Homère a peint les dieux tels que la croyance vulgaire les représentait alors, et l'on admire dans l'Iliade que, malgré l'intervention des dieux, le poète conserve à ses héros la grandeur d'âme qui leur est propre, et le caractère qu'il leur a donné. Achille, dit La Harpe, est le chef-d'œuvre de l'épopée. Il sait qu'il doit périr devant Troie ; sa jeunesse, sa beauté, une déesse pour mère, tous ces avantages qu'il a sacrifiés à la gloire, en acceptant une mort prématurée et inévitable, tout sert à répandre sur lui cet éclat et cet intérêt qui attachent aux hommes extraordinaires. Ce mélange de sensibilité et de fureur, de férocité et de pitié, cet ascendant qu'on aime à voir dans un homme sur les autres hommes, ces faiblesses qu'on aime à retrouver dans ce qui est grand, forment d'Achille le caractère le plus poétique que l'on puisse imaginer. L'élocution d'Homère est toujours convenable à ses héros ; ce sont, non des étincelles, mais des traits de feu, Sa narration marche d'un pas égal pendant quinze mille vers, pleine de force, de chaleur et de grâce. Voici le portrait qu'il fait d'Ulysse: « Dans le conseil et dans les délibérations publiques, il paraissait d'abord embarrassé et timide; les yeux fixes et baissés, sans geste et sans mouvement, il ne donnait pas l'idée d'un grand orateur; mais quand il s'était

α

animé, ce n'était plus le même homme; et, « semblable à un torrent qui tombe du haut << d'un rocher, il entraînait les esprits par la ⚫ force de son éloquence. »

Diomède, blessé, dit à son écuyer: Retire

moi ce fer, et il revole au combat:

>>

Ajax, le bouillant Ajax, s'écrie: Que le jour reparaisse, et que les dieux combattent contre

« nous! »

Ainsi, en peu de mots, Homère caractérise ses héros; il peint avec la même énergie les dieux et les combats: si on lui a reproché la continuité de ces combats qui, remplissant quatre ou cinq chants de suite, ont nécessairement trop d'uniformité, et si on a blâmé quelques détails minutieux, oserons-nous plus qu'Horace, lequel a dit : Je sens du dépit lorsqu'il arrive à Homère de sommeiller?

L'ODYSSÉE.

L'Odyssée a pour sujet le retour d'Ulysse à Ithaque, petite île dont il était roi. Dans l'Iliade on ne voit que des combats; dans l'Odyssée, ce sont des malheurs, des dangers, dont l'homme triomphe par la sagesse, la prudence et la patience. Dans l'Iliade, c'est Jupiter même qui domine et agit en maître; dans l'Odyssée, c'est la déesse de la sagesse qui conduit l'homme et

b

qui le sauve. L'avis de Longin et de la plupart des autres critiques, est que l'Odyssée est inférieure à l'Iliade; cependant ce poème intéresse la curiosité par la peinture des mœurs antiques dont il ne reste point de monument plus authentique et plus précieux. Quant au style, il est au-dessus de l'éloge..

Les poésies d'Homère se chantaient autrefois par morceaux détachés, auxquels on donnait des noms particuliers, comme : Le combat des vaisseaux, la Patroclée, la grotte de Calypso, etc. etc. Ces fragmens s'appelaient rapsodies, et ceux qui les chantaient rapsodes.

Ce fut Pisistrate, roi d'Athènes, qui en rassembla les divers morceaux, les arrangea dans leur ordre naturel, et en composa les deux corps de poésie que nous avons sous les noms d'Iliade et d'Odyssée. On en fit ensuite plusieurs copies fameuses. Aristote en fit une pour Alexandre-le-Grand, qui la mit dans une précieuse cassette trouvée parmi les dépouilles de Darius; on la nomma l'édition de la Cassette. Enfin Aristarque, que Ptolomée Philométor avait nommé gouverneur de son fils Evergètes, en fit une si correcte et si exacte, que le nom de l'éditeur est devenu celui du censeur le plus éclairé. On dit un Aristarque, pour dire un bon juge en matière de goût.

Homère est encore auteur d'un petit poème burlesque, intitulé: La guerre des rats, plein de gaîté, d'esprit, et de vivacité.

HÉSIODE.

Hésiode, né à Cumes, fut selon les uns, le contemporain d'Homère, dont il balança longtemps la réputation; d'autres le font naître cent ans après lui. Il paraît qu'il connut les ouvrages de ce grand poète, puisqu'il en a emprunté une foule de vers. Tous doivent être regardés comme les pères de la mythologie.

L'antiquité nous a transmis deux poèmes d'Hésiode; celui des Travaux et des Jours, poème didactique, lequel donna peut-être à Virgile l'idée de ses Géorgiques.

On appelle poésie didactique celle qui se propose d'instruire, de tracer les lois de la raison et du bon sens, de guider les arts, d'orner la vérité sans lui faire rien perdre de ses droits; ce genre est une sorte d'usurpation que la poésie a faite sur la prose.

Le second poème d'Hésiode est la Théogonie, ou la naissance des dieux; c'est un poème mythologique. La diction pure, harmonieuse, prend tout-à-coup, vers la fin de l'ouvrage, un style élevé pour chanter la guerre des géans contre les dieux, tradition fabuleuse dont Hésiode est

le premier auteur. La description de l'hiver, dans le poème des Jours, est digne des plus beaux endroits d'Homère. On n'a que quelques fragmens de son ouvrage intitulé: le Bouclier d'Hercule.

ANACREON.

Anacréon, né à Théos en Ionie, 500 ans avant notre ère, fut l'inventeur des stances lyriques connues sous le nom d'Odes Anacréontiques. Il nous reste un assez grand nombre de ses pièces, qui sont très courtes. Elles expriment, le plus souvent, un sentiment gracieux, une idée douce, un compliment tourné en allégorie, des images simples, naïves, riantes,

Anacréon, dit La Harpe, ne connut d'autre ambition que celle d'aimer et d'être heureux; d'autre gloire que celle de chanter son bonheur. Ses poésies respirent la grâce et l'enjoûment, qu'il conserva jusque dans l'âge le plus avancé. Ce n'est point un auteur; il n'écrit point, il est à table avec de belles filles grecques, le front couronné de roses, buvant d'excellent vin de Lesbos et de Scio; et, tandis que Manès et Aglaé enlacent de fleurs ses cheveux blancs, il prend sa petite lyre d'ivoire à sept cordes, et chante sur un mode lydien cette chanson de la Colombe, qui est un chef-d'œuvre de délicatesse.