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dans fon admirable Traité de l'Exiflence de. Dieu, que ce Poëme fi parfait n'ait jamais été compofé par un effort de génie d'un grand Poe; & que les caracteres de l'alphabet ayant été jettés en confufion, un coup de pur hazard, comme un coup de dez, ait rafTemblé toutes les lettres précisément dans l'arrangement néceffaire pour décrire dans des vers pleins d'harmonie & de variété tant de grands événemens; pour les placer & pour les iier fi bien, tous enfemble; pour peindre chaque objet avec tout ce qu'il a de plus gracieux, de plus noble, & de plus touchant; enfin pour faire parler chaque perfonne felon fon caractere, d'une maniere fi naïve & G. paffionnée ? Qu'on raifonne & qu'on fubrilife tant qu'on voudra, jamais on ne perfuadera à un homme fenfé que l'lkade n'ai point d'autre auteur que le hazard. Pourquoi donc cet homme fenfé croiroit- il de l'Univers, fans doute encore plus merveilleux que l'Iliade, ce que fon bon fens ne lui. permettra jamais de croire de ce Poëme ?

Voilà comment s'expliquoient toutes les fectes les plus célebres. Quelques Philofophes, comme je l'ai dit, mais en très-petit nombre, entreprirent de fe diftinguer des autres par des opinions particulieres fur ce fujet. Livrés aux foibles efforts de la raifon pour approfondir la nature, & l'effence de la Divinité, & pour en expliquer les attributs, & fans doute éblouis de l'état d'un objet dont les yeux humains ne peuvent foutenir la lumiere, ils fe font éga

rés dans leurs recherches, & ont été conduits d'abord à douter de l'existence de la Divinité, & peu à peu jufqu'à la nier. Mais le peuple, qui n'entroit point dans ces rafinemens & ces fubtilités de la Philofophie, & qui s'en tenoit uniquement à la tradition immémoriale, & à la notion naturelle gravée dans le cœur de tous les hommes, s'éleva fortement contre ces prédicateurs de l'Athéifme, & les traita comme des ennemis du genre humain.

PROTAGORE ayant commencé un de fe's livres de la forte: Je ne faurois dire s'ily a des Dieux,ni ce que c'eft; les Athéniens le chafferent non-feulement de leur ville, mais. encore de leur territoire, & firent brûler ру bliquement fes ouvrages.

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De nat. Deor.. lib. 1.8, 63.3.

DIAGORE ne s'en tint pas au doute, il Av.M. 3588.5. nia nettement qu'il y ait des Dieux; & c'eft Helych, in ce qui lui fit donner le furnom d'Athie. Il Alayopas.. Διαγόρας. vivoit en la XCI. Olympiade. On prétend, qu'un entêtement d'Auteur, une tendreffe exceffive pour une production de fon efprit, l'entraîna dans l'impiété. Il avoit appellé en Juffice un Poëte qui lui avoit volé une piece de vers. Celui-ci jura qu'il ne lui avoit rien dérobé & peu de tems après publia fous fon propre nom cet ouvrage, qui lui acquit une grande réputation. Diagore voyant dans fon adverfaire le crime non-feulement impuni, mais honoré & récompenfé conclue qu'il n'y avoit point de Providence point de Dieux, & fit des Livres pour le prouver

A's

Les Athéniens le citerent pour lui faire rendre compte de fon dogme; mais il prit la fuite, fur quoi ils mirent fa tête à prix. Ils firent promettre à fon de trompe un talent (trois mille livres ) à quiconque le tueroit, & deux à quiconque l'améneroit vif & firent graver ce décret fur une colonne de cuivre.

AN.M.3684. THEODORE de Cyrene nioit auffi fans Diog. Laert. reftriction l'existence des Dieux. Il auroits. 1.2. in Arif été conduit au Tribunal de l'Areopage,

tip.

&

puni comme Athée, fi Démétrius de PhaJere, qui étoit pour lors tout puiffant à Arbenes , n'eût favorifé fon invafion. Sa morale étoit digne d'un Athée. Il enfei gnoit que tout eft indifférent, qu'il n'y a rien de fa nature qui foit crime ou vertu. Son impiété lui fit des affaires par-tout ou il fe trouva, & il fut enfin condamné à s'empoifonner.

La jufto (a) févérité des Athéniens, qui puniffoient fur cette matiere jufqu'au doute. comme on l'a vu dans Protagore, contribua beaucoup à arrêter la licence des opinions & le cours de l'impiété. Les Stoiciens. portoient fi loin fur ce point le refpect pour la religion, qu'ils (b) traitoient de criminelle & d'impie la coutume de difputer contre l'exiftence des Dieux, soit

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(4) Ex quo equidem exif- [ De wat. Deor. lib. 1 1. 65 simo tardiores ad hanc (5) Mala & impía conu fententiam profisendam fuetudo eft contra, Dees difan multos effe factos, quippè putandi, û e animo'id fit cùm pœnam ne dubitatio five fimulatë, Ibid, lib, as quidem effugere potuiffet, ¦ », 168,

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qu'on le fit d'une maniere férieufe, ou fimplement par entretien & contre fa pensée.

6. II.

De la nature de la Divinité.

UN détail abrégé de toutes les rêveries. que les Philofophes ont avancées fur cette matiere, nous convaincra mieux que toute autre chofe de l'impuiffance de la raifon humaine pour arriver par fes propres forces à de fi fublimes vérités. Je tirerai ce, détail des Livres que Cicéron a compofés fur la Nature des Dieux. Les remarques & les réflexions dont Mr. l'Abbé d'Olivet, de FAcadémie Françoife, a accompagné l'excellente Traduction qu'il nous a donnée de ces Livres de Cicéron, me feront d'un grand fecours, & je ne ferai prefque que les copier ou les abréger.

Comme les anciens Philofophes n'ont étu dié la nature de Dieu que par rapport aux chofes fenfibles dont ils tâchoient de comprendre l'origine & la tion, & que I différentes manieres dont ils arrangeoient le fyftème de l'Univers, faifoient leurs differentes créances touchant la Divinité, il he faut pas s'étonner l'on trouve fouvent ici ces deux matieres unies & confondues.

THALES de Miler a dit que l'Eau eft le Denat. Deor. principe de toutes chofes,& que Dieu eflib. 1.1.25. cette Intelligence, par qui tout eft formé de

Enu. I parloit d'une Intelligence, qui

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ne faifant qu'un avec la matiere dirigeois fes opérations; comme on diroit que l'ame, qui jointe au corps ne fait qu'un même homme, dirige les actions de l'homme.

ANAXIMANDRE croit que les Dieux regoivent l'étre, qu'ils naiffent & meurent de loin à loin, & que ce font des mondes innom-~ brables. Ces Dieux d'Anaximandre étoient les Aftres.

ANAXIMENE prétend que l'Air eft Dieu, qu'il eft produit, qu'il eft immenfe infini, qu'il est toujours en mouvement. L'opinion d'Anaximene, quant au fond, ne differe en rien des précédentes. Il retint d'Anaximandre fon maître l'idée d'une fubftance unique, & infiniment étendue; mais il die que c'étoit l'air, comme Thales avoit dit que c'étoit l'eau.

ANAXAGORE, éleve d'Anaximene fut l'auteur de cette opinion, que le systéme l'arrangement de l'Univers, doivent être. attribués à la puissance & à la fageffe d'un efprit infini, Anaxagore n'eft venu qu'un fie cle après Thales. Les notions commencent à fedébrouiller, On fent la néceffité d'une caufe efficiente, qui, foit diftinguée fubftantiellement de la matérielle. Mais il n'attribue à cet efprit infini que l'arrangement & le mouvement, non la création de l'Univers, La coéternité de deux principes indépendans, Fun de l'autre, quant à leur exiftence, eft l'écueil où il échoue avec tous les anciens Philofophes.

Hid., 27 PYTHAGORE croit que Dieu eft une

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