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la cour des pairs, quand les pairs y assistèrent. La suite nous
présentera les modifications amenées par le temps dans l'exis-
tence de ce corps
célèbre.

S XXVII.

Des Etats-généraux.

Ceux qui ont voulu que les parlemens fussent les véritables Etats-généraux de la nation, ont accumulé citations sur citations, pour prouver un fait qui ne prouvait rien; c'est que le parlement avait vraiment remplacé l'ancienne cour du roi. Cela est incontestable sans doute; mais ce qu'il s'agissait surtout de démontrer, c'était que la cour du roi pouvait être assimilée aux premières assemblées nationales, et qu'elle n'en offrait qu'une représentation fidèle. Or, tout dément cette supposition.

Tout prouve que la présence de la troisième classe de la nation, fut toujours nécessaire pour constituer l'assemblée nationale. Les premières années de notre histoire, le règne de Charlemagne, et l'époque où nous sommes parvenus l'attestent également. Il est constant que, tant que cette troisième classe n'exista pas politiquement, il y eut bien des conseils de leudes ou des barons, des placita ou parlamenta, mais point d'assemblée nationale; et l'existence de ces conseils ne prouve autre chose que ce que nous avons dit plus haut ; c'est que l'assentiment de quelques Français fut toujours nécessaire pour changer en loi l'expression des volontés du souverain.

Les assemblées nationales avaient disparu avec la liberté de tout ce qui ne pouvait être compté parmi la noblesse ou le clergé. Elles devaient reparaître avec l'affranchissement des

communes.

Philippe-le-Bel engagé dans une de ces luttes avec le souverain pontife, qui, quelques siècles avant, ébranlaient le trône des rois, crut devoir grouper autour de lui la nation tout entière, pour soutenir l'honneur et les droits de sa couronne, contre l'orgueil de Boniface VII. Il forma donc une

assemblée nationale, en 1301, dans l'église de Notre-Dame, de Paris. On a appelé depuis ces assemblées états-généraux. Les trois ordres composant la nation française, le clergé, la noblesse et le tiers-état, y étaient représentés par des députés. Voilà, sans contredit, l'institution la plus auguste que nous offre l'ancienne constitution de France, et au sein de laquelle on retrouve, par un étrange rapprochement, le berceau et la chûte de la monarchie. On éprouve sans cesse un regret en lisant notre histoire, c'est qu'elle ait été si rarement comprise, et par le gouvernement, et par les états eux-mêmes. S XXVIII.

Des Assemblées des notables.

La formation des Etats demandait le concours du peuple ; le gouvernement, en faisant chaque année un pas nouveau vers le pouvoir absolu, craignait aussi, de jour en jour, de l'appeler à l'élection d'assemblées, qui devaient naturellement se ressouvenir qu'elles avaient été souveraines.

On forma alors une image des états-généraux, qui reçut le nom d'assemblée des notabies. Les députés en étaient choisis par le monarque.

Il y a de remarquable dans cet établissement, qu'un quatrième ordre, en quelque sorte, y fut introduit ; c'est la magistrature, qui n'avait point fait partie des états-généraux, parce que la noblesse ne voulait pas la recevoir dans ses rangs, et qu'elle ne voulait pas s'associer au tiers-état.

Les assemblées des notables, convoquées en France, n'ont laissé aucun monument remarquable de leur existence. Elles n'ont jamais été utiles, parce qu'elles étaient une altération manifeste de la constitution primitive de la monarchie.

S XXIX.

Des Lits de justice.

Nous en avons déjà indiqué l'origine. Il semble, en effet, qu'on peut la rapporter à cette révolution qui survint vers le

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règne de Philippe-le-Bel, dans l'existence de la cour du roi, et d'où naquit le parlement. Le roi et ses barons cessèrent d'en faire partie ordinairement; mais ils vinrent encore y siéger, dans des circonstances graves où le tribunal ordinaire ne pouvait prononcer seul.

Quand la cour de parlement se fut arrogé une influence politique, qu'un corps quelconque devait nécessairement exercer en France pour balancer l'autorité royale, il arriva que ces séances extraordinaires changèrent d'objet, et qu'elles furent particulièrement destinées à faire fléchir l'opposition des magistrats devant l'appareil imposant de la majesté royale ; mais le nom même de lits de justice qu'elles conservèrent, put rappeler leur destination primitive.

Les lits de justice furent souvent un puissant moyen de braver le vœu public, et de mépriser les conseils des sages. Ce fut une institution fatale, en ce qu'elle annihilait le principe fondamental de la constitution, et fondait le gouvernement absolu. Ce fut un des ressorts les plus ordinaires de l'inexpérience et de la faiblesse des ministres.

Charles-le-Sage, surtout, établit l'usage des lits de justice, où la nation qui n'avait vu naître que des troubles de la fréquente formation des états, sous le règne précédent, croyait trouver une image suffisante de ces assemblées fameuses, et où le politique monarque était en même temps beaucoup plus sûr de faire adopter ses voeux, sans recourir à la violence. Mais arrêtons-nous sur le règne du roi Jean.'

S. XXX.

Jean second.

Avec les Valois commencèrent les calamités de la France. Il est à remarquer que presque tous les princes qui portèrent ce nom, furent ou inhabiles ou malheureux; le royaume fut sur le point de tomber au pouvoir des Anglais, sous la première branche, et au pouvoir des Espagnols, sous la seconde. Des batailles perdues et des rois captifs, des dissensions et

des massacres; voilà ce que présente trop souvent notre histoire, à cette époque.

Le principe de la loi salique, excluant les femmes de la couronne, avait reçu une nouvelle sanction, à l'avènement de Philippe-de-Valois. Il semble que c'est de ce règne que date une autre loi fondamentale, méconnue à la vérité trop souvent par Philippe lui-même et par ses successeurs, mais dont le peuple a pu constamment réclamer l'exécution; c'est que l'impôt doit être consenti par une assemblée nationale.

Jean, desirant de ne pas mécontenter la nation, comme avait fait son père, assembla les États en 1355; mais il suivit l'usage adopté dans quelques circonstances par ses prédécesseurs. Il y eut deux assemblées. Les États de la langue d'Oyl furent convoqués à Paris; ceux de la langue d'Oc, au-delà de la Loire. Le gouvernement croyait pouvoir de la sorte diriger plus facilement ces assemblées.

Les articles arrêtés par ces Etats et convertis en ordonnances, sont célèbres : voici les principaux. Trois députés de chacun des trois ordres formèrent un conseil chargé de représenter l'assemblée auprès de la couronne, après sa dissolution. Le roi s'engagea à les consulter dans toute affaire importante, et surtout s'il s'agissait de paix ou de trève.

On envoya dans chaque bailliage trois députés nommés Elus, ayant sous leur surveillance les officiers chargés de la perception de l'aide accordée. L'argent dut être envoyé à Paris aux receveurs-généraux, placés également sous l'inspection des neuf commissaires.

Les élus et les officiers des aides, prêtèrent serment de ne délivrer aucune somme, que pour la solde des troupes, de résister aux ordres illégaux du roi ou de son conseil, et d'op poser la force à la force.

Il fut convenu que, si le roi n'observait pas ces articles, l'aide qu'on lui avait accordée demeurerait supprimée; en outre, qu'il n'y aurait pas de décision, si l'avis des neuf commissaires

n'était unanime, et que le parlement pourrait être appelé à concilier les différens survenus entre eux.

Il ne faut que lire ces articles pour en sentir toute l'importance. Ils semblaient devoir être les bases d'un gouvernement nouveau, où la nation allait jouer un rôle utile et durable. L'examen approfondi des causes qui empêchèrent de fonder, à cette époque, l'établissement d'un état politique où les pouvoirs fussent régulièrement pondérés, serait sans doute un des morceaux les plus intéressans de nos annales; mais les bornes que je me suis prescrites, ne me permettent pas de m'y livrer. Je remarque seulement dans le cours des troubles qui agitèrent le royaume depuis l'avénement de Jean jusqu'à sa mort, les trois phases principales qui ne marquent que trop souvent les révolutions, la liberté, l'anarchie et le despotisme.

Les États de 1355 avaient joui d'une noble indépendance, et rétabli la nation dans le plus précieux de ses droits; le désordre régna dans ceux qui marquèrent le temps de la captivité du monarque et de l'administration du dauphin. Le peuple, soulevé par l'esprit de faction, offrit le spectacle de tous les excès. Des rois le haranguèrent, et la Jacquerie signala sa funeste puissance. Las enfin de meurtres et de pillages, il soumit de nouveau ses passions au joug de l'autorité; le Navarrois fut expulsé du royaume; Marcel trahi et assassiné ; le Dauphin reprit les rènes de l'État, et sa conduite, ferme et prudente à la fois, assura le triomphe de la couronne sur le parti populaire. Le roi, de retour de sa captivité, retrouva la puissance royale plus étendue encore que sous ses prédécesseurs; il créa lui-même des impôts; il assembla bien encore les États, parce que c'était devenu un usage annuel; mais le sceptre imposait aux députés, et ils se bornaient à d'insignifiantes

remontrances.

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