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d'abord aux enfans le droit chemin qui mène à la lumière et à la vérité? Que ceux qui n'ont point de doctrine, et qui flottent dans le vague des opinions humaines, ne sachent ni ce qu'ils doivent ni ce qu'ils veulent enseigner, cela est naturel : mais avoir une croyance et ne pas la suivre, avoir des principes et craindre de les inculquer à ses enfans, n'est-ce pas le dernier degré de l'inconséquence? Quelle honte d'ailleurs pour un père, de quelque opinion qu'il soit, de ne pas comprendre que, puisque son fils est venu dans ce monde pour le connoître, il faut donc lui montrer ce qui est, et ne pas borner son instruction à des fables! Quelle folie sur-tout d'étouffer les premières étincelles de son jugement sous les ténébreuses absurdités de la mythologie, dans le beau dessein d'orner sa mémoire, comme s'il pouvoit retenir avec fruit ce qu'il ne pourroit comprendre sans danger!

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Puisque l'homme est capable d'éducation, il apporte donc en naissant une intelligence propre à saisir toutes les vérités. Or, la méthode consiste à les lui proposer dans leur ordre, de manière que l'une le conduise à l'autre, et que toute l'instruction ne soit qu'une chaîne de conséquences bien liées. Il faut donc lui enseigner d'abord le principe de toutes choses, la première vérité d'où découlent toutes les autres; vérité si nécessaire, principe si lumineux, qu'il suffit de le révéler par la parole, pour que l'esprit le comprenne et le reçoive. Nous l'éprouvons tous les jours, qu'il nous soit permiş. de le redire; tous les jours nous enseignons des enfans, et nous connoissons de plus en plus la profonde vérité de ce passage: « La révélation de vos paroles porte la » lumière, et ouvre l'intelligence des petits enfans. » Declaratio sermonum tuorum illuminat et intellectum dat parvulis. Ps. 118.

Toute éducation fondée sur cette méthode et sur ces principes formera des hommes judicieux, et, s'il est nécessaire, de grands hommes; car l'homme doit savoir être grand ou petit selon le besoin et pour l'intérêt de la société. Mais, dans l'une ou l'autre condition, il n'y a de ferme que celui qui a acquis la connoissance de ses devoirs par principes. Cette connoissance n'est pas seulement propre à régler l'esprit, mais elle doit l'étendre et le fortifier.

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Les enfans saisissent ce qui est purement intellectuel plus aisément qu'on ne l'imagineroit si on ne l'avoit éprouvé. Mais comme il est juste de les aider par le secours des choses qui les touchent, il faut considérer que toutes les vérités rationnelles sont en effet présentées dans l'histoire sous des formes sensibles. Et quel spectacle pour l'enfance que celui des premières familles de l'univers, de ces belles et vénérables figures des patriarches de ces temps, de ces mœurs d'une ravissante simplicité! Quels contes, quelles idylles de Berquin auront plus de charme que l'histoire de Joseph, de Rachel, de Ruth, de Tobie! Où trouver des modèles plus parfaits de candeur, d'amitié, fraternelle, de piété filiale, de tous les sentimens aimables? Ainsi, en suivant l'ordre historique, on peut proposer. toutes les idées sous les images, les plus attachantes; et seulement on le peut, mais on le doit. Car tout enfant qui naît dans la société, est l'héritier des anciens jours et des antiques traditions; et pour que les uns et les autres se gravent fortement dans sa mémoire, il faut que les exemples viennent appuyer les préceptes.

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Tel est le plan qu'a suivi, dans le petit livre que nous annonçons, l'illustre auteur des Mœurs des Israélites. Par-tout les leçons et les faits se trouvent sage

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inent entremêlés, et la bonne doctrine se coule dans l'esprit avec le récit et l'intérêt de l'histoire. L'auteur regrettoit, dit-on, de ne lui avoir pas donné plus d'étendue. J'avoue qu'il auroit trop de concision, si on se bornoit à le faire apprendre par coeur aux enfans. Mais il paroît d'autant plus propre à remplir les premiers besoins de l'instruction, que toutes les matières étant traitées succinctement et avec la dernière simplicité, elles offrent au père ou à l'instituteur un texte qu'il peut étendre, expliquer, embellir, pour l'accommoder à l'esprit et au goût des enfans.

L'ouvrage est divisé par leçons; et la substance de ces leçons est réduite en forme de questions et de réponses, où l'auteur a resserré, sous une expression plus précise, les instructions qu'il avoit d'abord développées. Cette forme nous paroît excellente pour aider la mémoire et pour exercer la raison des enfans.

Dans la huitième leçon, l'auteur, après avoir suffisamment affermi ses élèves dans la connoissance des premières vérités, a cru devoir toucher, en passant, à l'idolâtrie, et donner quelqu'idée des principales erreurs où l'ignorance, la corruption et la préoccupation des sens ont jeté les hommes. C'est alors qu'on peut leur ouvrir l'histoire ancienne, quoiqu'avec discrétion, et leur donner même quelque teinture de la mythologie, pour les disposer à l'intelligence des poètes. Ainsi toutes les choses humaines entrent dans le plan de l'auteur; et il suffiroit de le développer avec lenteur dans une suite de conversations familières, pour ouvrir aux enfans la carrière d'études la plus brillante et la plus solide.

Z.

VI.

Fête des Jardiniers.

ON N applaudit les académiciens qui, dans les assemblées d'apparat, font l'éloge public de leurs fondateurs: ces souvenirs, réveillés par la reconnoissance, donnent en effet un noble caractère aux discours académiques. Pourquoi donc les philosophes voyoient-ils avec tant de dédain les artisans et les villageois honorer aussi la mémoire de leurs bienfaiteurs? L'hommage qui part du cœur, et qui remonte à la Divinité, vaut bien sans doute les phrases redondantes avec lesquelles un orateur espère faire valoir son esprit bien plus que le héros qu'il célèbre. On s'est moqué du saint du village et du patron de la corporation; il me semble qu'il y a eu bien de la légèreté dans ces moqueries: car si le saint devoit être regardé comme un bienfaiteur, c'étoit attaquer un des plus nobles sentimens de l'humanité que de tourner en dérision l'hommage et la foi du peuple. Les jardiniers ont pris Saint - Fiacre pour leur patron: ce patronage est très-motivé, puisque Saint-Fiacre, retiré dans le désert, employoit tout le temps qu'il ne donnoit pas à la prière, à cultiver de petits jardins de légumes; il alloit lui-même vendre dans les villes le produit de son travail, et n'en sortoit jamais sans avoir distribué aux pauvres l'argent qu'il avoit reçu. Il y a dans cette vie simple et active quelque chose qui excite à-la-fois l'intérêt et l'admiration; et l'on conçoit que les jardiniers mettent de la persévérance à honorer celui qui a ennobli leurs travaux.

J. J. Rousseau s'est pris de belle passion pour la botanique; il alloit à travers les champs chercher des plantes, sans autre motif que de les examiner ; et les amateurs des niaiseries scientifiques avoient adopté, dans le dernier siècle, J. J. Rousseau pour leur patron. Que l'on compare la conduite du saint à celle du philosophe, et que l'on prononce entre les jardiniers et les beaux-esprits. Qu'importe à ceux que l'infortune accable qu'un citoyen de Genève s'évanouisse de plaisir en voyant de la pervenche! Il leur importera toujours qu'il y ait des hommes laborieux et charitables occupés de soulager les misères de l'humanité, et qui sanctifient le travail par l'usage qu'ils font de son produit. Catinat, cultivant son jardin, nous paroît admirable avec raison; car on ne peut rapprocher ce qui est grand et ce qui est simple sans émouvoir le cœur de l'homme : est-il rien de plus touchant que la piété, le travail et la charité réunis? Je le répète, pourquoi donc les philosophes ont-ils vu avec tant de dédain les artisans et les villageois honorer la mémoire de leurs bienfaiteurs? Pourquoi, aussitôt qu'ils ont été les maîtres, ont-ils aboli ces fêtes qui ne rappellent que de bons sentimens et de doux souvenirs? La reconnoissance n'est - elle plus une vertu à leurs yeux lorsqu'elle remonte à la source éternelle de tous les biens? On est effrayé de tout ce qu'il y a de faux dans cette philosophie, lorsqu'on pense que les mêmes législateurs qui renversoient lé Saint du village, qui abolissoient toutes les cérémonies religieuses, ont voulu nous ramener aux fêtes du paganisme où l'on voyoit l'innocence et la pudeur dansant autour du simulacre d'une infâme divinité. Nous avons vu sérieusement ériger en déesses les nymphes de l'Opéra, et le peuple étonné se demander par quelles actions une danseuse avoit mérité des autels: il auroit

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