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APPENDICE.

En 1837, après la mort de Scheibler, son compatriote, Loehr, fit paraître à Crefeld un écrit de quarante-cinq pages, fort substantiel, intitulé: Sur l'invention de Scheibler en général, et particulièrement sur sa manière d'accorder le piano-forte et l'orgue.

Après qu'il eut apprécié, dit-il, non sans peine, le mérite de cette belle découverte, soit par ses fréquents entretiens avec l'inventeur et les essais des fourchettes, soit par l'étude de ses écrits et ses propres calculs et expériences à l'orgue, il arrivait souvent que des amateurs le priaient de les initier. Mais ordinairement ceux-ci, ne connaissant pas assez les principes de la constitution des échelles dans leurs proportions géométrique ou tempérée, non plus que les lois physiques et mathématiques qui s'y rapportent, étaient incapables de s'approprier cette théorie.

Alors, considérant que Scheibler, dans ses écrits, avait supposé beaucoup trop de connaissances à ses lecteurs, il avait entrepris d'y suppléer, en développant les points essentiels de la théorie et de la pratique, et renvoyant, pour les détails nombreux et intéressants, aux écrits originaux,

C'est exactement le motif qui nous a fait prendre la plume. Au lieu de satisfaire à ce besoin dans toute son étendue, Lochr s'est borné à présenter très-succinctement les données de la théorie du tempérament égal, et à reproduire la théorie prétendue et l'application des sons de combinaison telle que Scheibler l'avait imaginée.

Toutefois, il était bien à propos de donner une idée de la loi du tempérament et d'en démontrer la nécessité.

Voici comment il y procede: Partant du la diapason 880, tantôt il

monte de quinte, tantôt il descend de quarte, posant à chaque fois le nombre des vibrations dans la proportion géométrique, c'est-à-dire ajoutant la 1/2 s'il monte, retranchant le 1/4 s'il descend, dans la succession ci-après :

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De la monter à mi, descendre deux fois pour si et fa, monter à ut, descendre en sol, monter pour ré, mi b descendre deux fois pour si et fa, monter à ut, descendre pour sol, monter au ré, enfin descendre sur le la d'où l'on est parti.

Cette marche est facile à suivre et à calculer.

Or, il se trouve que le dernier la, qui primitivement était de 880, est maintenant de 892, plus une fraction de 11 décimales, que l'on peut évaluer à environ 0,09.

Donc l'accord géométrique est impraticable sur le clavier.

Nous allons indiquer une autre démonstration plus instructive, avec le secours des logarithmes.

Les logarithmes sont des nombres inventés pour la facilité des calculs. Par leur moyen, les multiplications se remplacent par des additions, les divisions par des soustractions, etc.

Nous avons présenté l'expression numérique des intervalles musicaux sous la forme de fractions ou de rapports (§ 8). Or, il a été démontré que les intervalles musicaux sont entre eux comme les logarithmes de leurs rapports constituants, c'est-à-dire des fractions qui les représentent. Donc, remplaçant chacun des deux termes de la fraction par son logarithme, nous aurons, par une soustraction, un seul nombre pour l'expression logarithmique de l'intervalle.

M. Delezenne, dans son écrit sur les principes fondamentaux de la musique, inséré dans les Mémoires de la Société de Lille, nous a dressé une table spéciale de logarithmes acoustiques

musicaux.

Nous allons en faire usage. Il a poussé l'exactitude jusqu'à six décimales, nous n'avons besoin que de deux décimales.

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Le ton majeur, différence de la quarte UT FA à la quinte

UT - SOL.

L'autre ton, mineur...

9,48

1,00 différence.

8,48

Cette différence du ton majeur au ton mineur est ce qu'on appelle un comma, mot qui signifie morceau ou rognure.

Voici l'expression numérique de ce comma :

Le ton majeur 9/8 étant divisé par le ton mineur 10/9 (§ 54), c'est-à-dire multiplié par 9/10, égale 81/80. C'est sur cette base qu'est établi le tableau de M. Delezenne. C'est précisément sur cette même base que, sans connaître celle table, nous en avions calculé une plus abrégée pour notre usage personnel.

Le comma ainsi compris, sert d'unité pour évaluer et comparer tous les intervalles musicaux, mesurer toutes les échelles et les apprécier. dans tous les systèmes de tempérament. Il n'est pas besoin d'en avoir la table sous les yeux; il suffit de retenir que le ton majeur a 9,48, le ton mineur de moins et le demi-ton 5,20.

On répète continuellement, sans trop savoir ce que l'on dit: Il y a un ton majeur de 9 commas et un ton mineur de 8 commas. Nous

voyons ici la chose avec plus de précision et nous remontons à l'origine (S 54).

Le ton que l'on nomme ton de la disjonction, différence de la quarte à la quinte, et par conséquent invariable, étant ajouté une fois à la quarte, donne la quinte, et à deux fois la quarte, donne l'octave.

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Accorder le clavier, équivaut à monter de douze quintes dont on déduit sept fois l'octave. Si les quintes sont justes, on a pour les douze :

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Voici donc un nouveau comma d'environ 4/10 plus fort que le premier, et à peu près le 4/5 du demi-ton mi-fa qui est 5,20. On l'appelle le comma antique ou de Pythagore. Il est la conséquence de cette démonstration d'Euclide, dans la section du canon (voir Meibomius) où il prouve que l'octave ne peut contenir six tons égaux. L'autre comma, excédant du ton majeur sur le ton mineur, s'appelle le comma moderne.

Dans la science des spéculations musicales (science qui heureusement n'est nécessaire qu'à bien peu de monde), on distingue des commas majeur, mineur, maxime et minime. Ces petits intervalles, par leurs rapports, en engendrent plusieurs autres.

C'est une matière qu'ont épuisée les Marpurg, les Kinberger, etc.; mais ils n'emploient que des fractions ou des longueurs de cordes.

Pour rendre la musique praticable sur le clavier, il faut bien faire disparaître ce comma, tout petit qu'il est. C'est en diminuant chacune des douze quintes de la 1/12 partie de 1,08, c'est-à-dire diminuant de 0,09, ou environ neuf fois la centième partie du cinquième de un demi-ton.

Comment l'apprécier à l'oreille! Pourtant il faut le faire douze fois, et sans erreur, dit Scheibler; et c'est ce qu'un sourd effectuerait avec ses fourchettes, s'il lui était possible de discerner seulement les battements.

Alors, l'octave 55,80 partagée en 12 parties égales, donne tous les demi-tons égaux, chacun à 4,65, tous les tons égaux, chacun à 9,30. Hormis l'octave, tout est faux; mais l'oreille s'y habitue, toutefois. sans perdre son privilége originel de ressentir un plaisir plus vif à l'audition des intervalles justes. Ce que nous venons de dire est sans préjudice de la faculté d'altérer les sensibles sous l'influence du sentiment et de l'expression.

La transformation des rapports musicaux en nombres logarithmiques ou en unités de comma, permet de les représenter par des grandeurs linéaires et de les comparer comme on fait pour toute autre quantité de longueur.

Quel avantage ne trouve-t-on point, dans les recherches théoriques, à remplacer des fractions par des lignes, l'idée rationnelle par la sensation de la vue, le calcul par le compas! M. Delezenne, le premier, en a donné l'exemple dans le travail déjà cité. M. Vincent aussi, dans son magnifique ouvrage sur la musique grecque, pour démontrer les diverses proportions des échelles antiques, a recours aux quantités linéaites et à des logarithmes dont il a dressé une table (page 396). Seulement son comma n'est plus le même que celui d'Euclide. Il a l'avantage d'être contenu soixante fois juste dans l'octave.

Nous voudrions donner ici l'aperçu d'une application de cette méthode que nous avions faite nous-même, il y a plus de vingt ans, et pour laquelle le modeste et savant ingénieur hydrographe, M. Chazalan, nous avait prêté le secours de son habileté graphique.

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