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LA GRACE DE DIEU

NE S'ALLIE PAS AVEC LE COUT DES CHOSES DE LA TERRE.

(Trad. de l'Imitation de Jésus-Christ.)

I.

Ma grâce est d'un grand prix, elle ne souffre pas, ›n fils, d'être alliée aux choses d'ici-bas; Elle ne souffre pas le mélange adultère Des consolations qui viennent de la terre.

Pour en goûter le charme il faut donc écarter L'obstacle, quel qu'il soit, qui pourrait l'arrêter. Caché dans la retraite, et seul avec vous-même, A fuir tout entretien mettez un soin extrême, El surtout devant moi venez avec ferveur, Venez dans la prière épancher votre cœur, Pour conserver en vous l'esprit de pénitence Et cette pureté, doux fruit de l'innocence. Comptez pour rien le monde, et, docile à ma

[voix,

A Dieu, plutôt qu'au reste, attachez votre choix ;
Lar vous ne pouvez pas et rechercher ma grâce,
It prendre en même temps plaisir à ce qui passe.
faut vous séparer de vos affections,

E sevrer votre esprit de consolations.
Tele était autrefois la fréquente prière
Adressée aux Chrétiens par l'apôtre saint Pierre,
Quand il les conjurait d'être à leurs propres yeux
Comme des voyageurs étrangers en ces lieux.

II.

Combien, au lit de mort, combien sera profonde L'espérance d'un cœur que rien n'attache au [monde !

Mais que le cœur ainsi de tout soit détaché,
C'est ce que vainement l'esclave du péché,
l'àme faible et malade essaierait de comprendre ;
E l'homme sensuel ne peut jamais prétendre
A cette liberté de l'esprit et du cœur,
Partage glorieux de l'homme intérieur.

Il doit pourtant, il doit, pour sortir d'esclavage,
Et s'il veut à l'esprit se donner sans partage,
Rompre avec ses amis, avec les étrangers,
Et voir surtout en lui la source des dangers.
Maitre de vous, le reste avouera sa défaite :
La victoire sur soi c'est la seule parfaite.
Celui-là seul vraiment a subjugué son cœur,
Celui-là seul du monde est vraiment le vainqueur,
Qui de ses sens domptés rend sa raison maîtresse,
Lt soumet sa raison aux lois de ma sagesse.

III.

Voulez-vous vous frayer ce chemin glorieux, Courage, commencez, et d'un bras vigoureux, Jasques à la racine enfoncez la cognée : C'est ainsi qu'en dépit de la chair indignée, On arrache, on détruit de tout propre intérêt Et de tout bien grossier l'attachement secret. Oui, cet amour de soi, dans le cœur qu'il do[mine

Etendant chaque jour sa profonde racine,

Devient comme le trone qui nourrit à ses pieds Ces rejetons impurs sitôt multipliés,.

Ces vices dangereux qu'il faut qu'avec la hache L'homme jusqu'au dernier, du fond du cœur ar[rache:

Le mal détruit, la paix et la tranquillité
Succède au trouble affreux dont il fut agité.
Mais qu'on en trouve peu dont la sollicitude
De bien mourir à soi fasse sa seule étude,
Et qui portent par fois leurs regards et leurs soins
Hors du cercle borné de leurs propres besoins!
Une âme dans les sens tristement enfoncée
N'étend pas au delà le vol de sa pensée.

Quiconque cependant avec moi veut marcher,
Doit rompre les liens qui pourraient l'attacher
Par un amour trop vif au joug des créatures;
A ses affections pour les maintenir pures,
Son âme doit livrer un éternel combat,
Et les mortifier pour en vaincre l'appât.
Victor EDAN.

LA GRACE

TRIOMPHANT DE SAINT AUGUSTIN.

Tel que brille l'éclair, qui touche au même ins [tant

Des portes de l'aurore aux bornes du couchant;
Tel que le trait fend l'air sans y marquer sa- trace,
Tel et plus prompt encor part le coup de la
[grâce.

Il renverse un rebelle aussitôt qu'il l'atteint:
D'un scélérat affreux ur moment fait un saint ..
Souvent, à nous chercher moins ardente et moins
jvive,

Par des chemins cachés lentement elle arrive,
Elle n'est pas toujours ce tonnerre perçant
Qui fend un cœur de pierre et, par un coup puis-
[sant,

Abat Saul, qu'emportait une rage homicide,
Fait d'un persécuteur un apôtre intrépide,
Arrache Madeleine à ses honteux objets,
Zachée à ses trésors et Pierre à ses filets,
Quelquefois, doux rayon, lumière tempérée.
Elle approche, et le cœur lui dispute l'entrée.
L'esclave dans ses fers quelque temps se débat,
Repousse quelques coups, prolonge le combat.
Oui, l'homme ose souvent, triste et funeste gloire,
Entre son maître et lui balancer la victoire,
Mais le maître poursuit son sujet obstiné,
Et parle de plus près à ce cœur mutiné.
Tantôt par des remords il l'agite et le trouble,
Tantôt par des attraits que sa bonté redouble
Il amollit enfin cette longue rigueur,

Et le vaincu se jette aux pieds de sou vainqueur.....
Ecoutons un mortel que la grâce diving
Fait sortir triomphant d'une guerre intestine;
Et du grand Augustin apprenons aujourd'hui
Ce que l'homme est sans Dieu, ce que Dieu peut
[sur lui (1).
Louis RACINE.

(1) Voye: S. AUGUSTIN, sa conversion, ci-avant, col. 263 264.

GRANDE CHARTREUSE.

Quel calme! quel désert!... Dans une paix pro[fonde,

Je n'entends plus mugir les tempêtes du monde.
Le monde a disparu, le temps s'est arrêté...
Commences-tu pour moi, terrible éternité?
Ah! je sens que déjà, dans cette auguste enceinte,
Un Dicu consolateur daigne apaiser ma crainte.
Je le sais, c'est un père; il chérit les humains:
Pourquoi briserait il l'ouvrage de ses mains?
C'est lui qui m'a formé dans le sein de ma mère :
Il veut mon repentir, mais il veut que j'espère.
O toi qui, sur ces monts, blanchi par les hivers,
Vins chercher les frimas, un tombeau, des déserts,
Et qui volant plus haut, par ton amour extrêmė,
Semblais, voisin du ciel, habiter le ciel même,
Que j'aime à voir tes pas empreints dans ces saints
{lieux!

Le berceau de ton ordre est caché dans les ciux.
C'est là que, du Seigneur répétant les louanges,
La voix de tes enfants s'unit au choeur des anges;
Là, de ses faux plaisirs, par le siècle égaré,
Le voyageur pensif a souvent soupiré.
Ces rochers, ces sapins, ce torrent solitaire,
Tout parle, tout m'instruit à mépriser la terre,
La terre où le bonheur est un fruit étranger
Que toujours quelque ver en secret vient ronger.
Partout de la douleur j'y trouvai les images:
L'amour a ses tourments, l'amitié ses outrages.
Que de désirs trompés, de travaux superflus!...
Vous qui, vivant pour Dieu, mourez dans ces re-
[traites,

lieureux qui vient vous voir dans le port où vous

[êtes;

Mais plus heureux cent fois celui qui n'en sort

Ducis.

[plus.

En voyant ce séjour sombre et silencieux,
Où du divin moteur la puissance est empreinte,
Le voyageur s'étonne, et contemple avec crainte
Ces abîmes profonds, ces sommets sourcilleux,
Ces forêts de sapins dont le triste feuillage
S'étend comme un long crêpe, emblème des dou-
¡leurs ;

Ces nuages flottants, ces légères vapeurs,
Qui glissent sur le bord de l'enceinte sauvage;
Ces vieux débris du temps, ces rocs minés par
l'âge,

Autrefois dans les cieux fièrement élancés,
Maintenant sur la terre au hasard dispersés.
Frappé de tant d'objets dont la grandeur l'accable,
Il s'arrête, il écoute; une voix formidable
Se fait entendre au fond d'un goudre ténébreux;
C'est le torrent à peine échappé de sa source,
Roulant avec fracas dans ses flots écumeux
Les débris du rocher qui retardait sa courge,
Et les sapins brisés par les vents orageus.

Mais ce n'est point assez, ici tout est miracle,
Bientôt il est ému par un plus beau spectacle,
Par la vertu modeste et sublime à la fois
Des saints qui de Bruno suivent les saintes lois.
Venez, sages du jour, prodiges de lumières,
Qui rayez l'Eternel de vos lois éphémères ;
Et vous, ambitieux, effroi de l'univers,
Venez, pour un instant, venez dans ces déserts
De la religion admirer les merveilles,
Tant de bienfaits cachés, tant de pieuses veilles,
Ce mépris de la mort, cet oubli des honneurs,
Ce doux contentement au milieu des douleurs;
En voyant les effets d'un courage suprême,
Apprenez le grand art de régner sur soi-même.
Ici de la grandeur l'éclat s'évanouit,
Devant l'humilité la vanité fléchit.
Par de faibles vieillards la puissance est vaincue,
De l'ennemi du Ciel l'audace est confonduc;
Il voudrait blasphemer, il demeure sans voix,
Et frémit en secret pour la première fois.
Dans un calme nouveau les passions se taisent,
Les regrets insensés, les vains désirs s'apaisent:
Tous ces rêves du jour, dont l'erreur nous séduit,
Qui diffèrent si peu des rêves de la nuit,
Se dissipent soudain comme une ombre légère;
L'âme prend son essor, abandonne la terre,
Et pour la diriger luit un rayon des cieux.
Que sont les intérêts d'un monde que l'on quitte!
Là, de l'éternité l'on touche la limite;
Là, tout excite en nous des sentiments pieux:
Le son lent et plaintif de la cloche qui tinte,
Le cloître où l'œil se perd, ce jour mystérieux,
Ces cantiques sacrés dont retentit l'enceinte,
Tout élève l'esprit à Dieu qui seul est grand,
Et de nos vanités atteste le néant.
D'un zèle antique et pur conservateurs fidèles,
Qui cucillez de la Foi les palmes immortelles,
Ah! ne regrettez pas nos impures cités,
Nos folles passions, nos trompeuses délices:
Pour les heureux du monde elles ont des supplies
Plus rigoureux cent fois que vos austérités,
Votre âme reste libre au sein de l'esclavage,
Et de la liberté nous profanons l'usage:
En frères vous vivez, et nous en ennemis;
Par le souci rongeur nos fronts sont obscure's,
Sur les vôtres jamais on ne le voit paraitre;
Sujets capricieux, nous servons plus d'un maiti,
De l'Eternel lui seul vous recevez la loi,
Et ce jour de la mort, pour vous si plein d'effroi,
Qui vient si promptement, que jamais rien n'ar
[rête.

Pour vous, lorsqu'il paraît, devient un jour de fece.
Gabriel de MOTRIA.

GRANDEUR DE DIEU.
SOUMISSION DUE A SES DÉCRETS.
(Extrait du poë ne de la Grâce.)

Ne lui demandons point compte de ses décrets,
Qui pourra d'injustice accuser ses arrêts?

L'homme, ce vil amas de boue et de poussière,
Soutiendrait-il jamais l'éclat de sa lumière?
Ce Dien d'un seul regard confond toute grandeur:
Des astres devant lui s'éclipse la splendeur.
Prosterné près du trône où sa gloire étincelle.
Le cherubin tremblant se couvre de son aile.
Rentrez dans le néant, mortels audacieux.
Il vole sur les vents, il s'assied sur les cieux,
lla dit à la mer: Brise-toi sur ta rive.
Et dans son lit étroit la mer reste captive.
Les foudres vont porter ses ordres confiés (1),
Et les nuages sont la poudre de ses pieds.
C'est ce Dieu qui d'un mot éleva nos montagnes,
Suspendit le soleil, étendit nos campagnes,
Qui pèse l'univers dans le creux de sa main.
Notre globe à ses yeux est semblable à ce grain
Dont le poids fait à peine incliner la balance.
I' soume, et de la mer tarit le gouffre immense.
Nos vœux et notre encens sont dus à son pouvoir.
Cependant quel honneur en peut-il recevoir ?
Quel bien lui revient-il de nos faibles hommages?
Lui seul il est sa fin, il s'aime en ses ouvrages.
Qu'a-t-il besoin de nous? d'un œil indifférent
Il regarde tranquille et l'être et le néant.

touche, il endurcit, il punit, il pardonne;
Il éclaire, il aveugle, il condamne, il couronne:
S ne veut plus de moi, je tombe, je péris :
S'il veut m'aimer encor, je respire, je vis.
Ce qu'il veut il l'ordonne, et son ordre suprême
Na pour toute raison que sa volonté même.
Qui suis je pour oser murmurer de mon sort,
Moi conçu dans le crime, esclave de la mort?
Quoi! le vase pétri d'une matière vile,
Dra-t-il au potier: Pourquoi suis-je d'argile?
Des salutaires eaux un enfant est lavé.
Par une prompte mort un autre en est privé.
Dieu rejette Esau, dont il aime le frère.

4

Par quel titre inconnu Jacob lui peut-il plaire?
O sage profondeur ! & sublimes secrets!
J'adore un Dieu caché: je tremble, et je me tais.
Louis RACINE.

LA GRANDEUR DE DIEU

DANS SES OEUVRES.

(Trad. de Job.)

Dieu remplit de son nom les mondes et l'espace :
Qui peut se croire son égal?

Qui peut sur ses desseins l'interroger en face?
Qui lui dira: Tu fais le mal?

Honore le Seigneur, exalte ses ouvrages,

Eternel entretien des sages.

Le ciel de sa grandeur est l'éclatant témoin,
1. homme qu'elle confond ne la voit que de loin.
Comprends-tu son essence? elle est impénétrable.
Compieras-tu ses ans? leur nombre est innombra-

[ble.

(1) Ce mot, observe un critique, sent tout à la luis la gène du mètre ci le besoin de la rime. I au

Il amasse les eaux, et sa main les répand ;
Il en forme des mers que dans l'air il suspend ;
Il les ôte à la terre, et la terre épuiséc

Les voit tomber en pluie, en fertile rosée.
De ces eaux dont l'amas obscurcit l'horizon,
Il se couvre bientôt comme d'un pavillon,
Et voilant tout à coup sa face aux yeux du monde,
Plonge tout l'Océan dans une nuit profonde.
La nue est l'arsenal de ses traits menaçants,
C'est aussi le trésor de ses plus doux présents.
Tantôt l'éclair pålit, et les feux du tonnerre
Dorment silencieux, prisonniers dans sa main ;
Tantôt leur confiant les destins de la terre,
De son doigt il les guide et marque leur chemin ;
Par leur voix éloquente il parle à ceux qu'il aime,
Et par eux il confond l'ingrat qui le blasphème.
Aux coups étincelants de son Eras irrité,
Hors de moi s'élançant mon cœur bat et frissonne,
Ecoutez, écoutez, c'est sa bouche qui tonne :
La terre en a frémi, l'air en est agité,

Et du nord au midi sa parole entendue
Gronde, éclate, des cieux embrasse l'étendue,
Et dans leur profondeur roule avec majesté.
En vain le cherchons-nous, aveugles que nous
[sommes !

Quand sa voix nous instruit, son front se cache aux [hommes.

A la neige il a dit: Sur la terre descends,
Aux eaux: Rassemblez-vous, et tombez en torrents.
C'est alors que muet et par la main suprême
Marqué du sceau divin, l'homme rentre en lui-

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L'univers, sagesse infinie,

Est un livre sacré que nous ouvrent les mains;
Dans sa pompe et son harmonie
Tout parle sans cesse aux humains.
Ces globes enflammés qui roulent sur nos têtes,
Ces mers fécondes en tempêtes,
La terre à nos besoins prodiguant ses bienfaits,
Tous les êtres enfin, aux yeux de tous les âges,

Avec cent voix et cent langages
Vantent le Dieu qui les a faits.

Mais que le ciel brille à ma vue,

Que ta voix, en tonnant, perce jusqu'aux enfers, Que l'onde fièrement émue

Semble se perdre dans les airs;

Ou que des flots mutins l'impétueuse rage
A ta voix expire au rivage,

J'adore en frémissant ta force et ta splendeur,
Et moins surpris encor de ces frappants spectacles,
C'est dans de plus secrets miracles
Que je contemple ta grandeur.
Paraissez, enfants de la terre,
Agiles habitants des airs, des champs, des bois;
Parmi vous, ruses, travaux, guerres...
Que de prodiges à la fois!

A tous vos mouvements la sagesse préside :
Est-ce la raison qui vous guide?
N'est-ce qu'un faible instinct moteur de vos res-
[sorts?

Ouvre les yeux, mortel : dans ces faibles machines
Admire des sources divines

Les inépuisables trésors.

Que leur industrie est puissante!

Par ses hardis travaux étonnant nos regards,
Grand Dieu! la matière savante
Epuise les secrets des arts.
Pour surprendre sa proie une fileuse habile (1)
Ici sur sa trame docile

Promène tour à tour des fils entrelacés.
Quel art! quelle justesse ! Orgueilleux géomètre,
Pourrais-tu ne pas reconnaître
Que les travaux sont effacés ?
Là, l'ingénieuse hirondelle,

Du fruit de ses amours suspendant le berceau,
Moins rivale encor que modèle,
Etonne le jaloux ciseau.
Ciel! l'argile obéit à l'ordre qu'elle trace;

Tout se range, tout prend sa place,
L'édifice s'accroit et s'élève à mes yeux :
Quels sont donc tes secrets, Auteur de la nature?
Un chef-d'œuvre d'architecture
Naît sous un bec industrieux.
Quelle est la nation armée
Qu'un bruit sourd me découvre,

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errante en ce [jardin (2)?

Elle s'enrichit de butin; fantôt de mille fleurs la dépouille stérile,

Grand Dieu, par son art se distille (3)
En fluides trésors précieux aux mortels,
Que dis-je ? par les lois, ô sagesse profonde,
Tu rends son adresse féconde
Tributaire de les autels (4).

Orgueilleuse raison de l'homme,
Qui voit avec mépris de sages animaux,
Contemple ce peuple économe
Courbé sous d'utiles fardeaux (5).
Habile à prévenir le temps de l'indigence,
Dans la saison de l'abondance,

Il comble ses greniers sous d'invisibles toits,
Et formant à son gré de sages républiques,
Trouve en ses demeures obliques
Ses mœurs, sa patrie et ses lois.
Tout me ravit dans la nature,
Jusqu'au plus vil insecte écrasé sous mes pas.
Qui peut contempler sa structure,
Seigneur, et ne t'admirer pas?
Par le pompeux éclat de diverses merveilles,
Frappant mes yeux et mes oreilles,
Ta suprême bonté s'abaisse jusqu'à moi;
Et m'élevant enfin jusques à ton essence,
J'apprends que l'humaine puissance
N'est que faiblesse devant toi.

Le P. RAINAUD, de l'Oratoire.
GRANDEUR ET SAGESSE de Dieu.
(Traduction du psaume viii.

O suprême grandeur! ô sagesse ineffable!
Ton nom remplit la terre, et ta gloire admirable
Eblouit en tous lieux.

Les anges devant toi baissent leurs yeux timides,
Monarque, qui du haut du trône où tu résides

Sous tes pieds vois les cieux!

Če mortel insensé, s'il est vrai qu'il t'ignore,
De l'enfant qu'au berceau le lait nourrit encore
Peut prendre des leçons;

La langue de l'enfant qui tient de toi la vie,
Pour bénir ta puissance et confondre l'impie

Forme ses premiers sons.

Pour moi, lorsque la nuit vient déployer ses voiles, Où les prodigues mains ont semé tant d'étoiles, Je t'adresse ma voix;

Lorsque l'astre du jour rentre dans sa carrière, Je redouble mes chants, et c'est dans sa lumière La tienne que je vois.

D'ouvrages merveilleux la foule est innombrable. L'homme n'y paraît plus que l'amas méprisable De la chair et du sang:

Dans la cour toutefois, que les bontés l'honorent! Presque égal aux esprits qui sans cesse t'adorent, Il tient le second rang.

(4) La cire.

(5) Les fourmis.

Tu veux qu'à ses besoins ici-bas tout conspire.
Les plus fiers animaux reconnaissent l'empire
Qu'il a reçu de toi :

Crux qui de l'Océan parcourent les abîmes

Ceux qui fendent de l'air les campagnes sublimes,

Tous respectent leur roi.

Que de biens tu nous fais, o sagesse ineffable! Ton nom remplit la terre, et ta gloire admirable Eblouit en tous lieux.

Les anges devant toi baissent leurs yeux timides, Monarque, qui du haut du trône où tu résides

Sous les pieds vois les cieux !

Louis RACINE.

GRANDEUR DE DIEU, GRANDEUR DE
L'HOMME.

Paraphrase du psaume: Domine Dominus noster.)

O toi dont l'ineffable essence

Se révèle par ta bonté,
Sagesse, amour, toute-puissance,
Unique et triple déité !

Qu'il est grand ton nom, qui des anges
Epuise les saintes louanges

Et d'amour sait les enivrer!

Nom cher aux pauvres qu'il console,
Nom qui contient toute parole!
Le connaître, c'est l'adorer.

L'éclat de ta magnificence
S'élève et domine les cieux.
Partout ici-bas ta présence

Parle à nos cœurs comme à nos yeux.
Ah! que tes dons purs et célestes
Surpassent tous ces biens funestes
Que poursuivent nos vains efforts :
Parmi tes fécondes largesses,
Que sont les mortelles richesses
Au prix des immortels trésors?

Souvent ton saint nom, dans la bouche
D'une vierge ou d'un faible enfant,
A terrassé l'orgueil farouche
De ton ennemi triomphant:
Sa fureur en vain se déchaîne:
Ta sagesse oppose à sa haine

Les hommages des jeunes coeurs,
La vérité sied à l'enfance :
Et les hymnes de l'innocence
Confondent tes blasphémateurs.

Quels sont mes transports quand j'admire
Ce beau soleil, source du jour,
Le ciel, centre de ton empire,
Et ton chef-d'œuvre et ton séjour :
La terre et cet astre nocturne,
Des ombres flambeau taciturne,
Ces globes roulant dans les airs,
A qui ton doigt traça leur route,
Epars dans la céleste voûte,
Comme le sable au bord des mers!

Dans la grandeur, dans sa faiblesse,
Qu'est l'homme, Seigneur, devant toi?
Cependant l'amour qui te presse
Te fait descendre jusqu'à moi.
Le roi, l'auteur de la nature,
De son ingrate créature

Est l'hôte, l'ami, le soutien.
Parmi nous tu daignes te plaire,
Et ton plus digne sanctuaire
C'est le cœur de l'homme de bien.

Mais que dis-je? Dès cette vie
Où semble triompher le mal,
De l'ange, objet de son envie,
L'homme est presque l'heureux rival;
En souffrant pour le Dieu qu'il aime
Seul, il peut de l'amour suprême
Remplir l'héroïque devoir;
Exempt de nos maux qu'il ignore,
L'ange te contemple et t'adore,
L'homme t'adore sans te voir.

Son regard que ton souffle animie
Etincelle d'un noble feu.

Sa tête élevée et sublime

Rend sans cesse hommage à son Dieu.
Devant son imposant visage
Le tigre, affamé de carnage,
S'arrête saisi de respect;

Et les merveilles innombrables
N'ont point de beautés comparables
A son majestueux aspect.

Ainsi de tout ce qui respire
Ton ordre auguste l'a fait roi :
Tout est soumis à son empire,
Tout vit, tout se meut sous sa loi.
C'est pour lui que le bœuf docile
Sait rendre le désert fertile,
Et trace un pénible sillon :
Pour lui le torrent gronde et roule,
Et pour lui le doux ruisseau coule
En jonchant de fleurs le vallon.

Son esprit fait pour le connaître
Partage ton autorité :

Par toi l'homme gouverne en maître
Le séjour par l'homme habité,

Et les troupeaux chargés de laines
Qui peuplent les bois et les plaines,

Et les chantres brillants de l'air,
Et les poissons dont l'aile agile
Au sein de l'abîme immobile
Parcourt les sentiers de la mer.

O toi dont l'ineffable essence
Se révèle par la bonté :

Sagesse, amour, toute-puissance,
Unique et triple déité!

Qu'il est grand ton nom, qui des anges
Epuise les saintes louanges

Et d'amour sait les enivrer!

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