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n'y a pas fait preuve d'une grande connaissance de l'histoire dans ce qu'elle dit de César. Elle ne s'est pas embar rassée non plus de faire alterner régulièrement les rimes masculines et les rimes féminines. A cela près, ses vers ne sont pas plus mauvais que ceux du même genre qu'Estienne Pasquier, dans ses Recherches de la France, cite, avec complaisance, de Du Bellay et de lui-même.

En fait de poésies où figurent des vers d'une syllabe, il n'y a guère à citer dans notre époque que la Chasse du Burgrave, une des ballades de Victor Hugo, « peut-être trop gothique de forme », a-t-il dit lui-même dans une

note.

<< Daigne protéger notre chasse,

Châsse

De monseigneur saint Godefroi,
Roi !

Si tu fais ce que je désire,

Sire,

Nous t'édifierons un tombeau

Beau;

Puis je te donne un cor d'ivoire,

Voire

Un dais neuf à pans de velours

Lourds,

Avec dix chandelles de cire,

Sire!

Donc, te prions à deux genoux,

Nous,

Nous qui né de bons gentilshommes,

Sommes

Le seigneur burgrave Alexis

Six ! »>

Voilà ce que dit le burgrave,
Grave,

Au tombeau de saint Godefroid

Froid.

Il existe aussi quelques pièces tout en vers monosyllabes. Telle est celle qui fut faite au XVIIIe siècle sur la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et dont voici un échantillon :

De

Ce

Lieu

Dicu

Mort

Sort;

Sort

Fort

Dur,

Mais

Très

Sûr.

Le sujet, on en conviendra, était étrangement choisi pour une pareille forme. Ceux qui, dans notre époque, se sont amusés à des essais du même genre ont été, sous ce rapport, mieux inspirés. Comme spécimen, on peut citer les vers Sur la mort d'une rose, restés dans la mémoire de quelques curieux, et qui sont, sauf erreur, de M. C. de Rességuier.

Fort
Belle,

Elle

Dort.

Sort

Frêle,

Quelle

Mort!

Rose

Close,

La

Brise

L'a

Prise.

De semblables fantaisies, que peu de personnes sans doute seront tentées d'imiter, échappent à l'observation. Il semblerait que les monosyllabes à terminaison féminine ceux surtout qui commencent par une voyelle et auxquels peuvent ainsi rester joints, en s'élidant, certains articles et pronoms personnels - y conviendraient mieux que les monosyllabes à terminaison masculine. Ce sont cependant ceux-ci qu'on voit presque uniquement employés dans les chansons. La musique les préfère, à ce qu'il paraît.

DEUXIÈME PARTIE

CHAPITRE XXV.

DES VERS LIBRES

Ainsi qu'il a été dit et qu'on a pu d'ailleurs le constater dans un grand nombre d'exemples, les vers ne sont pas toujours formés par couples rimant ensemble et se suivant régulièrement, ce qu'on appelle vers à rimes suivies ou à rimes plates. Il y a beaucoup d'autres combinaisons où les vers sur mêmes rimes se trouvent séparés les uns des autres par un vers, par deux vers et même trois vers. Quand il y a plusieurs vers ainsi intercalés, ils doivent toujours, dans notre langue, être sur une seule rime.

Les combinaisons de vers dont les rimes s'entrecroisent peuvent être régulières, c'est-à-dire être reproduites dans l'ordre primitif après un certain nombre de vers, en présentant une série de divisions semblables tant pour le nombre et la mesure des vers que pour la disposition des rimes, divisions qui prennent le nom de stances, strophes ou couplets;

Ou bien les rimes s'entre-croisent tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, sans être assujetties à aucun ordre particulier, et l'on donne le nom de vers libres à ceux où elles sont ainsi disposées.

Il y a deux espèces de vers libres : ceux où tous les vers sont de même mesure, et ceux où sont joints des vers de mesure différente.

A l'égard des premiers, qualifiés plus spécialement de vers à rimes mêlées, il n'y a rien à ajouter de particulier aux remarques dont les vers de leur mesure ont été l'objet, si ce n'est qu'en général il faut éviter d'arrêter le sens en même temps que se termine une série de rimes, pour reprendre à la fois ensuite un autre sens et de nouvelles rimes, ce qui aurait l'inconvénient de couper la pièce en strophes mal proportionnées et disparates. C'est ce que fera mieux comprendre l'exemple suivant, dans lequel les arrêts du sens sont marqués par des traits horizontaux : —, et ceux des rimes par des traits verticaux :|:

-

Un fanfaron, amateur de la chasse,
Venant de perdre un chien de bonne race,
Qu'il soupçonnoit dans le corps d'un lion,
Vit un berger. << Enseigne-moi, de grâce |
De mon voleur, lui dit-il, la maison,
Que de ce pas je me fasse raison. »>
Le berger dit : « C'est vers cette montagne.
En lui payant de tribut un mouton |
Par chaque mois, j'erre dans la campagne |
Comme il me plaist, et je suis en repos. >>
Dans le moment qu'ils tenoient ces propos,
Le lion sort et vient d'un pas agile.
Le fanfaron aussitôt d'esquiver.

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Jupiter, montre-moi quelque azile, |
S'écria-t-il, qui me puisse sauver ! » |

LA FONTAINE, fable II, livre 6.

On voit en effet que dans ces vers les divisions du sens ne se confondent jamais avec celles que forment les muta-tions de rimes, excepté au dernier vers, où le récit finit et où, par conséquent, cela ne pouvait être autrement..

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