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d'une égale condition, et ne jouissaient pas des mêmes droits. Les thanes ou nobles étaient au-dessus des ceorls, appelés aussi husbandmen, qui composaient la classe moyenne. Parmi les thanes, il y avait différens degrés; ceux du premier ordre étaient nommés thanes du roi, les autres étaient sous leur dépendance probablement ils en avaient reçu des terres dont le prix consistait en rentes. Ils étaient en outre obligés d'obéir à leur seigneur en temps de paix et de guerre (1). Le Weregild ou la composition pour meurtre, établit ces distinctions d'une manière certaine : la vie d'un thane royal était évaluée à 1200 shillings, celle d'un thane du second ordre à la moitié, et la composition pour meurtre d'un ceorl était fixée à 200 shillings. (2)

Les thanes étaient les propriétaires des terres ou les francstenanciers, les ceorls étaient les cultivateurs.

Il est douteux si ces derniers étaient attachés à la glèbe; quoiqu'il en soit, ils devaient le service militaire, ils obtenaient protection pour leur personne et pour leurs biens; pouvaient devenir propriétaires, et même parvenir à la dignité de thanes, s'ils acquéraient cinq hydes (3) de terres avec une chapelle, une cuisine, une salle et une cloche, c'est-àdire, un manoir seigneurial (4).

La dignité de thane, était également accordée au commerçant qui avait fait trois grands voyages par mer.

L'institution politique la plus remarquable à cette époque, est sans doute l'assemblée connue sous le nom de Wittenagemot; elle était composée des évêques, des abbés (5) et des Aldermen, ou gouverneurs de provinces; sur ce point

(1) Wilkins. Leges anglo-saxon, pages 40, 43, 64, 72, 101.

(2) Spelman, Feuds and tenures, page 40. (3) L'hyde équivaut à 120 acres environ. (4) Selden titles of honour, page 515.

(5) Quelquefois les abbesses y étaient admises. Spelm. gloss. au mot Parliamentum, cité par Hume.

toutes les opinions sont d'accord; mais les Prélats et les Aldermen ne composaient pas seuls l'assemblée : les Wites ou Sages en faisaient aussi partie; et il y a incertitude sur la question de savoir dans quelle classe ils étaient pris. Les uns ont soutenu que cette branche du Wittenagemot était formée des juges et des hommes instruits dans les lois ; d'autres, au contraire, y ont vu les représentans des bourgs, et l'ont regardée comme l'origine de la chambre des communes. Cette dernière opinion ne paraît pas fondée: les bourgs, à cette époque, étaient si petits et si pauvres; les habitans étaient dans une telle dépendance des grands, qu'il est invraisemblable qu'ils fussent admis au conseil du Prince (1); d'ailleurs, comment concilier les dénominations de Principes, Satrapes, Magnates, etc., que tous les historiens s'accordent à donner aux membres du Wittenagemot, avec l'opinion que les représentans des bourgs faisaient partie de cette assemblée. Il faut donc croire que par cette expression de Wites, on désignait les grands propriétaires.

Les attributions du Wittenagemot ne peuvent être déterminées avec une parfaite exactitude; on sait seulement que son concours était nécessaire pour faire les lois; qu'il avait droit de surveiller l'administration publique, et de provoquer la révocation des actes faits sans sa participation.

Chaque comté avait son assemblée particulière, appelée Shire-Gemot; elle était formée des thanes du comté: on y jugeait les affaires civiles et criminelles ; et cette institution a dû puissamment contribuer, ainsi que le remarque M. Hallam, à fixer les libertés de l'Angleterre sur une base large et populaire, en restreignant les droits de l'aristocratie féodale (2).

Telles étaient alors les institutions politiques de l'Angleterre; les lois d'Alfred vinrent les perfectionner et les affermir.

(1) Brady, Traité des Bourgs, pages 3, 4, 5.

() L'Europe au moyen âge, tome 2, page 18, traduction de MM. Du douit et Borghers.

C'est à ce grand Roi, qu'il faut attribuer, suivant l'opinion la plus commune, la division régulière de l'Angleterre, en comtés : chaque comté fut subdivisé en Hundreds, centaines ou cantons, et chaque canton en Thitings ou dixaines. Le canton ou centaine dont le chef se nommait Hundreder comprenait dix Thitings ou dixaines; la dixaine se composait de dix francs tenanciers avec leurs familles : ainsi réunies, dix familles formaient une communauté soumise à un chef nommé Thitingman, Headbourg ou Borsholder. Ces familles étaient en quelque sorte solidaires pour la punition des crimes commis par, un de leurs membres elles étaient obligées de représenter le coupable ou de payer une amende proportionnée à la gravité du délit : d'ailleurs chaque homme était obligé de se faire inscrire dans une dixaine, et personne ne pouvait en changer, sans l'autorisation de son Thitingman.

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L'administration de la justice était organisée d'après la division territoriale; les contestations entre les membres d'une même dixaine étaient jugées par la dixaine assemblée, sur la convocation et sous la présidence du Thitingman. Les affaires d'une grande importance, les appels des sentences rendues par les dixaines, et les différens entre les dixaines étaient portés devant l'assemblée du canton (Hundred) présidée par son chef : « les formalités que ces cantons observaient méritent » d'être rapportées, dit Hume, comme étant l'origine des jurés, institution admirable en elle-même, et ce que l'esprit » de l'homme a jamais imaginé de mieux, pour maintenir les libertés nationales et l'administration de la justice; douze Free-Holders, c'est-à-dire francs-tenanciers, étaient choisis, » et prêtaient serment avec le Hundreder, d'administrer une justice impartiale, et procédaient ensuite à l'examen de l'affaire soumise à leur jugement ».

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Cette opinion de Hume a été combattue par d'autres écrivains; le cadre de notre travail, ne nous permet pas de traiter la question avec les développemens dont elle est susceptible;

nous nous bornerons à faire observer que l'on peut adopter le sentiment de Hume, bien que l'institution actuelle du jury anglais, diffère en beaucoup de points des tribunaux dont nous venons d'exposer l'organisation, comme l'ont fait remarquer ceux qui ont soutenu un système contraire au sien. Dans tous les cas, nous avons dû signaler la difficulté, car en faisant connaître les anciennes institutions, nous devons sur-tout nous attacher à montrer leur influence sur les institutions modernes.

Au-dessus des assemblées de canton, était la cour du comté; elle se composait de tous les francs-tenanciers de la Province; et connaissait, sous la présidence du comte ou Alderman et de l'évêque, des appels des sentences rendues par les cantons, et des contestations entre les membres des différens cantons.

Enfin le conseil du Roi était la cour suprême, à laquelle on portait l'appel de toutes les cours du royaume.

Après avoir ainsi réglé l'hiérarchie des différens tribunaux, Alfred pensa qu'il était dangereux de laisser entre les mains de l'Alderman, l'autorité civile et militaire; il institua des Sheriffs pour chaque province, auxquels fut confiée l'administration des affaires civiles. Blackstone pense au contraire, que les Sheriffs ne furent dans l'origine que des officiers du comte, chargés de le suppléer dans toutes ses fonctions; et que c'est peu à peu, que l'autorité civile se trouva entre leurs mains, entièrement séparée du commandement militaire (1).

Outre ces réglemens particuliers, Alfred publia un corps de lois, qui ne s'est point conservé; mais que l'on regarde généralement comme la source de ce qu'on appelle en Angleterre le droit commun.

Telles furent les institutions d'Alfred; il sut établir l'ordre et faire respecter ses lois, sans attenter aux droits et à la liberté de son peuple; on trouve dans son testament ces paroles remarquables: 11 serait juste que les Anglais pussent toujours rester aussi libres que leurs pensées.

(1) Blackstone, Comment. sur les lois, discours préliminaire, page 149.

Les successeurs d'Alfred furent continuellement inquiétés par les courses des Danois, dont les expéditions devenaient chaque jour plus nombreuses et plus redoutables. Ceux-ci parvinrent à former des établissemens sur les côtes, puis dans les terres; enfin, en 1016, Edmond Côte-de-fer fut contraint de partager son royaume avec Canut, roi de Danemarck; bientôt après, il mourut assassiné, laissant deux fils mineurs, et Canut fut reconnu roi d'Angleterre. C'est ainsi que la race des rois Saxons fut exclue du trône, mais les rois Danois ne le conservèrent pas long-temps, et la famille Saxone fut rétablie, en 1041, dans la personne d'Edouard le Confesseur.

Edouard fit une nouvelle promulgation des lois d'Alfred, et fut nommé, par cette raison, restitutor legum anglicanarum. Le règne de ce prince n'offre rien de remarquable, mais il prépara de grands évènemens.

A sa mort, Edgard, son neveu, Harold, seigneur puissant, et Guillaume duc de Normandie se disputèrent le trône; Harold, soutenu par un parti nombreux, se saisit du sceptre. Guillaume invoquait et les liens du sang qui l'unissaient au dernier roi, et le testament de ce prince qui le désignait pour successeur. Ses droits pouvaient être contestés, mais son épée trancha la question: vainqueur de Harold, à la bataille d'Hastings, il est sacré et couronné dans l'abbaye de Westminster, le 26 décembre 1066; ainsi finit la dynastie Saxone.

L'avènement de Guillaume amena de grands changemens dans le gouvernement, dans les mœurs et dans les institutions. Dès-lors, dit Spelman, un nouvel ordre de choses com

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L'Angleterre était encore à cette époque régie par les lois d'Alfred; nous avons tâché d'en faire connaître l'ensemble. Il faut voir maintenant par quels changemens successifs le nouveau régime fut établi; mais il convient d'examiner d'abord une question importante, savoir: si les tenures féodales étaient connues en Angleterre avant la conquête.

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