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prélats, tenue à Clarendon, en 1164. Ces lois sont commu. nément appelées Constitutions de Clarendon.

Sous son règne on vit se reproduire l'ancienne épreuve des Jurés (1), et voici à quelle occasion : le roi voulant abolir, autant qu'il était possible, la coutume barbare de décider les contestations par le duel, et n'osant pas cependant proscrire ouvertement cet ancien usage, permit à chacune des parties de demander à être jugée par une assise de douze francs-tenanciers. Long-temps encore on vit les plaideurs préférer le combat judiciaire, à l'institution si belle et si sage du Jury; mais peu à peu, la raison triompha et l'épée cessa d'être l'arbitre du droit.

Une autre ordonnance du même prince partagea l'Angleterre en quatre divisions, et institua des juges ambulans destinés à tenir leurs assises dans chaque partie successivement, pour décider les constestations des particuliers.

Nous devons rappeler ici ce que nous avons dit plus haut de Wittenagemot, et faire remarquer que sous les princes normands, les mêmes attributions furent exercées par le grand Conseil; qui était composé des archevêques, évêques et abbés, des barons, de quelques autres tenanciers, immédiats et militaires de la couronne, inférieurs en puissance et en propriété.

CHAPITRE III.

Depuis la grande Charte jusqu'à l'admission des communes au Parlement.

Nous avons déjà indiqué les causes qui devaient produire la liberté en Angleterre : le règne du roi Jean vint en accélérer l'effet. Quelles circonstances peuvent être plus favorables à l'émancipation d'un peuple, qu'un gouvernement faible et tyrannique? tel fut celui du roi Jean. Les barons se liguèrent et

(1) Trial by Jury.

réclamèrent à haute voix la confirmation des chartes de Henri I et de Henri II. Le monarque éluda, puis résista ouvertement, il fut vaincu et concéda cette fameuse grande charte, le fondement de la constitution anglaise.

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Parmi les actes antérieurs et les institutions plus anciennes, nous avons signalé ceux qui ont été regardés en général comme les germes des libertés de l'Angleterre ; la grande charte en offre les développemens; elle n'établit pas, il est vrai, le gouvernement parlementaire, tel qu'il existe de nos jours, mais elle consacre tous les principes de la véritable liberté. ... Les barons qui avaient pris les armes étaient spécialement excités par les rigueurs du régime féodal: la grande charte les diminua; mais, ainsi qu'on l'a déjà dit, le peuple était uni aux barons pour combattre l'autorité royale: Il dut aussi avoir sa part dans les concessions du monarque. La grande charte considérée sous ce point de vue présente deux sortes de dispositions différentes; les unes favorables à la noblesse, en ce qu'elles diminuaient la puissance féodale du roi; les autres favorables au reste de la nation, en ce que tous les priviléges accordés aux barons contre le roi, s'étendaient des barons à leurs vassaux. D'autres droits plus précieux encore furent solennellement reconnus : la liberté civile et la propriété furent garanties; les anciennes immunités et franchises des villes et des bourgs furent conservées : les commerçans eurent toute liberté de voyager dans le royaume et dans les pays étrangers pour leur négoce : le consentement du grand conseil fut déclaré nécessaire pour la levée des subsides. Enfin il fut établi que la cour du roi serait permanente et ne suivrait plus sa personne; qu'elle ne pourrait différer ni refuser la justice; et que les tournées judiciaires auraient lieu régulièrement et à des époques déterminées.

En lisant la grande charte, on y verra que les adoucissemens au régime féodal qu'elle consacre sont à-peu-près ceux qu'établissait la charte de Henri Ier. Sans doute aussi l'on remarquera l'article 48, fondement de la liberté civile, et tous

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ceux qui donnent aux propriétaires des garanties contre les spoliations entières, ou les amendes excessives.

La concession du roi avait été contrainte et à la première occasion il s'empressa de la révoquer; mais les barons défendirent leurs droits avec l'ardeur qu'ils avaient mise à les conquérir, et la grande charte fut maintenue au milieu des troubles dont l'Angleterre devint le théâtre.

Henri III monta sur le trône après la mort du roi Jean, son père. Dans les premières années de son règne, il confirma la grande charte, y ajouta quelques dispositions, et y fit quelques changemens; notamment il supprima un des articles les plus importans, celui qui portait que le roi ne ferait aucune levée d'imposition, soit pour le droit de scutage, soit pour tout autre, sans le consentement du conseil commun du royaume. Certainement, cette omission n'était pas involontaire, et il est facile d'en deviner le motif; mais les circonstances ne permirent ni au roi, ni à ses ministres d'exécuter les projets qu'ils avaient formés; et toutes les fois qu'on eut besoin de lever des subsides, on demanda le consentement du grand conseil, qui quelquefois le refusa, ou du moins ne l'accorda que sous condition.

Henri publia dans le même temps la charte des forêts, qui, sans doute, n'est pas d'un grand intérêt par rapport à l'état actuel des choses; mais qui était de la plus haute importance à une époque où le roi comprenait dans les forêts une portion très-considérable du royaume, qu'il gouvernait par des lois arbitraires et particulières, et où les infractions aux lois forestières étaient pour la plupart punies de la peine capitale.

Ces premiers actes devaient donner d'heureuses espérances; elles ne furent point réalisées. Les prodigalités du roi et l'administration de ses favoris indisposèrent la noblesse et la nation. Le roi viola ouvertement la grande charte qu'il avait cependant, comme on l'a vu, confirmée avec la plus grande solennité; et dès-lors la haine contre lui fut excessive. Au mo

ment où les esprits étaient le plus aigris, il se trouva obligé de convoquer les barons pour leur demander de nouveaux subsides la circonstance était favorable, ils en profitèrent; et sur leur demande, vingt-quatre commissaires furent nom¬ més, moitié par eux, et moitié par la couronne, pour opérer une réforme dans l'État. Provisoirement ces vingt-quatre commissaires eurent la garde de toutes les forteresses, et la disposition de tous les gouvernemens; d'abord ils s'occupè rent de la mission qui leur avait été confiée, et par de sages réglemens ils corrigèrent les abus dont se plaignait la nas tion; ces réglemens sont connus sous le nom de provisions D'Oxford.

Mais on ne tarda pas à s'apercevoir que le conseil des vingt-quatre cherchait à étendre son autorité, en empiétanţ sur le pouvoir royal; et bientôt on le vit substituer ouvertement, à la tyrannie du monarque, la tyrannie plus odieuse de l'aristocratie. Dès que les desseins des barons furent connus, leurs partisans diminuèrent, et la haine contre le roi s'affaiblit d'ailleurs plusieurs barons voyaient avec inquié tude la puissance de Simon de Montfort, comte de Leicester, qui, après avoir dirigé le mouvement contre le roi, s'était placé à la tête des vingt-quatre. Les talens et le courage de cet homme extraordinaire, les avaient fait triompher; ils craignaient qu'ils ne servissent à les opprimer, Le roi crut le moment favorable pour ressaisir l'autorité; il convoqua un nouveau parlement, et dans la séance d'ouverture il annonça ses intentions par ces paroles. « Puisque je suis né roi, je veux l'être: Reprenons chacun notre rôle; moi celui de maître, vous celui de sujets.

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Le Comte de Leicester répondit avec arrogance, au nom des barons; dès ce moment la guerre fut inévitable, elle éclata bientôt après. Le courage du prince Edouard, fils du roi, ne put résister à l'expérience du comte; les royalistes furent vaincus, le roi fut fait prisonnier.

Cette victoire rendit Leicester tout puissant, et probable¬

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ment il ne songea plus qu'à affermir ou à étendre son autorité; mais les mesures qu'il prit dans cette intention devaient produire un autre résultat qu'il ne prévoyait pas lui-même; c'était l'admission des communes au parlement.

CHAPITRE IV.

Etablissement de la Chambre des Communes.

Le Comte de Leicester ne trouva pas de meilleur moyen pour conserver le pouvoir, que de paraître l'exercer au nom du roi et du consentement de la nation; à cet effet il convoqua, en 1265, un parlement, auquel il appela nonseulement les barons, mais encore deux chevaliers pour représenter leur comté, et deux citoyens ou bourgeois pour représenter chaque ville ou bourg; ces députés furent nommés en vertu de Writs adressés aux Sheriffs au nom du roi. Telle est, suivant l'opinion la plus générale, l'origine de la chambre des communes; mais on doit remarquer avec Hume, que « la politique de Leicester ne fit qu'accélérer de quelques années une institution à laquelle l'état des choses avait déjà préparé la nation; autrement, ajoute cet historien, il » serait inconcevable qu'un tel arbre, planté par une main » si fatale, eût pu croître si vigoureusement et fleurir au sein » de semblables orages.

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L'histoire nous apprend que Leicester parvenu à l'autorité suprême en abusa; obligé de soutenir une nouvelle guerre contre le roi, ou plutôt contre le prince Edouard, il fut vaincu et tué à la bataille d'Evesham. Henri III remonta sur son trône et montra plus de modération qu'on ne devait en attendre; il respecta la grande charte et les droits acquis, et ne punit que par l'exil ses ennemis les plus acharnés.

Le prince Edouard fut son successeur; dans les premières années de son règne plusieurs parlemens furent convoqués ; et il est remarquable que les députés des bourgs n'y furent poin tappelés, comme ils l'avaient été par le comte Leicester;

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