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les fleurs du règne minéral; ils en ont souvent l'éclat et les formes délicates; il y en a qui sont presqu'aussi fugitifs; mais dans leurs rapports subtils les instruinens et le calcul découvrent cette uniformité qui est le premier mérite d'un caractère spécifique.

Ici j'entends les chimistes élever la voix, et s'écrier: Que devient la certitude et l'exactitude de votre caractère géométrique, lorsqu'on voit que des minéraux d'une nature évidemment diverse ont cependant une molécule primitive de la même forme? Par exemple, le spinelle, pierre précieuse, et le fer oxidulé, métal très-commun, ont tous les deux l'octaèdre régulier pour forme primitive.

Cette objection tombe absolument lorsqu'on se rappelle que nous avons déjà mis au second rang les propriétés physiques, pour classer les substances que leurs formes primitives nous exposeroient à confondre. Il est facile de distinguer le spinelle du fer oxidulé, en observant l'éclat, la dureté et les autres caractères apparens; mais on auroit tort d'en conclure qu'on pourroit, dans ce cas, se passer du caractère tiré de la forme primitive, car cette forme sert, d'un côté, à séparer le fer oxidulé du fer oligiste qui, d'ailleurs, très-voisin du premier, a un rhomboïde pour noyau ; et, d'un autre côté, elle nous aide à établir une distinction du même genre entre le spinelle et le coridonhyalin, par conséquent entre le rubis oriental et le rubis-balais des lapidaires.

Mais pour

réduire les chimistes à des prétentions bien plus modestes que ne le sont celles qu'ils affichent, il suffit d'un seul fait, et le voici : les analyses chimiques exécutées avec le plus grand soin par les savans les plus estimés, ont produit des résultats très-différens, quoique la substance analysée

Fût exactement la même. Ainsi, le corindon-hyalin bleu donna à M. Klaproth les parties suivantes : alumine, 98, 5; chaux, o, 5; oxide de fer, 1. La même substance, analysée par M. Chenevix, parut contenir les élémens suivans: alumine, 92; silice, ɔ, 25; fer, 1; parties perdues, 1, 75. D'un autre côté, Klaproth a trouvé 15 pour 100 de silice dans le spinelle, où M. Vauquelin n'en trouve point de tout cet élément. Que conclure de ces contradictions dont M. Hauy nous donne la longue liste? Quelle explication adopter?

On est, au premier abord, tenté de regarder tous les résultats de la chimie moderne comme presqu'aussi incertains que le sont, de l'aveu de tous les savans, ceux de la chimie ancienne; et dans ce cas, pourquoi les autres sciences se soumettroient-elles à l'empire' d'une science encore si imparfaite? Mais même, en laissant aux analyses chimiques tout leur mérite, il faut au moins convenir que M. Haüy, en attendant que les chimistes soient d'accord entr'eux, a eu raison de chercher à la minéralogie une base plus sûre que celle que fourniroit une science remplie de contradictions.

Le Tableau de la Cristallographie a occasionné beaucoup de discussions parmi les savans les plus illustres de l'Institut. MM. Bertholet et Laplace ont émis une opinion qui semble tendre à diminuer l'influence des affinités chimiques sur la formation des minéraux, et par conséquent à élever le caractère géométrique au-dessus du caractère chimique. Mais M. Hauy ne veut pas même profiter de cet avantage; il pense que l'analyse chimique et l'anatomie géométrique des minéraux, plus perfectionnées, finiront par indiquer une harmonie parfaite entre les formes et les

élémens de ces substances. Nous ne pouvons pas exposer plus en détail l'objet qui divise ces illustres savans, et qui tient à une philosophie trop relevée pour la grande masse de nos lecteurs. Nous dirons seulement que par-tout les différences physiques, telles que l'éclat, la dureté, l'électricité, se trouvent suivre plutôt la différence des formes géométriques que celle des élémens chimiques.

Outre ces idées générales, le nouvel ouvrage contient une foule de notes curieuses dans lesquelles on trouve réunis les résultats de toutes les recherches faites depuis la publication de son Traité. Le simple tableau méthodique des minéraux, amélioré d'après ces nouvelles lumières, seroit déjà un cadeau précieux pour tous les amateurs de la minéralogie ; mais la nature de ce Journal n'admet pas une analyse détaillée de ces sortes de matières. Il ne nous reste plus qu'à exprimer à l'ingénieux et infatigable auteur les sentimens de reconnoissance que tous les amis des sciences lui doivent pour ce nouveau service qu'il leur a rendu.

M.

XXXVI.

Hippocratis Aphorismi, cum locis parallelis Celsi, ad recensiorem pervulgatamque editionem accommodatis.

LES

Es Aphorismes d'Hippocrate ont eté dans tous les temps l'objet d'une admiration universelle. Recueillis avec enthousiasme par les disciples de ce grand homme,

ils semblent n'avoir traversé les siècles que pour en conquérir les hommages, et arriver jusqu'à nous chargés de gloire et d'éloges. Mille commentateurs ont consacré leurs veilles à en éclaircir le texte, à en développer la doctrine. Enseignés dans toutes les écoles, invoqués par toutes les opinions, ils ont acquis en médecine une autorité pour ainsi dire irréfragable. Pendant long-temps il a suffi de les citer pour résoudre les questions les plus difficiles ; et si de nos jours on ne leur porte pas un respect aussi servile, si on ne leur rend pas des hommages aussi superstitieux, on ne s'en accorde pas moins à les regarder comme un des plus beaux monumens qui aient élé élevés à la gloire de la science.

Il faut cependant convenir que les Aphorismes d'Hippocrate sont loin d'offrir cette perfection éminente qui, dans les ouvrages purement littéraires, force tous les suffrages et fait taire toutes les critiques. On est tout étonné d'y rencontrer, à côté des plus belles sentences, les erreurs les plus grossièrement absurdes; de ridicules théories viennent s'y mêler aux résultats immuables de l'observation ; et trop souvent les vérités les plus profondes y sont défigurées par des fables indignes d'un si grand homme. Il est vrai que tout ne lui appartient pas dans ce recueil; il est vrai que des copistes ignorans et des disciples téméraires en ont plus d'une fois ou corrompu le texte par leurs méprises, ou surchargé les pages par des additions indiscrètes; mais on doit avouer aussi que dans plusieurs Aphorismes dont il est certainement l'auteur, le divin Hippocrate lui-même n'a pu s'empêcher de payer quelque tribut aux préjugés et aux faux systêmes qui dominoient son siècle. A quoi faut-il donc attribuer les applaudissemens unanimes dont cet ouvrage a été environné

dans tous les temps ? Ces applaudissemens sont-ils le fruit d'une admiration éclairée, ou n'ont-ils pris leur dans un enthousiasme aveugle ?

source que

La solution de cette question n'est point aussi facile qu'on pourroit d'abord le penser. Pour bien apprécier le mérite des Aphorismes d'Hippocrate, il faut savoir avant tout ce que c'est que de véritables Aphorismes, quel en est le caractère essentiel, comment ils se lient au perfectionnement de la science dont ils traitent ce qu'il en coûte à l'esprit humain pour les former, par quels degrés il procède dans ce genre de travail ; et certes, il est bien peu de personnes qui aient sérieusement réfléchi sur ces matières, ou qui soient capables d'en sonder toutes les profondeurs. Je sais que tous les jours de jeunes auteurs qui ont à peine secoué la poussière des écoles, et qui déjà prétendent donner des leçons à leurs maîtres, se vantent de ne parler que par aphorismes, de n'écrire qu'en style aphoristique; mais ces grands mots, comme ceux d'analyse et d'esprit philosophique, ne sont dans leur bouche que des mots vides de sens, que le ridicule jargon d'un charlatanisme qui se tourmente pour faire un peu de bruit ; et il suffit de lire leurs ouvrages pour être persuadé qu'ils ne se comprennent pas eux-mêmes. Il est donc bien important d'établir sur ce sujet quelques idées claires et précises; et c'est ce que je vais tâcher de faire en peu de mots.

Les sciences naturelles n'ont d'autre fondement que les faits. Ce n'est point l'imagination qui les devine ; c'est l'observation qui les trouve. On ne les invente point dans le silence du cabinet, on les découvre à la lumière de l'expérience. Elles ne se composent ni d'opinions plus ou moins ingenieuses, ni de systêmes savamment ordonnés, l'étude fidèle des opérations de

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