un sujet de cette nature, remplit une longue séance, et ne fut appaisée que par une plaisanterie de M. de Menou: L'Europe, dit-il, fera, je crois bien étonnée, lorsqu'elle' apprendra que l'Assemblée nationale de France s'eft occupée. pendant quatre heures, du départ de deux dames, qui aiment mieux entendre la messe à Rome qu'à Paris. Cet événement avoit

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cependant une importance plus réelle qu'il ne sembloit en présenter : il eft impossible de se dissimuler qu'il ne fut lié à des projets très-étendus. Ce qui arriva quelques jours après en fut la preuve.

Il paroît que les ennemis du bien public, qui cherchoient toutes sortes de moyens d'exciter du trouble, avoient imaginé de persuader au peuple que le donjon de Vincennes étoit une seconde Bastille, et qu'il falloit le démolir. Avec de pareilles idées, il étoit facile de remuer le fauxbourg 5. Antoine. Cependant les habitans de ce quartier cédèrent à la voix de la raison, que plusieurs bons citoyens s'occupoient à leur faire entendre dans des sociétés populaires qui s'y étoient nouvellement formées, et les efforts des séditieux n'eurent pas le succès qu'ils en attendoient. Ils furent obligés, pour l'exécution de leurs projets, de s'adresser à des brigands, qui, le 28 Février 1791, partirent des environs de Paris pour se rendre à Vincennes. Heureusement le directoire du département, la municipalité et le général de Paris avoient eu le tems de prendre les mesures nécessaires pour opposer la force à

la force. Déjà sur la réquisition du maire de Vincennes, des détachemens de cavalerie, d'infanterie et de la garde nationale s'étoient rendus sur les lieux. Mais une grande partie des habitans du fauxbourg S. Antoine, poussés par un sentiment de curiosité, s'y étoient également transportés, et les curieux avoient fini par se joindre aux mal-intentionnés.

M. de la Fayette, instruit que la démolition étoit commencée, que les troupes avoient été requises, et qu'elles étoient en marche, y court aussi-tôt, et les trouve rangées en bataille autour du donjon. Une partie de la garde nationale étoit sortie des rangs, et témoignoit son mécontentement de ce qu'on se disposeit à employer la force pour empêcher un acte de liberté qui ne sembloit pas criminel. Cette idée avoit pris crédit, par la tranquillité avec laquelle les officiers municipaux de Vincennes restoient spectateurs de la démolition. La présence de M. de la Fayette et la fermeté avec laquelle il parle aux troupes, fait rentrer dans la subordination les efprits inquiets; le reste de la garde nationale céde à ses discours, et lui montre un entier dévouement.

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