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S XXXIV.

De la Cour des Pairs.

Le parlement acquit le droit de juger les Pairs, comme il avait acquis celui d'enregistrer les lois, par une marche habile et mesurée. Il était assez naturel, au reste, que ce corps, succédant à la cour du roi, comme tribunal et comme conseil, le remplaçât encore dans ses fonctions de cour des Pairs.

Long-temps ceux-ci refusèrent de reconnaître cette auguste prérogative du parlement. Long-temps ils prétendirent avec raison, sans doute, qu'eux seuls composaient de droit le ban suprême de la pairie, et que des gens de robe, nommés par le roi, n'avaient aucun titre pour les juger; mais ils furent amenés graduellement à leur concéder cette qualité, en la partageant.

D'ailleurs, les nouvelles pairies créées par Philippe-le-Bel et ses successeurs, à l'extinction successive des anciennes, étaient loin de jouir de la même considération dans l'esprit des peuples, quoique des princes du sang en eussent été, la plupart du temps, décorés; et cela contribua encore au triomphe du parlement.

Après avoir donc été appelés dans la cour des Pairs, comme simple conseillers, les parlementaires appelèrent, à leur tour, les Pairs dans leur sein; et alors s'établit le principe que le parlement était la cour des Pairs, pourvu que ceux-ci eussent été seulement appelés à y siéger. Il y a des exemples de jugemens de la cour des Pairs, où pas un d'eux n'avait assisté ; celui du maréchal de Biron entre autres.

S XXXV.

Des Pragmatique-Sanctions.

c'est

Le principal titre de gloire des corps parlementaires, d'avoir défendu et maintenu, dans tous les temps, les principes de l'Eglise gallicane contre les tentatives des papes et les ruses des Jésuites; leur milice ordinaire, contre le zèle mal en

tendu des monarques et la condescendance coupable de leurs ministres; c'est d'avoir fixé l'existence du clergé français, d'après des règles également en harmonie avec l'autorité spirituelle du vicaire de Jésus-Christ, et avec la dignité des couronnes et des peuples.

Rassemblons ici les principaux traits de l'intéressante histoire de nos libertés ecclésiastiques.

L'élection des évêques et la collation des bénéfices furent toujours les points principaux en litige entre les papes et les gouvernemens chrétiens. En France, sous la première et la deuxième race, les droits du peuple et du roi y relatifs furent souvent débattus, plusieurs fois proclamés, mais méconnus plus souvent encore. La force décidait alors en cela, comme en tout autre chose.

Saint-Louis, qui sut allier une piété profonde au caractère élevé d'un grand monarque, fixa le premier, d'une manière claire, les droits de l'Eglise de France et les limites où devait s'arrêter l'autorité papale. Voici le sommaire de sa fameuse ordonnance, appelée Pragmatique-Sanction, et dont les ultramontains ont contesté l'authenticité.

« Les prélats et collateurs de bénéfices seront maintenus dans leurs droits.

» Les cathédrales et autres églises, jouiront librement du droit d'élection.

» Le crime de simonie sera sévèrement recherché.

» Les promotions et collations seront faites selon le droit commun et les décrets des conciles.

>> Les exactions et charges très-pesantes, imposées par la cour romaine, cesseront d'avoir lieu si elles ne sont consenties par le roi et par l'Eglise gallicane.

» Les immunités ecclésiastiques seront généralement main

tenues. »

Il faudrait prendre les plus sombres couleurs pour peindre l'état de désordre de l'Eglise dans les douxième et treizième siècles, et pendant le grand schisme. Il fallait des réformes;

il fallait surtout réprimer l'extension de l'autorité papale, principe de tout le mal; deux conciles, ceux de Constance et de Bâle, le tentèrent vainement. Les rois jugèrent alors qu'ils devaient opérer d'eux-mêmes, dans leurs Etats respectifs, des réformes salutaires. Ainsi, naquit la seconde pragmatiquesanction qui se composa de vingt-trois articles portés dans l'assemblée des Etats, convoquée à Bourges par Charles VII, en 1438.

Ces articles étaient ceux du concile de Bâle; mais quelques-uns recevaient certaines modifications. Ils consacraient le principe que les décrets des conciles avaient besoin de l'admission de l'autorité temporelle, pour avoir force en France. Ils rétablissaient les élections libres, et abolissaient les annates. Tel fut cet acte qui excita tant de contestations entre la cour de Rome et le gouvernement de France, jusqu'au règne de François Ier.

S XXXVI.

Du Concordat.

Les événemens réunirent Léon X et François Ier. Il fut question de terminer, par un concordat, les différends relatifs aux affaires ecclésiastiques. Alors se fit, dit notre historien Mézerai, l'échange le plus bizarre. Le chef religieux prit le temporel, et laissa le spirituel au chef politique. La pragmatique-sanction fut abrogée, et en outre anathématisée par une bulle particulière du pontife; la liberté des élections abolie, et la nomination des évêques déférée au monarque; mais les précieuses annates furent, en retour, rendues à la cour romaine.

Tous les ordres de l'Etat se récrièrent contre le concordat, et demandèrent le maintien de l'acte qu'il abolissait. Le parlement refusa long-temps de l'enregistrer; il obéit enfin, mais en insérant que c'était par l'ordre du roi; et il fit, peu de jours après, une protestation par laquelle il déclarait qu'en publiant ce concordat, il n'entendait ni l'approuver, ni l'autoriser, ni même avoir l'intention de l'observer. L'uni

versité était allée plus loin encore: elle avait défendu de l'imprimer. Il est à remarquer que le rétablissement de la pragmatique-sanction a été plusieurs fois sollicité depuis, soit par les états-généraux, soit par les assemblées du clergé lui-même, et que le concordat a communément été regardé comme une altération des lois fondamentales de l'Eglise gallicane.

S XXXVII.

Du Concile de Trente.,

Il y a deux choses distinctes à considérer dans les décrets du concile de Trente: le dogme et la discipline. Les décisions dogmatiques n'ont point été admises et publiées en France, suivant les formes ordinaires, pas plus que les articles de réformation : C'est sous cette dénomination que les actes du concile désignent ce qui est relatif à la discipline; mais il a été constamment reconnu et proclamé que les principes de foi professés dans le royaume, étaient parfaitement les mêmes que ceux que le concile avait exprimés. Les articles de réformation, au contraire, ont toujours été tenus pour manifestement attentatoires, du moins en partie, aux libertés de l'Eglise gallicane et aux droits de la couronne.

On peut donc poser en principe que le concile de Trente n'a point été admis en France; mais il faut ajouter que les décisions que renferment les actes de ce concile, conformes à nos antiques franchises ecclésiastiques, ont été consacrées par l'usage de l'Eglise, et ont pu faire autorité, non pas à la vérité comme émanées du concile de Trente spécialement, mais comme exprimant des règles constantes et antérieures de l'Eglise catholique. Il ne faut pas d'autre preuve qu'on n'a jamais pu invoquer légalement dans le royaume le concile de Trente, que l'ordonnance de Blois, portée par Henri III, en 1576, et où divers articles de discipline furent extraits des actes du concile, sans que le nom même de cette assemblée fût prononcé.

En 1682, le génie et l'éloquence de Bossuet firent arrêter dans une assemblée du clergé quatre articles fameux qui consacrèrentinvariablement les antiques libertés de l'église Gallicane. S XXXVIII.

Des Calvinistes.

Le quinzième siècle est un des plus mémorables qui aient marqué jusqu'à nous les annales du monde. Des décou vertes, dont les résultats possibles ne peuvent être encore appréciés après trois âges, l'aurore d'un des grands siècles de la littérature et des beaux arts; les guerres d'Italie; l'élévation d'une puissance au rang de dominante en Europe; la réforme enfin; tels sont les traits principaux qui signalent cette époque.

L'opiniâtreté de la cour de Rome à ne point réprimer les désordres auxquels l'Eglise était en proie, et qui fournissaient depuis si long-temps un aliment aux satires des plus savans hommes de ces siècles, fut la principale cause de la réforme ; c'est Bossuet qui l'a dit (1), et l'histoire est là pour justifier l'assertion de ce grand homme. Le mouvement imprimé aux esprits, dut naturellement se porter d'abord sur les abus de la puissance temporelle des papes, et sur les moyens adoptés par eux pour la soutenir. On osa discuter les uns et les autres; on osa même attaquer les doctrines de l'autorité qu'on voulait abattre. La cour pontificale n'avait pas voulu adoucir le joug; on le rompit : des moines écrivirent, et quelques livres commencèrent l'embrâsement de l'Europe.

François Ier avait allumé les bûchers sur la fin de son règne; Henri IV les éteignit par l'édit de Nantes, qui donna, une existence aux Calvinistes dans le royaume; édit que Louis XIV révoqua plus tard, par l'influence qui avait jadis dicté les persécutions.

Ce n'est pas sans un sentiment de confusion pour l'espèce, humaine qu'on parcourt nos annales pendant près d'un siècle. (4) Histoire des Variations, liv. 1.

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