Pour l'enfant morose, Au nid du ramier. Marq. A. DE BELLOY, Le Chevalier d'Aï. Quels sont ces bruits sourds? Écoutez vers l'onde Cette voix profonde Qui pleure toujours Comme il pleut ce soir! Le ciel est bien noir, On dirait l'hiver; Parfois on s'y trompe... Oh! marins perdus! Au loin, dans cette ombre, Vers la terre sombre! Pas d'ancre de fer Que le flot ne rompe... Le vent de la mer Souffle dans sa trompe. V. HUGO, Les Voix intérieures, XXIV. Ces divers fragments se rapportent à un espace de temps de plus de trois cents ans. Tous ne sont pas de main de maître. Sans qu'on les ait autrement triés, ils ont été pris tels à dessein, pour qu'on vît à quel point s'impose la loi harmonique du vers de cinq syllabes, puisque, des simples versificateurs au poëte éminent, quiconque s'est servi de cette forme a su, compris ou senti que les mesures de quatre syllabes n'y sont pas de mise. On n'en trouvera pas plus de cinq ou six dans les cent cinquante vers qui sont cités. Ronsard à lui seul s'en est permis deux en douze vers. Il faut le lui pardonner; on connaît son faible pour les mots longs, et ce vers, malgré le rapport qu'il offre avec l'adonique grec et latin, lui était peu familier. C'est sans doute à la netteté si marquée de leur mesure que les vers de cinq syllabes doivent d'avoir été employés dans un assez grand nombre de chansons populaires. Ils y sont le plus souvent très-bien coupés, comme dans les deux couplets suivants : Chez mon pèr' | j'étions Dessus l'herbe verte, D'un petit, petit, Dans le coin d'un bois Au clair de la lune, Pour l'amour de Dieu ! Si peu poëtes qu'ils fussent, les obscurs chansonniers qui nous ont légué ces paroles avaient certainement un sens très-exact du rhythme. Il est vrai que, si l'on en croit la tradition, l'auteur du second couplet avait près de lui Lulli pour lui marquer la mesure; mais il n'en a pas manqué d'autres à qui, pour se diriger, leur propre instinct a dû suffire. CHAPITRE XXII. DU VERS DE QUATRE SYLLABES. On croira sans peine que les pièces toutes en vers de quatre syllabes sont moins nombreuses encore que celles en vers de cinq; mais, quoiqu'ils s'allient mieux que ceux-ci aux formes de vers les plus usitées, telles que l'alexandrin, le décasyllabe, l'octosyllabe et l'hexasyllabe, ce qui tient aux nombres pairs des syllabes, on ne les trouve pas non plus bien fréquemment employés de cette façon. On peut en noter six ou huit dans les Fables de La Fontaine, qui n'y a pas admis un seul vers de cinq syllabes. Tout court qu'est ce vers, il est encore susceptible de divisions régulières ou symétriques à l'intérieur. La tonique finale peut quelquefois suffire à y marquer le rhythme. Il ne serait pas d'un bon effet cependant qu'il n'y en eût jamais d'autre. Les mots de trois syllabes n'y devront donc figurer que par exception, et les mots de quatre en seront exclus rigoureusement. C'est ce qu'ont observé même les anciens poëtes qui ont fait usage de cette forme. Pense de toy D'ore en avant : Du demourant Ce monde voy Regarde et oy, Va peu parlant; Dieu tout puissant Sera pour toy. Octavien DE Saint-Gelais Mes Damoyselles, Bonnes et belles, Je vous envoye A ses amis Bien, tant soit cher, Ne faut cacher. Or est besoing, Quand on est loing, Cela fait rire Et chasse esmoy. Donc, je vous prie, Quand on luy fault. S'il ne le vaut, Il le vaudra; D'estre à jamais Vous supplier Ne l'oublier. Il ne demande. Me recommande. C. MAROT, Epistre à deux Damoyselies. Marot a fait encore deux ou trois psaumes et autant de chansons où il a joint des vers de quatre syllabes à des vers de huit ou de dix. C'est, avec la petite épître qui précède, tout ce qui s'en trouve dans ses œuvres. Les poëtes de la Pléiade en firent encore moins d'état, On ne le voit employé à leur époque que dans deux des odes de Ronsard et quelques rares pièces de ses adhérents. A partir de là, le vers de quatre syllabes fut renvoyé à la chanson qui avait été son berceau. Il figure, allié à des vers de diverses autres mesures, dans un certain nombre de vaudevilles, ponts-neufs, romances et morceaux lyriques des XVIIe et XVIIIe siècles. Molière en a semé quelques-uns dans les intermèdes de ses comédies, et Boileau a fait, sur un air de sarabande, un couplet en vers de quatre syllabes croisés avec des vers de cinq, qui est inséré dans ses œuvres comme une épigramme. La romance d'Alix et Alexis, qui est en vers de quatre syllabes alternant avec des octosyllabes, fut une de celles qui eurent le plus de vogue au XVIIIe siècle. Bien des personnes encore vivantes peuvent se souvenir d'en avoir entendu fredonner quelque couplet à leurs grand'mères. L'auteur était, d'ailleurs, un lettré, Moncrif, qui entra à l'Académie française en qualité de bel esprit. Ce ne serait pas un titre aujourd'hui. Quant aux chansons populaires proprement dites, celles dont les auteurs restent toujours ignorés, et qui semblent en quelque sorte s'être faites |