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Sa puissance s'étend où notre vie expire;
Eula croix, qui couronne un mystique sommeil,
Assure pour la foi les palmes du réveil.
Faibles mortels, ici tarissez vos alarmes ;
Chrétiens, n'y versez pas d'inépuisables larmes.
La mort est le moyen, et le terme, et le but;
C'est le grand complément de l'œuvre du salut!
Mme DE CÉRÉ- Barbé.

LE CIMETIERE DE VILLAGE.

(Trad. de l'anglais de Thomas Gray.)

Le son du couvre-feu retentit dans les airs:
La nuit vient. Les troupeaux quittent au loin la
[plaine,

Le laboureur pensif lentement les ramène :.
Bientôt les champs, les prés, les bois, seront déserts.
Je suis seul, contemplant cette nuit calme et sombre,
Ce voile de vapeurs par degrés s'élevant;
Pour tout bruit, l'escarbot qui bourdonne dans
[l'ombre,

Et quelques sons lointains que m'apporte le vent.
Cependant au sommet de ce donjon gothique,
Le hibou fait entendre un long gémissement;
Il semble m'accuser de moment en moment,
D'avoir troublé la paix de sa demeure antique.
C'est là, près de ces murs par le lierre vieillis,
Sous ces ormes, ces ifs au lugubre feuillage,
Dans ces sillons étroits, que les morts du village
D'un éternel repos dorment ensevelis.

Hélas! jamais les chants de l'hirondelle agile,
Le souffle du matin, le son des chalumeaux,
Ni le coq vigilant, trompette des hameaux,
Ne les réveilleront dans leur couche d'argile.
Une épouse attentive, au foyer pétillant,
Ne leur prépare plus un repas salutaire ;
Jamais sur leurs genoux leurs enfants, sautillant,
Ne se disputeront les caresses d'un père.
Que de fois leur cognée ébranla les forêts!
Que de fois leur charrue ouvrit un sol rebelle!
Hleureux quand ils guidaient à travers les guérets
Leur essieu gémissant sous la moisson nouvelle !
Laissons l'ambitieux n'attacher aucun prix
A ces rudes travaux, à ces mœurs pastorales;
Gardons-nous d'écouter avec un froid mépris
De ces bons villageois les modestes annales!
La pompe des blasons, l'opulence, l'orgueil,
La beauté même, hélas! tout passe, tout succombe,
Tout franchit sans retour l'inévitable seuil!...
Le sentier des grandeurs ne mène qu'à la tombe!...
Pardonnez, grands du monde ! un culte adulateur
Ne leur éleva point de riche mausolée ·
Pour eux, aux chants des morts, dans la nef ébran-
Ne se mêla jamais un langage imposteur!

[lée,

Mais un deuil fastueux, un marbre qui respire, Peuvent-ils animer d'arides ossements ?

Cet encens, ces honneurs que le vulgaire admire,
Réveillent-ils les morts au sein des monuments?
Quelque mortel peut-être ici vivait naguère,
Qui se fût de la gloire aplani les chemins;
Le monde eût vu peut-être, en ses habiles mains,
Le sceptre d'Alexandre ou la lyre d'Homère!
Mais un destin jaloux, à son œil pénétrant,
Déroba de Clio les sublimes annales;

La pauvreté, la faim, pour lui non moins fatales,
De son naissant génie ont glacé le torrent.
Ainsi, loin des mortels et toujours ignorée,
Brille plus d'une perle au sein des vastes mers;
Ainsi plus d'une fleur à l'orage livrée,
Passe, et sans être vue embaume les déserts.
Là peut-être repose un Hampden, dont l'audace
Eût sauvé son hameau d'une odieuse loi;
Un Milton ignoré des vierges du Parnasse,
Un Cromwell innocent du meurtre de son roi.
Contre les factieux tonner à la tribune,
Affronter leur fureur, dévoiler leurs forfaits;
D'un peuple gémissant soulager l'infortune,
Et lire son ouvrage en des yeux satisfaits:
Tel ne fut point leur sort. Pour eux, dès leur nais-
[sance,

Des crimes, des vertus le cours fut limité;
Leurs mains n'ont pas brisé l'autel de la clémence,
Et ravi par la force un sceptre ensanglanté.
Leur âme toujours pure ignora l'artifice,
La candeur respirait sur leurs fronts innocents;
Aux vanités du monde, aux idoles du vice,
Ils n'ont point des neuf sœurs prostitué l'encens.
Etrangers à la foule, aux clameurs de l'envie,
Ils ne formèrent point de vœux immodérés;
Sans éclat, sans remords, du vallon de la vie
Us suivirent en paix les sentiers ignorés.

Un simple monument élevé sur leurs restes,
De l'injure du temps a su les protéger;
Des emblèmes sans art, quelques rimes agrestes,
Implorent d'un soupir le tribut passager.

Une muse des champs, sur la pierre insensible,
De leurs ans, de leurs noms, grava le souvenir;
A l'entour quelque texte, emprunté de la Bible,
Nous commande l'espoir d'une vie à venir.
Hé! qui peut à l'oubli livrer avec courage
Des jours que le malheur n'a pu rendre odieux ?
Quel mortel à l'aspect du terrible passage,
Ne jette vers la vie un long regard d'adieux?
L'homme le plus à plaindre, à son heure dernière,
Aux yeux de son ami demande encor des pleurs;
Son âme a pris l'essor, et sa froide poussière
Semble se rauimer au cri de nos douleurs.
Pour moi, qui, dans ces vers, ai dit la simple his-
[toire
De ces hommes obscurs moissonnés par la mort,
Si, visitant ces lieux qu'habite leur mémoire,

Un jour le voyageur s'informe de mon sort;

Peut-être un vieux pasteur, d'une voix oppressée,
Lui dira : « Je l'ai vu souvent, au point du jour,
Sen allant à grands pas à travers la rosée,
Du soleil sur ces monts attendre le retour.

Tantót, sous ce vieux chêne, aux cimes fantasti-
[ques,
Vers le milieu du jour il cherchait le repos;
Tantôt, suivant du lac les bords mélancoliques,
Pensif il écoutait le murmure des flots.
Quelquefois, parcourant la forêt ténébreuse,
L'infortuné pleurait, souriait tour à tour;
E, confiant au vent sa plainte douloureuse,
Il semblait tourmenté d'un douloureux amour.
Cu jour sur la colline, à l'heure accoutumée
Il ne vint point goûter la fraîcheur du matin;
As retour du soleil dans la plaine embaumée,
Sous l'arbre qu'il aimait je l'attendis en vain.
Le jour suivant, je vis, le long du cimetière,
S'avancer un convoi chantant l'hymne des morts;
Au pied de ce mélèze on déposa son corps.
Lisez... son épitaphe est là... sur cette pierre. ›
ÉPITAPHE.

ki dort, affranchi des terrestres liens,
Celui qui des grandeurs dédaigna la folie;

ama la science; et la mélancolie

Le prenant au berceau, lui dit : Tu m'appartiens.

So cœur du malheureux partageait les alarmes,
Jamais de ses refus le pauvre n'a gémi;

Tout ce qu'il possédait il le donna: des larmes!
Tout ce qu'il désirait il f'obtint : un ami!

Laisse en paix ses vertus dans leur dernier refuge,
l'assant! vois ses erreurs sans haine, sans courroux :
Plein d'un timide espoir, loin d'un monde jaloux,
Ballend son arrêt, et Dieu seul est son juge.
J.-B.-A. SOUlié.

LE CIMETIÈRE DE CAMPAGNE.

On suis je! A mes regards un humble cimetière,
Offre de l'homme éteint la demeure dernière.
La cimetière aux champs! quel tableau! quel
[trésor.

La ne s'élèvent point l'airain, le marbre, l'or;
La ne se montrent point ces tombes fastueuses
Où dorment à grands frais les ombres orgueilleuses
De ces usurpateurs par la mort dévorés,
El, jusque dans la mort, du peuple séparés.
On y trouve, fermés par des remparts agrestes,
radiques pierres sans nom, quelques tombes mo-
[destes,

Le reste dans la poudre au hasard confondu.
Salut, cendre du pauvre ! ah! ce respect t'est dû.
Souvent ceux dont le marbre immense et solitaire
D'un vain poids après eux fatigue encor la terre,
Se firent que changer de mort dans le tombeau ;
Toi, chacun de tes jours fut un bienfait nouveau.
Courbé sur les sillons, de leurs trésors serviles

Ta sueur enrichit l'oisiveté des villes;

Et, quand Mars des combats fit retentir le cri,
Tu défendis l'Etat après l'avoir nourri.
Enfin chaque tombeau de cet enclos tranquille
Renferme un citoyen qui fut toujours utile.
Salut, cendre du pauvre! accepte tous mes pleurs.
Mais quelle autre pensée éveille mes douleurs?
Tel est donc de la mort l'inévitable empire,
Vertueux ou méchant, il faut que l'homme expire.
La foule des humains est un faible troupeau,
Qu'effroyable pasteur, le temps mène au tombeau.
Notre sol n'est formé que de poussière humaine :
Et, lorsque dans les champs l'automne nous
[promène,

Nos pieds inattentifs foulent à chaque pas
Un informe débris, monument du trépas.
Voilà de quels pensers les cercueils m'environnent.
Mais loin que mes esprits à leur aspect s'étonnent,
De l'immortalité je sens mieux le besoin,
Quand j'ai pour siége une urne et la mort pour

LA CITÉ DE DIEU.

[témoin. LEGOUVÉ.

Fleuve du siècle, dans ton onde Tu roulas trop longtemps l'erreur; Il faut qu'un nouveau Nil féconde Le champ délaissé du Seigneur. Cœur de l'homme, bois la rosée Que faisait descendre Elysée! Redoublons de zèle et d'effort; De notre barque fugitive Nous voyons déjà l'autre rive, Et nos amis sont dans le port. En vain sa lépre héréditaire Dévore l'homme chaque jour : Il tient au ciel sur cette terre Far la douleur et par l'amour. Rendre à Dieu celui qui le brave, Délier le mors de l'esclave, Charité, voilà ton pouvoir! L'homme ici-bas nage sous l'ombre ; Sans toi tout devient la nuit sombre; L'amour est l'oeil, aimer c'est voir! Que la charité nous embrase Dans notre exil infortuné; De l'œuvre qu'elle soit la base, Que le temple en soit couronné ! Elle ne connaît point d'obstacles, Elle vaut mieux que les miracles, C'est le grand nœud du genre humain C'est elle qui dans la vallée Conduit sur la route isolée Le bienfaisant Samaritain. Oui, sur cette terre d'épreuve Notre but d'amour est tracé : Magistrat, protége la veuve; Médecin, prends soin du blessé.

Prêtre, dis-nous comme l'apôtre :

Mes enfants, aimez-vous l'un l'autre. › Prélat enflé de ton vain nom, Sache que tu nous dois l'exemple Laisse la crosse d'or au temple,

Sois Cheverus, sois Fénelon.

Poête humain, roi de la lyrė,
Tu peux aussi faire bien:
Qu'aux autels ton âme soupire,

Rends l'homme bon, rends-le chrétien.
Parais devant lui comme un ange

Pour le retirer de la fange

Où le roulent ses vains désirs!
Comme la flèche qu'on envoie

Frapper dans l'air l'oiseau de proie,
Détache-le des faux plaisirs !
Relève la branche qui plie,

Mèle au breuvage un peu de miel;
Sur nos passions, comme Elie,
Fais descendre le feu du ciel!
Tel qu'Amos, pour parler au monde,
Sors de ta retraite profonde!

Ton sort est beau, chantre immortel!
Aux siècles que ta voix ranime
Tu légues ton âme sublime,
Ta tombe se change en autel!
Lié comme l'herbe à la terre,
Lève ta tige, homme éploré !
Le Seigneur voit notre misère,
Son peuple sera délivré!
A l'époux préparez la voie,
Vierges, versez l'huile de joie,

De vos fleurs jonchez le saint lieu !
Lévites, parez la victime,
Relevez-vous, murs de Solime,
Descends du ciel, cité de Dieu !

LA CLOCHE.

AIME DE LOY.

(Traduit de l'allemand de Schiller.) Compagnons, dans le sol s'est affermi le moule: La cloche enfin va naître aux regards de la foule, C'est aujourd'hui le jour appelé par nos vœux! Qu'une ardente sueur couvre vos bras nerveux : L'honneur couronnera la peine et le courage Des joyeux ouvriers, si Dieu bénit l'ouvrage.

Il parlera de nous, des sommets de la tour, Ce pieux monument que vont, avec mystère, Edifier nos mains dans le sein de la terre ; Vainqueur, il franchira les temps, et tour à tour Comptera des humains les races disparues; On verra dans le temple, à sa voix accourues, Des familles sans nombre humilier leur front; Aux pleurs de l'affligé ses plaintes s'uniront; Et ce que les destins, loin de l'âge où nous soinmes, Dans leur cours inégal apporteront aux hommes, S'en ira retentir contre les flancs mouvants Qui le propageront sur les ailes des vents.

La cloche annonce au jour, avec des chants [ joyeux,

'enfant dont le sommeil enveloppe les yeux. Qu'il repose !... Pour lui tristes ou fortunées Dans l'avenir aussi dorment les destinées; Mais sa mère, épiant un sourire adoré, Veille amoureusement sur son matin doré. Hélas! le temps s'envole et les ans sc succèdent. Déjà l'adolescent, que mille vœux possédent, Tressaille, et de ses sœurs quittant les chastes jeux, S'élance, impatient, vers un monde orageux. Pèlerin engagé dans ses trompeuses voies, Qu'il a connu bientôt le néant de scs joies!

Nous confions au sein de la terre profonde L'ouvrage de nos mains; dans son ombre féconde, Le prudent laboureur laisse tomber encor L'humble grain, en espoir riche et flottant trésor. Vêtus de deuil, bélas! nous venons à la terre, D'un germe plus sacré déposer le mystère, Plein de l'espoir qu'un jour, du cercueil redouté, Ce dépôt fleurira pour l'immortalité.

Des hauts sommets du dôme aux épaisses le[ nèbres, La cloche a des tombeaux tinté les chants funèbres: Ecoutez! ses concerts, d'un accent inhumain, Suivent un voyageur sur son dernier chemin. C'est la mère chérie, hélas! la tendre épouse Que vient du roi des morts l'avidité jalouse Séparer des enfants, de l'époux expirant. L'époux les reçut d'elle; et tous, l'un déjà grand, L'autre dans ses bras, l'autre encore à sa mamelle, Ils souriaient. Alors rien n'était beau comme elle! C'en est fait. Elle dort sous le triste gazon, Celle qui fut longtemps l'âme de la maison. Déjà manquent tes soins, ô douce ménagère ! Et demain, sans amour, va régner l'étrangère. Sous la forêt où glisse une pâle lumière, O voyageur, hâtez vos pas vers la chaumière : L'angelus des hameaux retentit dans les airs; Le filet allongé pend sur les flots déserts; L'agneau, devant les chiens, vers le bercail se [sauve;

Le troupeau des grands bœufs, au front large, au [poil fauve,

S'arrache, en mugissant, aux délices des prés;

Il s'avance, couvert de festons diaprés,
Le lourd char des moissons criant sous l'abondance,
Et les gais moissonneurs s'échappent vers la danse.
Cependant tous les bruits meurent dans la cité;
Près de l'ardent foyer par l'aïeul excité,
S'arrondit la famille, et quelque vieille histoire
Enchante, en l'effrayant, l'inimobile auditoire.
La porte des remparts se ferme pesamment;
Sous son aile l'oiseau courbe son front dormant.
La nuit, qui des méchants éveille le cortége,
Du citoyen que l'ordre et que la loi protége
N'épouvante jamais le sommeil innocent.

Que le choeur de la danse à pas joyeux s'approche!
Venez tous, et donnons le baptême à la cloche :
Cherchons-lui quelque nom propice et gracieux;
Qu'elle veille sur nous en s'approchant des cieux !
Balancée au-dessus de la verte campagne,
Que sa bruyante joie ou sa plainte accompagne
Les scènes de la vie en leurs jeux inconstants.
Qu'elle soit dans les airs comme une voix du temps!
Que le temps mesuré dans sa haute demeure,
De son aile, en fuyant, la touche heure par heure!
Aux voluptés du crime annonçant le remord,
Qu'elle enseigne aux humains qu'ils sont nés pour
[la mort,

E que tout ici bas s'évanouit et passe,
Comme sa voix qui roule et s'éteint dans l'espace!
Emile DESCHAMPS.

LA CLOCHE.

Noble voix de géants, voix de nos cathédrales, Soit que vous annonciez la vie ou bien les råles, La mort d'un peuple ou bien la naissance d'un roi; qu'au loin vous portiez l'allégresse ou l'effroi, Tos accents ont toujours un écho dans mon âme; C'est la flamme allumant en nous une autre flamme, Et quand je vous entends, je vois l'humanité Pas grande sous les yeux de la Divinité!

Chaste voix du rappel, admirable harmonie, Teat les siècles ont vu la richesse inlinie Sétendre du midi jusqu'au septentrion, Je comprends la splendeur de votre mission! A ce concert divin tout le monde a sa place! Les peuples y sont tous appelés, et la race La plus déshéritée, au jour marqué par Dieu, Aura, pour l'adorer, comme nous, un saint lieu. Alors s'élèvera de tous les points du monde, Du plus chétif ilot environné par l'onde, Des rustiques clochers perdus au fond des bois, Comme dans nos cités, une commune voix.

Entre l'homme et le ciel, messagère sublime, Qui chante pour le juste, et pleure sur le crime, Il n'est pas en nos cœurs une joie, un espoir Dont tu ne sois là-haut le fidèle miroir !

Chante, chante et gémis! Gémis sur la misère D'un peuple de proscrits, jusqu'au jour où la terre, A force de sanglots et de tressaillements Terra sécher ses pleurs et finir ses tourments.

En appelant l'Esprit sur le front des apôtres, Le Christ n'a pas voulu que pour toujours les nôtres Fussent par le malheur affaiblis et courbés. la dit: Relevez tous ceux qui sont tombés! Marchez et chaque jour de nouvelles conquétes l'our mon père et pour moi seront de douces fêtes. Au prix de votre sang rachetez les humains; L'univers est à vous, je le mets en vos mains. › li leur a dit: Allez ! que votre voix s'élève Aussi haut que le bruit des flots battant la grève! lis sont tous appelés, et tous vous comprendront; Car d'un signe divin j'ai marqué votre front,

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Avant de condamner dites-vous : C'est mon frère ! Rappelez-vous souvent notre femme adultère ! Soyez justes et bons: que chaque sentiment Trouve en vous uu écho plutôt qu'un jugement! ›

Ainsi dit le Seigneur, et la sainte parole, Illuminant les siens comme d'une auréole, Est arrivée à nous, après dix-huit cents ans, Pour nous inoculer ses germes bienfaisants. Elle a changé le monde; et la terre en enfance, Partout où vint tomber la divine semence, Dans ses langes étroits se sentant étouffer, A ce nouveau soleil voulut se réchauffer.

L'homme alors devint fort, car il crut; et la route Radieuse apparut à ses yeux que le doute Et le mensonge avaient si longtemps obscurcis. La lumière toucha nos cerveaux rétrécis, Et, les élargissant, y versa, comme un baume, La Foi, céleste fleur, dont l'enivrant arome, Adoucissant l'esprit des générations,

Doit d'un même lien unir les nations.

Depuis, montent au ciel d'universels cantiques!
Entre toutes ces voix, les voix des basiliques,
Exhalant nos espoirs et nos soupirs amers,
Savent parler plus haut que ne parlent les mers!
Pour les peuples nouveaux, ces accents sont encore
La parole du Christ; et la cloche sonore,
Quand elle jette aux vents ses lugubres accords,
Et qu'elle dit: Pleurez pour tous ceux qui sont
[morts;

Pleurez sur le méchant et sur ceux qu'il menace;
Priez quand l'enfant naît, et quand l'homme s'efface;
Ou bien quand mollement elle balance aux cieux
En rhythme cadencé ses carillons joyeux,
Et qu'elle dit: Aimez-vous tous les uns les autres,
Elle nous parle encor comme les douze apôtres !
Edouard GOURDON et le comte DE MÉLANO.

LA CLOCHE.

Doux instrument de la prière,
Aux sons lugubres ou joyeux,
Hôte de la flèche légère

Qui monte vers les cieux;
Cloche ! ta douce voix que j'aime
Circule et roule dans les airs;
Toi qui chantas pour mon baptême,
Poursuis tes saints concerts.
Verse à longs flots ton harmonie
Sur les cités et le hameau;
Pleure le juste à l'agonie,

Chante sur le berceau.
Prends part à nos trop courtes fêtes,
Comme à nos instants de douleur.
Résonne et fais lever nos têtes

Vers un monde meilleur.
Et que nos âmes suspendues
Tout près du ciel, ainsi que toi,
De toutes parts soient entendues

Chantant l'hymne de foi.
Que par les anges balancées,
Elles réveillent chaque jour
L'écho des sublimes pensées
Au terrestre séjour.

Puis, quand je quitterai la terre,
Appelle à suivre mon convoi

Tous ceux dont l'amitié m'est chère,

Pour qu'ils pensent à moi;
Et lorsque la mort trop active
Pour d'autres te fera gémir,
Que ta voix lugubre et plaintive
Me vaille un souvenir.
Doux instrument de la prière,
Aux sons lugubres ou joyeux,
Hôte de la flèche légère

Qui monte vers les cieux;
Cloche! ta douce voix que j'aime,
Circule et roule dans les airs;

Toi qui chantas pour mon baptême,
Poursuis tes saints concerts

Claudius dEBRARD.

COELI ENARRANT GLORIAM DEI.

(Traduction du psaume xv.)

Ce psaume a deux sens : l'un applicable aux ouvrages visibles du Créateur; l'autre relatif à la prédication des apôtres et à la loi évangélique.

Les cieux racontent la puissance
Et la gloire de leur auteur:
D'innombrables soleils rayonnants de splendeur,
Des œuvres de ses mains proclament l'excellence;
Le jour les dit au jour, et la nuit à la nuit;
De la terre et des mers la voix nous en instruit.

Ce n'est point un hymne frivole,
Un langage en vain répandu;
Ce que révèle leur parole

Du monde entier est entendu.
Semblable aux éclats du tonnerre,
D'un bout à l'autre de la terre,
Leur concert sublime et divin,
Interprète de la nature,
Annonce à chaque créature
Son auteur et son souverain.

Chef-d'œuvre de ce Dieu suprême,

Et son tabernacle immortel,

Le soleil apparaît sur les hauteurs du ciel;

répand les rayons dont Dieu l'orna lui-même; Il semble un jeune époux ceint du bandeau royal, Qui dès l'aube du jour sort du lit nuptial.

Le front couronné de lumière,
Dans tout l'éclat de sa splendeur,
Il ouvre, il parcourt sa carrière
Comme un magnifique vainqueur.
Sa course, en prodiges féconde,
Ranimant l'air, la terre et l'onde,

Du monde entier décrit le tour;
Du couchant jusques à l'aurore,
De l'aurore au couchant encore,
Sans cesse il dispense le jour.

Telle est, ô mon Dieu, ta loi sainte,
Et ses attrayantes douceurs;

Elle éclaire nos pas, rassérène nos cœurs,

Y verse avec l'espoir ton amour et ta crainte, De l'enfant au berceau te consacre les vœux, Et du vieillard mourant tourne vers toi les yeux. Ah! combien ta loi salutaire Est plus désirable que l'or! Du cœur qui l'aime et la révère, Elle est le plus riche trésor : L'or et les pierres précieuses Pour lui sont moins délicieuses Que la parole du Seigneur. A l'observer sans cesse il veille, Et le miel de la jeune abeille N'en peut égaler la douceur. En vain de l'humaine sagesse L'on vaate les dons accomplis, Elle ne peut des cœurs sonder tous les replis; Ta loi seule, ô mon Dieu, révèle leur faiblesse; Elle seule en tes bras ramène les pécheurs, Et verse dans leur sein tes dons consolateurs. Oui, si je demeure sans tache, Si, toujours fidèle et pieux, A ta loi sainte je m'attache; Si toi seul reçois tous mes vœux; Marchant sans cesse en la présence, Je glorifierai ta clémence Qui rendit mes jours innocents; Ma voix publiera ta sagesse, Et mon cœur ravi d'allégresse T'offrira son plus pur encens.

SAPINAUD DE BoisHuguet.

COELO

QUOS EADEM GLORIA CONSECRAT.

(Hymne de la Toussaint, par Santeul.)

O vous que dans le ciel même gloire rassemble,
Même jour ici-bas vous glorifie ensemble;
Entendez nos hymnes joyeux:
Ecoutez! nous chantons pleins de votre mémoire
L'immortelle couronne et la palme de gloire
Qui ceint vos fronts victorieux.
Heureux ! le pur amour et la vérité pure
Sont vos seuls aliments: plus d'autre nourriture
Durant l'éternité des jours;

Le saint bonheur à flots dans votre âme s'épanche,
Enivrée, altérée, à ses eaux elle étanche

La soif qui la brûle toujours.

Cependant votre Roi parmi tant de miracles,
Habitant avec soi dans les hauts tabernacles,

Contemple sa propre splendeur;
Prodigue de lui-même, au dehors il rayonne,

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