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DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE.

NOTICE HISTORIQUE

SUR

LE MUSÉE INDUSTRIEL ET AGRICOLE

DE LILLE,

Par M. CH. BACHY, Membre résidant.

Séance du 19 décembre 1856.

En parcourant les mémoires de notre Société, on regrette de n'y voir consignée aucune des circonstances qui ont présidé à la création des divers établissements dus à son initiative et qui ont si puissamment contribué à l'extension de l'enseignement scientifique dans notre cité. Ne serait-il pas intéressant, par exemple, de connaître les moyens mis en œuvre par nos prédécesseurs pour fonder le brillant Musée d'histoire naturelle, qu'administre aujourd'hui la Faculté des Sciences? Nous savons bien que MM. Macquart et Degland en ont été les principaux fondateurs; mais quelles difficultés ont-ils eues à vaincre, quels obstacles ont-ils eus à surmonter? Nous l'ignorons complètement et nous nous sommes contentés de recueillir sans information, sans enregistrement d'aucun fait, le fruit de leurs laborieux travaux

Rappellerai-je aussi le cours de physique, suivi à son origine par quelques studieux élèves, qui venaient entendre la parole savante de

notre honorable doyen, M. Delezenne, et qui fut d'abord modestement installé sous les combles des bâtiments de l'Hôtel-de-Ville, transféré ensuite dans la salle occupée présentement par le Musée Moillet, puis dans un des pavillons de la Halle, et enfin remplacé par le cours officiel de la Faculté des Sciences? L'existence de ce cours et des autres institutions qui l'ont suivi est due, on le sait, à la Société des Sciences et au dévouement de quelques-uns de ses membres; mais nos annales se taisent encore sur le difficile enfantement de ces fondations de haute utilité scientifique.

C'est pour ne pas laisser un semblable regret à ceux qui viendront après nous, c'est pour combler une lacune, que j'ai entrepris d'exposer les principales circonstances qui ont entouré la création du Musée industriel et agricole dont notre ville vient de s'enrichir.

Dans sa séance du 16 septembre 1853, la Société a reçu de notre honorable confrère, M. Gosselet, communication d'une proposition ayant pour but de rassembler dans un musée spécial les produits de l'industrie, non pas seulement perfectionnés, à l'instar de ce qui se fait dans les grandes expositions publiques; mais les produits en cours de fabrication, y compris la matière première d'abord, puis cette même matière se transformant successivement, soit par la main de l'homme, soit par l'action des machines; puis enfin, les objets confectionnés et appropriés à la consommation. C'était une idée neuve et grande que la Société accepta avec empressement et dont elle confia l'accomplissement à une commission.

Cependant le moment n'était pas favorable pour donner suite à ce projet M. Gosselet était empêché par la maladie et, dès lors, on avait à craindre que son idée ne restât longtemps encore à l'état d'incubation, si un homme plein d'ardeur et d'intelligence, dévoué à la Société et animé d'un rare esprit d'initiative, n'eût pris le projet en main et n'en eût fait, pour ainsi dire, sa propre affaire. Déjà la Société a compris que je veux désigner ici notre honorable et bon confrère, M. Henri Violette. C'est à son impulsion, c'est à son activité, a son énergie, il faut le reconnaître, qu'il nous a été donné de mener à

bonne fin l'entreprise. Que sa modestie nous pardonne cette expression de notre intime conviction!

Entraîné par le zèle de M. Violette, je me suis associé volontiers à ses efforts et, ensemble, nous avons accompli une odyssée dont les traverses ne nous manquèrent pas. Nous décidons, d'abord, qu'un appel sera fait, dans les journaux, au bon vouloir des fabricants, en leur exposant le but et les avantages de l'œuvre nouvelle ; cet appel reste sans résultat. Nous prenons alors la résolution de faire auprès des industriels des démarches personnelles. Nous nous mettons en route et nous entrons résolument dans les diverses usines de notre ville et de ses environs. Je me rappellerai toujours, avec plaisir, notre première visite; elle eut lieu chez un fabricant de peignes en corne, dont l'excellent accueil fut pour nous d'un bon augure. Je vois encore cet atelier sombre et fumeux dans lequel l'ouvrier exécuta, sous nos yeux, les différentes opérations de son industrie, et je n'oublierai jamais le sentiment d'aise et de confiance que nous avons éprouvé, en venant offrir à la Société, dans sa séance du 3 novembre 1853, la série des objets représentant cette fabrication. Animés par cet heureux début, nous avons, depuis, continué sans interruption nos démarches, et nous sommes parvenus à obtenir successivement les spécimens de diverses industries.

La tâche, cependant, devenait lourde et, malgré les encouragements de la Société, nous comprenions notre insuffisance; aussi, ce fut un bonheur pour nous de pouvoir nous adjoindre notre zélé confrère, M. Verly, qui partagea, dès lors, tous nos travaux et vint aider à nos efforts.

La collection augmentait, les dons se succédaient, et ce résultat satisfaisant nous faisait, de plus en plus, sentir l'indispensable nécessité de nous procurer un local convenable. La translation du Musée d'histoire naturelle dans les bâtiments de la Faculté des Sciences rendait libre, à l'Hôtel-de-Ville, un emplacement des plus avantageux. Cette salle spacieuse devint l'objet de notre convoitise et, après plusieurs entrevues que nous eumes avec M. le Maire, elle nous fut

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accordée par l'administration municipale qui, dès ce moment, renonça à une autre destination qu'elle avait projetée.

Restait à résoudre une difficulté non moins sérieuse : l'argent nous manquait; une conférence de M. Violette avec M. le Préfet mit ce magistrat éclairé dans nos intérêts, et bientôt le Conseil général nous alloua un subside. Ce secours officiel, suivi plus tard d'allocations votées par le Conseil municipal, nous permit de profiter d'une circonstance des plus favorables : l'Exposition universelle de 1855 rassemblait dans ses vastes galeries les produits de l'industrie de tous les pays, et il était permis d'espérer d'y faire une abondante moisson.

Délégués à cet effet par la Société, M. Violette et moi nous nous rendons à Paris. L'affluence était immense, et c'est à peine si nous pouvons trouver un trop modeste réduit sous les combles d'un hôtel. Nos journées se passent en visites dans les galeries de l'exposition, où nous notons les industries qui nous paraissent propres à figurer dans notre musée; nos soirées sont employées à rédiger et expédier nombre de lettres et de circulaires. Notre appel est entendu et nous rentrons à Lille avec les promesses écrites d'un grand nombre d'exposants qui nous offrent leurs produits, à prendre après la clôture de l'Exposition. Ce n'est pas sans difficulté que nous parvinmes à obtenir ces promesses; car nos démarches avaient donné l'éveil et notre exemple n'avait pas tardé à être suivi le Conservatoire des arts et métiers, l'École des mines, celle des ponts et chaussées, la Faculté des sciences, les Musées britanniques mêmes, apposaient chaque jour leur veto aux objets sur lesquels nous avions jeté notre dévolu et embarassaient ainsi nos allures.

Enfin arrive le 45 novembre, jour fixé pour la clôture. Nous nous empressons de nous diriger de nouveau vers Paris. Mais, fâcheux contre-temps cette clôture est ajournée à quinzaine ! Que faire ? Rentrer les mains vides était pour nous un trop amer chagrin. M. Violette, cédant à une heureuse inspiration, se rend au Ministère de la marine et obtient du directeur des Colonies l'autorisation de prélever des échantillons sur toutes les denrées coloniales exposées. Le

lendemain nous prenons possession de notre nouveau butin; nous empaquetons, nous ensachons à la hâte plus de trois cents échantillons, qui sont aussitôt déposés en lieu sûr, jusqu'à notre retour à Lille.

Nous avions laissé à Paris des instructions à des personnes de confiance pour recueillir, lors de la clôture définitive de l'Exposition, au nom de la ville de Lille, les dons promis par les exposants. Le déménagement de cet immense bazar s'exécuta avec une telle précipitation que, à notre grand regret, la plus grande partie de ces dons nous échappa. Les mesures furent mal prises, les instructions mal observées et nous allions perdre tout le fruit de nos labeurs, lorsqu'à la prière de M. Violette, empêché par son service de commissaire des poudres et salpêtres, je repris seul la route de Paris, pour recueillir partie de notre héritage et accélérer l'expédition du contingent qui vint combler, dans nos galeries, de nombreuses lacunes. Dès lors, nos collections ont continué à se compléter et, avec l'aide de nos honorables confrères, MM. Gosselet et Verly, qui n'ont cessé de coopérer à l'œuvre commune, nous avons procédé à l'arrangement méthodique du musée.

Pendant ce temps, M. Violette profitant d'un voyage à Paris où l'appelait ses affaires, fut assez heureux, grâce à ses actives démarches, pour rapporter, en avril 1856, la série des produits formant l'exposition de l'Algérie.

Le 3 août 1856, la Société impériale des Sciences, de l'Agriculture et des Arts a procédé à l'inauguration officielle du Musée industriel et agricole; les Autorités sont venues, par leur présence, rehausser l'éclat de cette solennité, et le public n'a pas tardé à constater, par son empressement à visiter nos galeries. l'utilité du nouvel établissement.

Nous manquerions au devoir de la plus juste reconnaissance, si nous ne rendions hommage à l'appui de M. Besson, préfet du Nord, de M. Richebé, maire de notre ville, qui n'ont cessé de nous prêter leur bienveillant concours. C'est ainsi que nous devons à M. le Préfet

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