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Par lui seul tout s'élève et tout est renversé.
Le courage, la peur, la force, la faiblesse,
Et l'esprit de vertige et l'auguste sagesse
Sont des présents de Dieu propice ou courroucé.
Famille d'Israël, quels vices t'ont souillée?
De ta vertu première aujourd'hui dépouillée,
Ton sein ne produit plus que des crimes honteux.
Telle au bord des marais de l'infâme Gomorrhe,
La terre que le soufre empoisonne et dévore
Nenfante que des fruits amers et vénéneux.
Ton Monarque éternel ne cherche qu'à l'absoudre;
I t'aime; ta douleur peut éteindre sa foudre;
Pleure, gémis, les temps se pressent d'arriver.
Mais le terme est venu des vengeances célestes;
Le Seigneur, attendri, rassemble enfin les restes
De ce peuple expirant qu'il veut encor sauver.

Me voici, vous dit-il, j'ai pitié de vos crimes.
Da sont ces dieux nourris du sang de vos victimes,
Ces dieux que vous couvrez d'un nuage d'encens?
Autour de vos remparts les torches étincellent,
Sous les coups redoublés vos derniers murs chan-

[cellent;

Que font sur vos autels ces bustes impuissants?
Je viens vous soulager du poids de vos misères;
Reconnaissez la voix du Pasteur de vos pères,
Rentrez dans le bercail, troupeau que je chéris;
Rentrez déjà la mort de meurtres assouvie
Tout jaillir sous sa faux les sources de la vie :
Fote et je rends le jour; je frappe et je guéris.
Je suis le Dieu vivant; j'ai juré par moi-même;
Les barbares tyrans du seul peuple que j'aiu.e
Sont jugés à leur tour et vont subir leur sort.
C'en est fait, ma fureur au comble est parvenue;
Plus brillant que l'éclair qui partage la nue,
Mon glaive est dans la main des anges de la mort.
Ils frappent, et tout meurt. Que de cris, que de
[larmes !

Mes ennemis troublés jettent au loin leurs armes,
Achevons, vengeons-nous, c'est trop les ménager;
Je verrai leurs débris couvrir la terre entière,
Lears têtes à Dies pieds rouler dans la poussière,
El dans des flots de sang leurs cadavres nager. ›
Tremblez, prosternez-vous, nations étrangères;
Et vous, chefs d'Israël, conducteurs de vos frères,
Aa Dieu qui vous défend restez toujours unis:
Juste dispensateur des biens et des disgrâces,
Fidele en ses traités, fidèle en ses menaces,
I venge ses enfants, quand il les a punis.
LE FRANC DE POMPIGNAN.

CANTIQUE DES TROIS JEUNES HOMMES, ANANIAS, MISAEL ET AZARIAS, JETÉS DANS UNE FOURNAISE PAR L'ORDRE DE NABUCHODONOSOR, ET PRÉ>ERVÉS DES FLAMMES PAR L'ANGE DU SEIGNEUR. (Daniel, chap. 1, vers. 57 et suiv.) Ouvrages du Très-Haut, effets de sa parole, Rénissez le Seigneur ;

Et, jusqu'au bout des temps, de l'un à l'autre pôle,
Exaltez sa grandeur.

Anges qui le voyez dans sa splendeur entière,
Bénissez le Seigneur;

Cieux qu'il a peints d'azur et revêt de lumière,
Exaltez sa grandeur.

Eaux sur le firmament par sa main suspendues,
Bénissez le Seigneur;

Vertus, par sa clémence en tous lieux répandues,
Exaltez sa grandeur.

Soleil qui fais le.jour, lune qui perces l'ombre,
Bénissez le Seigneur;

Etoiles dont mortel n'a jamais su le nombre,
Exaltez sa grandeur.

Féconds épanchements de pluie et de rosée,
Bénissez le Seigneur;

Vents à qui la nature est sans cesse exposée,
Exaltez sa grandeur.

Feux dont la douce ardeur ouvre et pare la terre,
Bénissez le Seigneur;

Froids dont l'âpre rigueur la ravage et resserre,
Exaltez sa grandeur.

Admirables trésors de neiges et de glaces,
Bénissez le Seigneur;

Jour qui fais la couleur, et toi nuit qui l'effaces,
Exaltez sa grandeur.

Ténèbres et clarté, leurs éternels partages (1),
Bénissez le Seigneur;

Armes de la colère, éclairs, foudres, orages,
Exaltez sa grandeur.

Terre que son pouvoir enrichit ou désole,
Bénissez le Seigneur;

Et jusqu'au bout des temps, de l'un à l'autre pôle,
Exaltez sa grandeur.

Monts sourcilleux et fiers, agréables collines,
Bénissez le Seigneur;

Doux présents de la terre, herbes, fruits et racines,
Exaltez sa grandeur.

Délicieux ruisseaux, inépuisables sources,
Bénissez le Seigneur;

Fleuves et vastes mers qui terminez leurs courses,
Exaltez sa grandeur.

Poissons qui sillonnez la campagne liquide,
Bénissez le Seigneur;

Hôtes ailés des airs, qui découpez leur vide,
Exaltez sa grandeur.

Animaux que son ordre a mis sous notre empire,
Bénissez le Seigneur ;

Hommes, qu'il a faits rois de tout ce qui respire,
Exaltez sa grandeur.

Israël, qu'il choisit pour unique héritage,
Bénissez le Seigneur;

Et d'un climat à l'autre, ainsi que d'âge en âge,
Exaltez sa grandeur.

(1) Eternels partages, attributs, propriétés du jour et de la nuit.

Prêtres, de ses bienfaits sacrés dépositaires,
Bénissez le Seigneur ;

Partout prêchez sa loi, célébrez ses mystères,
Exaltez sa grandeur.

Ames justes, esprits en qui la grâce abonde,
Bénissez le Seigneur;

Humbles qu'un saint orgueil fait dédaigner le monde,
Exaltez sa grandeur.

Bénissons tous le Père, et le Fils ineffable,

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CANTIQUE DES ENFANTS A MARIE.

L'orage dans le lointain gronde,

Et la tempête ouvre une aile de seu;
De sinistres rumeurs et des cris contre Dieu,
Tels qu'un bruit souterrain hurlent au fond du
[monde.

Hélas! nos jeunes cœurs en sont glacés d'effroi ;
Que deviendrions-nous, douce Vierge, sans toi?
Quand l'aigle, à la cruelle serre,
Dardant sur eux ses avides regards,
Vient fondre tout à coup sur les poussins épars,
Pauvre tendre famille, ils courent à leur mère;
Quand le monde nous veut entraîner sous sa loi,
Que deviendrions-nous, douce Vierge, sans toi?

Epris d'une folle sagesse,

Aux vils plaisirs abandonnant ses jours, Nous entendrons l'impie, en ses affreux discours, Appeler Dieu mensonge et la vertu faiblesse; Alors qu'il essaiera d'ébranler notre foi, Que deviendrions-nous, douce Vierge, sans toi? Dans cette vie où tout se fane,

La paix de l'âme aussi bien que la fleur, Où les nobles pensers qui germent dans le cœur, Sout flétris, en naissant, par un souffle profane; Où sur les fronts mortels le dégoût siége en roi, Que deviendrions-nous, douce Vierge, sans toi? Reçois donc tes enfants, Marie;

:

De ces dangers qui menacent leurs pas, Sauve les tout espoir est pour eux dans tes bras; Tes bras, tes bras chéris, c'est là notre patrie; Car, si toujours périt qui n'a d'appui que soi, Que deviendrions-nous, douce Vierge, sans toi? L'abbé Achille DUPUY.

CANTIQUE DE SIMEON.

Nunc dimitttis servum tuum, Domine. (Luc., 11, 29.)
Tu remplis enfin la promesse,
Seigneur, tu me donnes la paix.
Je termine avec allégresse

Les derniers jours d'une vieillesse

Que tu combles de tes bienfaits.
Quel spectacle! quel nouvel âge
Nous est préparé par tes mains!
Je tiens dans mes bras, j'envisage
L'auguste Enfant qui nous présage
La délivrance des humains.

Oui, de la sagesse profonde
J'ai reçu le gage éternel;
Et j'ai vu la clarté féconde
Qui luit pour le salut du monde,
Et pour la gloire d'Israël.

LE FRANC DE POMPIGNAN.

Seigneur, fais maintenant venir l'heure dernière, Et la paix de ton serviteur!

Mes yeux n'ont plus besoin d'un reste de lumière;
Ils ont vu le libérateur,

Le salut préparé par ta grâce féconde
Pour unir la terre et le ciel,

Et pour être l'oracle et le flambeau du monde,
Comme la gloire d'Israël.

Alexandre GUILLEMIN.

CANTIQUE D'HABACUC.

Prédiction de la désolation de la Judée par Nabucho donosor, et de la captivité du peuple Juif; de la prise de Babylone par Cyrus, et de la délivrance de ce même peuple, figure de la rédemption du monde par JésusChrist.

Je t'entends, ô voix formidable;
Voix de mon Dieu, j'écoute en frémissant;
Tu me prédis la chute déplorable
D'un peuple qu'on a vu jadis si florissant;
Grand Dieu! Sion, ton héritage,
Enfin deviendra le partage

De ceux à qui ton nom ne fut jamais connu :
Le malheureux Jacob n'est plus dans ta mémoire.
Ah! Seigneur, qu'est donc devenu
Ton amour tant vanté dont il tirait sa gloire?
Esclave infortuné, le voici dans les fers,

Parmi les douleurs, les alarmes,
Objet de mépris et de larmes,
En spectacle à tout l'univers.
Pour punir ses forfaits par un arrêt sévère,
Veux-tu l'abandonner à toute la colère?
Ne te souvient-il plus que tu vins autrefois
De Pharan habiter sur la montagne sainte,
D'où ton peuple tremblant de respect et de crainte,
Recevait tes augustes lois?

Là, les chérubins et les anges, Brillant au milieu des éclairs, Faisaient retentir dans les airs Le cantique de tes louanges: Dans ce magnifique appareil Dont l'éclat effaçait la splendeur du soleil, Tu vins, armé de la puissance;

Et du sommet de ces superbes monts Tu fis exécuteurs de ta juste vengeance, La mort, les enfers, les démons.

Les peuples orgueilleux qui te firent la guerre (1),
Qu'on vit sur nous fondre de toutes parts,
D'un seul de tes brûlants regards
Furent enlevés de la terre.
Les âpres rochers, les coteaux,

Ea formant des chemins nouveaux,
Devinrent des routes aisées;

Tat ploya sous ton bras, à ta voix tout frémit;
Les collines furent brisées,

E le marais bourbeux sous tes pas s'affermit.
Alors, tes fureurs allumées,

Frest à Madian sentir tous leurs efforts :

champs furent couverts de mourants et de morts,

Jusques aux plaines Idumées;
Seigneur, cet absolu pouvoir
Qu'à ces barbares tu fis voir,

Fs qu'il soit en ce jour encor notre défense :
Sur les superbes nations,

@bravent ton courroux avec tant d'arrogance,
Répands tes indignations.

asje te vois terrible, et ta colère éclate. Des épaisses forêts les pins sont arrachés :

L'orgueilleux et rapide Euphrate

As plus creux de son lit voit les sablons séchés.
Les sommets escarpés des plus hautes montagnes
S'égalent aux rases campagnes :

Les célestes flambeaux d'un voile épais couverts,
Sarrêtent au milieu de leur vaste carrière;
Et les traits enflammés répandent dans les airs
Une foudroyante lumière.

La terre, par ses tremblements,
Fait sortir des enfers les flammes agitées;
3.ns leurs gouffres profonds les eaux précipitées.
Redoublent leurs mugissements.
Cependant, garanti de ce mortel orage,
Notre libérateur nous tire d'esclavage (2);
Il rompt nos fers, comme tu l'a promis :
Eabylone devient sa première conquête;
E, superbe vainqueur, il écrase la tète
Du plus fier de nos ennemis (5).
Mile CHERON.

CAPTIVITÉ DE BABYLONE.

Super flumina Babylonis, etc.
Captifs chez un peuple inhumain,
Aus arrosions de pleurs les rives étrangères,

Et le souvenir du Jourdain,

A l'aspect de l'Euphrate, augmentait nos misères.
Aux arbres qui couvraient les eaux
Nes lyres tristement demeuraient suspendues,
Tandis que nos maîtres nouveaux
Fatiquaient de leurs cris nos tribus éperdues.

Chantez, nous disaient ces tyrans,
Les hymnes préparés pour vos fêtes publiques;

Chantez, et que vos conquérants

Mairent de Sion les sublimes cantiques.

Les peuples qui habitaient la Terre Promise farrivée des Israélites.

Ah! dans ces climats odieux

Arbitre des humains, peut-on chanter ta gloire ! Peut-on, dans ces funestes lieux,

Des beaux jours de Sion célébrer la mémoire! De nos aïeux sacré berceau,

Sainte Jérusalem, si jamais je t'oublie,

Si tu n'es pas jusqu'au tombeau L'objet de mes désirs et l'espoir de ma vie : Rebelle aux efforts de mes doigts,

Que ma lyre se taise entre mes mains glacées! Et que l'organe de ma voix

Ne prête plus de sons à mes tristes pensées!

Rappelle-toi ce jour affreux, Seigneur, où d'Esau la race criminelle

Contre ses frères malheureux

Animait du vainqueur la vengeance cruelle.

Egorgez ces peuples épars,

Consommez, criaient-ils, les vengeances divines;
Brûlez, abattez ces remparts,

Et de leurs fondements dispersez les ruines.
Malheur à tes peuples pervers,

Reine des nations, fille de Babylone;

La foudre gronde dans les airs,

[trône.

Le Seigneur n'est pas loin, tremble, descends du Puissent tes palais embrasés

Eclairer de tes rois les tristes funérailles !

Et que, sur la pierre écrasés,
Tes enfants de leur sang arrosent les murailles!
LE FRANC DE POMPIGNAN.

Assis sur les bords de l'Euphrate,

Un tendre souvenir redoublait nos douleurs; Nous pensions à Sion, dans cette terre ingrate, Et nos yeux, malgré nous, laissaient couler des [pleurs.

Nous suspendimes nos cythares

Aux saules qui bordaient ces rivages déserts;
Et les cris importuns de nos vainqueurs barbares
A nos tribus en deuil demandaient des concerts.
Chantez, disaient-ils, vos cantiques;
Répétez-nous ces airs si vantés autrefois,
Ces beaux airs que Sion, sous de vastes portiques,
Dans les jours de sa gloire admira tant de fois.
Comment, au sein de l'esclavage,
Pourrions-nous de Sion faire entendre les chants?
Comment redirions-nous, dans un climat sauvage,
Du temple du Seigneur les cantiques touchants?
O cité sainte, ô ma patrie!
Chère Jérusalem, dont je suis exilé,
Si ton image échappe à mon âme attendrie,
Si jamais loin de toi mon cœur est consolé;

Que ma main, tout à coup séchée,
Ne puisse plus vers toi s'étendre désormais!
A mon palais glacé que ma langue attachée
Dans mes plus doux transports ne te nomme jamais!

(2) Cyrus. (5) Balthazar.

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Souviens-toi de ce jour d'alarmes, Seigneur, où par leur joie et leurs cris triomphants, Les cruels fils d'Edom, insultant à nos larmes, S'applaudissaient des maux de tes tristes enfants.

Détruisez, détruisez leur race,

Criaient-ils aux vainqueurs de carnage fumants; De leurs remparts brisés ne laissez point de trace, Anéantissez-en jusques aux fondements.

Ah! malheureuse Babylone,

Qui nous vois sans pitié traîner d'indignes fers, Heureux qui, t'accablant des débris de ton trône, Te rendra les tourments que nous avons soufferts! Objet des vengeances célestes,

Que tes mères en sang, sous leurs toits embrasés,
Expirent de douleur en embrassant les restes

De leurs tendres enfants sur la pierre écrasés!
MALFILATRE,

LA CAPTIVITÉ DE SAINT MALC,
Poëme historique de La Fontaine (1).
(Extraits, avec observations et notes du R. P.
Cahour.)

Déjà célèbre depuis quinze ans lorsqu'il entreprit ce poëme historique et religieux, La Fontaine semblait n'avoir que deux cordes à sa lyre, l'une innocente, mais profane, pour faire parler les bêtes et pour pleurer les disgrâces d'un ami; l'autre criiminelle et voluptueuse, pour chanter le vice et mêler d'impures harmonies aux chœurs de Bocace, d'Arioste et de Rabelais; et voilà qu'il en trouve subitement une troisième pour invoquer la Reine des esprits purs et Soutenir les cantiques des vierges du désert. Vous diriez, en lisant cette douce et pieuse inspiration, qu'il s'est enivré à deux sources dont l'alliance est malheureusement trop rare, à celle où saint François de Sales avait bu tant de suavité, et à celle d'où devait sortir, douze ans plus tard, le charmant conte imité d'Ovide, Philémon et Baucis.

Reine des esprits purs, Vierge, enfin je l'im[plore (2):

Fais que dans nies chansons aujourd'hui je t'ho[nore;

Bannis-en ces vains traits, criminelles douceurs,
Que j'allais mendier jadis chez les neuf sœurs.
Dans ce nouveau travail mon but est de te plaire.
Je chante d'un héros la vertu solitaire,
Ces déserts, ces forêts, ces antres écartés,
Des favoris du ciel autrefois habités :
Les lions et les saints ont eu même demeure.
Là Malc priait, jeûnait, soupirait à toute heure,

(1) Saint Malc, moine de Syrie, est mentionné dans le martyrologe romain, au vingt et unième jour d'octobre. Saint Jérôme, qui l'avait connu, a écrit sa vie vers 392 (Oper., t. IV. p. 2); et c'est dans les pages de ce Père de l'Eglise que La Fontaine a pris l'idée de son poëme.

(2) La Fontaine, alors àgé de cinquante-deux ans, n'avait, en effet, invoqué jusque-là que les

Conservait avec soin le trésor précieux

Que nous tenons de l'eau dont la source est aux [cieux.

Rien de plus simple que ce petit poëme composé de cinq cent quarante-huit vers. Un jeune moine de Syrie, habitant d'une solitude entre Imma et Béroé, qui est aujourd'hui la ville d'Alep, apprend la mort de ses parents, songe à recueillir leur héritage et médite son retour au siècle.

Funeste appåt de l'or, moteur de nos desseins, Que ne peux-tu sur nous, si tu plais même aux [saints?

Il veut fonder un cloître et destine le reste
A vivre sans éclat, toujours simple et modeste.

Le sage directeur auquel il découvre son projet, cherche en vain à le dissuader. Mon fils, dit le vieillard, il faut qu'avec franchise Je vous ouvre mon cœur touchant votre entreprise. Où vous exposez-vous, et qu'allez-vous tenter? En de nouveaux périls pourquoi vous rejeter? De triompher toujours seriez-vous bien capable? Ah! si vous le croyez, l'orgueil vous rend coupa

[ble;

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Il se joint à une caravane qui allait de Béroé & Edesse sa patrie; et le voilà che minant à travers les déserts et les sables.

Peu de jeunesse entre eux, force vieillards craintifs,
Femmes, famille, enfants aux cœurs déjà captifs.
Ils traversaient la plaine aux zéphirs inconnue.
Un gros de Sarrasins vient s'offrir à leur vue:
Milice du démon, gens hideux et hagards,
Engeance qui portait la mort dans ses regards.
La cohorte du saint est d'abord dispersée:
Equipages, trésors, jeune épouse est laissée.
Telle fuit la colombe, oubliant ses amours,
A l'aspect du milan qui menace ses jours.

muses d'Esope et d'Anacréon. A cette époque de sa vie il tourna quelquefois ses regards vers le ciel et demanda des inspirations à la harpe du Roi-Prophète. En 1671, il inséra une paraphrase du psaume xvi dans un Recueil de poésies chrétiennes. En 1694, infirme et converti, il- traduisit le Dies ira, et fit des Stances sur la soumission que l'on doit à Dieu.

Les pères chargés d'ans, laissant leurs tendres
Lgages (1),
Fuyaient leur propre mort en ces funestes plages;
Et pour deux jours de vie abandonnaient un bien
Prés de qui vivre un siècle aux vrais pères n'est
[rien...

Tae dame encor jeune et sage en sa conduite,
Aux yeux de son époux dans les fers fut réduite.
Le mari se sauva, regrettant sa moitié;

La femme alla servir un maître sans pitié ;
Au chef de ces brigands elle échut en partage.
Cet homme possédait un fertile héritage:

El de plusieurs troupeaux, dans l'ardente saison,
Vendait à ses voisins le croit et la toison (2).
Notre héros suivit la dame en servitude.

Ce fut lors, mais trop tard, que pour sa solitude,
Par son cher directeur et ses sages avis
I reprit des transports de pleurs en vain suivis.
Forêts, s'écriait-il, retraite du silence,
Lieux dont j'ai combattu la douce violence,
Angéliques cités d'où je me suis banni,

Je vous ai méprisés, déserts, j'en suis puni.
Ne vous verrai-je plus? Quoi! songe, tu t'envoles!
0 Male! tu vois le fruit de tes desseins frivoles !...
Ramené par le malheur à de plus saintes
idées, et plein du souvenir de son ancien
désert, Male vit dans les champs en gardant
es troupeaux comme il avait vécu dans la
solitude de Béroé, au milieu de ses frères :
médite, il prie, il fuit les hommes et
èrue la compagne de sa captivité. De son
côté, la pieuse bergère ne s'occupe que de
ses brebis et du ciel, qui bénit ses soins et
qui console ses ennuis. Leur maître, con-
tent d'eux et craignant qu'ils ne lui échap-
pent par la fuite, veut se les attacher da-
vantage en joignant aux chaînes de l'escla-
vage les nœuds de l'hyménée. Mais le jeune
tomme voulait demeurer vierge, et sa
compagne était déjà mariée; ils refusent
une union criminelle, impossible. L'Arabe
les menace; et Malc, dans un moment de
désespoir et d'illusion, croit pouvoir échap-
fer au crime qu'on lui propose, en se
donnant la mort. Déjà le fer brille, et la ber-
gère s'épouvante :

Que vois-je! cria-t-elle. O ciel ! qu'allez vous faire? Votre corps est à Dieu : ses mains l'ont façonné; Le droit d'en disposer ne vous est pas donné.

(1) Leurs tendres enfants: c'est le dulcia pignora des poetes latins.

2) Les agneaux. Le croit d'un troupeau, crestentia, est son augmentation par la naissance des pyts.

(5) C'est dans le récit de saint Jérôme que La Fontaine a trouvé ce charmant tableau. Malc, après avoir raconté ses ennuis, ajoute: Sic quoque Cogitante me, aspicio formicarum gregem angusto Calle fervere. Videres onera majora quam corpora. Aliæ herbarum quædam semina forcipe oris trahebant: aliæ egerebant humum de toveis, et aquarum meatus aggeribus excludebant. lllæ, venturæ biemis memores, ne madefacta humus in herbam borrea verteret, illata semina præcidebant; hæc,

Quelle imprudence à vous de finir votre course Par le seul des péchés qui n'a pas de ressource ! Toute faute s'expie: on peut pleurer encor; Mais on ne peut plus rien s'étant donné la mort. Vivez donc, et tâchons de tromper ces barbares.

Dissimulez pourtant, feignez, comportez-vous
Comme frère en secret, en public comme époux.
Ainsi vécut toujours mon mari véritable;
Et si la qualité de vierge est souhaitable,
Je le suis, j'en fis vœu toute petite encor.
Malgré les lois d'hymen j'ai gardé ce trésor.

Ils feignirent donc, et leur semblant d'hyménée les sauva.

Chacun crut qu'ils s'aimaient d'un amour conjugal;
Aucun plaisir au leur ne semblait être égal.

On se les proposait tous les jours pour exemple;
Et lorsque deux époux étaient conduits au temple,
Que le ciel, disait-on, afin de vous combler,
Fasse à l'hymen de Malc le vôtre ressembler !
Le saint couple à la fin se lassa du mensonge.
En de nouveaux ennuis l'un et l'autre se plonge :
Toute feinte est sujet de scrupule à des saints.

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Malc aux regrets du cloître un jour donnait des [pleurs :

Les larmes qu'il versait faisaient courber les fleurs.
Il vit auprès d'un tronc des légions nombreuses
De fourmis qui sortaient de leurs cavernes creuses.
L'une poussait un faix; l'autre prêtait son dos;
L'amour du bien public empêchait le repos,
Les chefs encourageaient chacun par leur exemple.
Un du peuple étant mort, notre saint le contemple
En forme de convoi soigneusement porté,
Hors les toits fourmillants de l'avare cité.
Vous m'enseignez, dit-il, le chemin qu'il faut sui-

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luctu celebri, corpora defuncta deportabant. Quodque magis mirum est in tanto agmine, egrediens non obstabat intranti; quin potius, si quam vidissent sub fasce et onere concidisse, suppositis humeris adjuvabant. Quid multa? Pulchrum mihi spectaculum dies illa præbuit. Unde recordatus Salomonis ad formicarum solertiam nos mittentis et pigras mentes tali exemplo suscitantis, cœpitædere captivitatis et monasterii cellulas quærere, ac formicarum illarum desiderare similitudinem, ubi laboratur in medium, cumque nihil cujusquam proprium sit, omnium omnia sunt. › (T. IV, p. 2, p. 93.) Il faut bien en convenir, la prose du narrateur latin n'est pas moins poetique que les vers de son traducteur.

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