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Les institutions et les lois qui ont successivement régi l'Angleterre offrent une suite, et en quelque sorte une filiation non-interrompue. Il n'y a point d'époque où l'on voie un système entièrement nouveau remplacer subitement le système ancien. Au milieu des révolutions fréquentes arrivées dans ce pays, les anciennes lois ont toujours conservé leur autorité, du moins en ce sens, qu'elles ont servi de base aux institutions nouvelles ainsi, la division territoriale de l'Angleterre paraît remonter aux temps antérieurs à la conquête des Normands; l'institution des jurés est attribuée par quelques écrivains à Alfred-le-Grand, et l'on a cru trouver l'image, ou du moins

TOME I.

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l'origine du parlement anglais dans ces anciennes assemblées nommées Wittenagemot.

Sans rien exagérer sur l'ancienneté d'origine de ses institutions actuelles, toujours est-il vrai que l'Angleterre a eu cet avantage de ne pas éprouver dans sa législation, ces révolutions soudaines qui renversent le système existant, et le remplacent tout-à-coup par un système nouveau, quelquefois plus parfait, mais ordinairement peu solide, car il ne repose sur aucune base.

C'est sur-tout à cette cause que les Anglais doivent attribuer la stabilité de leurs institutions; quelle que soit d'ail leurs l'heureuse combinaison des pouvoirs qui caractérise leur constitution. Nous avons cru devoir le faire remarquer en commençant ce précis, parceque, à notre avis, c'est sous ce point de vue, qu'il faut surtout envisager les évènemens et les révolutions que nous allons retracer.

CHAPITRE I.er

De l'établissement des Saxons à la conquête des Normands.

La Bretagne, connue aussi sous le nom d'Albion, fut la limite de la domination romaine. Lors de l'irruption des Barbares, les Bretons secouèrent facilement le joug, ou plutôt les Romains abandonnèrent d'eux-mêmes, vers l'an 448, une conquête, dont la conservation n'était ni utile ni possible. On ignore quelle étoit la forme de gouvernement alors établie ; l'opinion la plus vraisemblable est que les grands s'arrogeaient, chacun dans leur district, une sorte d'autorité souveraine, et qu'ils étaient d'ailleurs indépendans les uns des autres (1).

Cette division en petites principautés affaiblissait les Bretons; le séjour des Romains en les civilisant les avait amollis, en sorte que lorsque abandonnés à leurs seules forces, ils

(1) Hume, ch. Ier.

furent attaqués par les Pictes et les Ecossais, ils ne firent aucune résistance; et fuyant dans les montagnes, ils appe→ lèrent à leur secours les Saxons, nation germanique établie sur les côtes de la mer, depuis l'embouchure du Rhin, jusqu'au Jutland.

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Les Saxons acceptèrent avec empressement les propositions qui leur étaient faites; ils partirent moins sans doute dans l'intention de défendre les Bretons contre leurs en nemis, que de s'établir dans leur île, à l'exemple des autres Germains qui avaient conquis les Gaules. Les Bretons ne tardèrent pas à reconnaître quel prix les Saxons mettaient à leurs services, et délivrés de leurs anciens ennemis, ils eurent à se défendre contre leurs nouveaux alliés; de là cette guerre longue et sanglante, dans laquelle se signalèrent des héros dont l'histoire a conservé les noms, et dont les Bardes ont chanté les exploits. Parmi les Bretons, le plus célèbre fut Arthur; et l'on doit remarquer parmi les Saxons Cerdic et Kenric son fils, dont la race a régné sur l'Angleterre, jusqu'à l'invasion des Normands.

C'est en l'an 449 ou 450, que les premiers Saxons (), sous la conduite de Hengist et de Horsa avaient abordé en Angleterre, et ce ne fut qu'après un siècle et demi de combats qu'ils furent maîtres paisibles de la Bretagne. Ils y fondèrent sept royaumes connus sous le nom d'heptarchie; en voici les noms : les royaumes de Kent, de Northumberland, d'Est-anglie, de Mercie, d'Essex, de Sussex et Wessex.

Il était difficile que tous ces petits Etats voisins et indépendans restassent long-temps unis, la guerre éclata bientôt entre eux; d'abord les vainqueurs imposèrent des tributs; puis les Etats les plus faibles furent réunis aux plus forts. Enfin les trois royaumes de Wessex, de Mercie et de Northumberland devinrent prédominans: la lutte s'établit entre

(1) Saxons était le nom générique de plusieurs tribus différentes; l'une d'elles était nommée les Angles, d'où l'Angleterre a tiré son nom.

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eux, jusqu'à ce qu'Egbert, roi de Wessex et descendant de Cerdic, soumit toute l'Heptarchie à ses lois, en 827.

Ce prince fut couronné à Winchester, sous le nom de roi d'Angleterre, selon quelques historiens: d'autres au contraire, prétendent qu'Egbert et ses cinq successeurs immédiats conservèrent le titre de rois de Wessex, et qu'Edouard l'ancien fut le premier qui prit dans les monnaies celui de Rex Anglorum. Quoiqu'il en soit, l'autorité d'Egbert s'étendait réellement sur toute l'Angleterre proprement dite; seulement il permit aux rois de Mercie, d'Est-anglie et de Northumberland de conserver leur titre.

Nous avons dit quelle était, suivant l'opinion la plus probable, la forme du gouvernement établi en Bretagne par les Romains; l'invasion des Saxons apporta de nouveaux usages. L'autorité se trouvait partagée entre le roi ou chef (1) et les grands: quelques écrivains ont cru que le peuple n'était pas exclu du gouvernement; mais il serait ridicule de prétendre que déjà dans ces temps grossiers chaque pouvoir était établi de manière à tempérer les autres, sans avoir les moyens de les envahir; comme nous le voyons aujourd'hui.

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Dans les royaumes de l'Heptarchie l'ordre de succession au trône paraît n'avoir pas eu de règles fixes; la couronne était à la vérité conservée dans la famille du roi ; mais elle n'était pas toujours transmise à son parent le plus proche; quelquefois même le roi désignait son successeur par son testament (2) et son choix était suivi. On reconnaît à ces usages l'origine germanique des vainqueurs de la Bretagne; au surplus, les Saxons ne se bornèrent pas à imposer le joug aux vaincus, et à leur donner leurs lois; ils substituèrent leurs mœurs et leur langage à ceux des anciens habitans, et bientôt la population 'primitive et ses oppresseurs ne formèrent plus qu'une seule nation.

(1) Chieftain.

(2) Hume, ch. 2.

L'Angleterre réunie sous un seul chef devait espérer plus de tranquillité qu'elle n'en avait eu durant l'Heptarchie; mais ses guerres intestines étaient à peine terminées, qu'un ennemi extérieur vint troubler son repos et la menacer de la servitude. Les Danois, peuple habitant des bords de la Baltique, parurent en armes sur les côtes de l'Angleterre. Dans leurs premières expéditions on ne vit que des pirates; mais bientôt on craignit des conquérans, et les Anglo-Saxons furent menacés du joug qu'ils avaient imposé aux Bretons.

La guerre éclata, et se poursuivit avec des succès divers sous les règnes d'Egbert, d'Ethelwolth, d'Ethelbald et d'Ethered.

A la mort de ce dernier roi, les Danois avaient déjà formé des établissemens considérables: en S71, ils étaient maîtres des royaumes de Mercie, de Northumberland, et d'EstAnglie. Les Anglo-Saxons découragés, n'opposaient qu'une faible résistance à ces formidables ennemis; mais Alfred, leur roi, trouva dans son courage et dans son génie des ressources inespérées : il arrêta les progrès des Danois et fut vainqueur dans plusieurs batailles; enfin après avoir éprouvé de grands revers, il parvint à préserver son peuple du joug ennemi. Toutefois, ses victoires ne purent expulser entièrement les Danois; mais sa politique les soumit à son autorité. Les Danois conservèrent leurs lois; mais ils furent les sujets d'Alfred.

Ce prince fut aussi sage législateur que grand capitaine, et il a mérité le titre de Legum anglicanarum conditor. Avant de parler des lois qu'il publia et des institutions dont il fut le fondateur, il importe de jeter un coup-d'œil sur le gouvernement d'Angleterre, durant et après l'Heptarchie jusqu'à

Alfred.

Le royaume était divisé en comtés qui avaient chacun leur. Alderman ou comte particulier. Les habitaus formaient plusieurs classes distinctes: la première division était en hommes libres et esclaves; mais tous les hommes libres n'étaient pas

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