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Mais qu'opposera-t-il à ce nouvel orage?
Sans changer son destin l'astre du jour a lui;
De farouches regards errent autour de lui.
Inutiles fureurs pour son âme intrépide!

La mort, l'affreuse mort n'a rien qui l'intimide :
Mais avoir vainement affronté tant de maux,

Mais mourir près d'atteindre à des mondes nouveaux,!
Ce grand espoir trompé, tant de gloire perdue,
Plus que tous les poignards, voilà ce qui le tue,
Sur ce cœur que déjà déchire le regret

Le fer enfin se lève, et le trépas est prêt :
Flas d'espoir. Tout à coup de la rive indienne
Un air propice apporte une odorante haleine;
Il sent, il reconnaît le doux esprit des fleurs :
Tout son cœur s'abandonne à ces gages flatteurs;
Un souffle heureux se joint à cet heureux présage.
Alors, avec l'espoir reprenant son courage:
Malheureux compagnons de mon malheureux sori,
Vous savez si Colomb peut redouter la mort;
Mais si, toujours fidèle au destin qui m'anime,
Votre chef seconda votre âme magnanime;

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Si pour ce grand projet je bravai, comme vous,
Et l'horreur de la faim, et les flots en courroux;
Encor quelques moments (je ne sais quel présage
A cette âme inspirée annonce le rivage),
Si ce monde où je cours fuit encor devant nous,
Demain, tranchez mes jours, tout mon sang est à vous.?!
A ce noble discours, à sa mâle assuranee,
A cet air inspiré qui leur rend l'espérance,
En vieux respect s'éveille au cœur des matelots;
I's ont cru voir le Dieu qui maîtrise les flots:
Sendain, comme à sa voix les tempêtes s'apaisent,
Aux accents de Colomb les passions se taisent;
On obéit, on part, on vole sur les mers;

La proue en longs sillons blanchit les flots amers.
Enfin, des derniers feux quand l'Olympe se dore
Et brise ses rayons dans les mers qu'il colore,
Le rivage, de loin, semble poindre à leurs yeux.
Soudain tout retentit de mille cris joyeux.
Les coteaux par degrés sortent du noir abîme,
De moment en moment les bois lèvent leur cime.
El de l'air embaumé, que leur porte un vent frais,
Le parfum consolant les frappe de plus près.
On redouble d'efforts, on aborde, ou arrive:
Des prophétiques fleurs qui parfument la rive
Toas couronnent leur chef: et leurs festons chéris,
Presage de succès, en deviennent le prix.

AMIS DU CIEL.

DELILLE.

Le ciel a ses amis qu'il sauve du naufrage :
Nous les reconnaissons à cette douce paix
Que celle de leur âme étale sur leurs traits; '
A ce front qui d'abord annonce la présence
El la sérénité de l'heureuse innocence.

Ils sont l'honneur de l'homme, on peut à leurs discours,
Sans craindre un repentir, se confier toujours.
L'aimable vérité sur leurs lèvres assise

En bannit l'art qui trompe, et même qui déguise.
Il n'est point dans leurs cœurs de replis tortueux.
Hélas! nous naissons tous pour être vertueux :

Le chemin aplani sans cesse nous rappelle.

Hé! pourquoi s'égarer quand la route est si belle! Louis RACINE.

L'AMITIE.

Pour les cœurs corrompus l'amitié n'est point faite. O divine amitié, félicité parfaite,

Seul mouvement de l'âme où l'excès soit permis, Change en bien tous les maux où lẹ Ciel m'a soumis ! Compagne de mes pas, dans toutes mes demeures, Dans toutes les saisons, et dans toutes les heures, Sans toi, tout homme est seul; il peut, par ton appui, Multiplier son être, et vivre dans autrui.

Idole d'un cœur juste, et passion du sage,'

Amitié! que ton nom couronne cet ouvrage;

Qu'il préside à mes vers comme il règne en mon cœur; Tu m'appris à connaître, à chanter le bonheur. VOLTAIRE.

L'AMITIE.

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Noble et tendre amitié, je te chanté en mes vers: Du poids de tant de maux semés dans l'univers, Par tes soins consolants, c'est toi qui nous soulages. Trésor de tous les lieux, bonheur de tous les âges, Le ciel te fit pour l'homme, et tes charmes touchants Sont nos derniers plaisirs, sont nos premiers penchants. Qui de nous, lorsque l'âme encor naïve et pure Commence à s'émouvoir, et s'ouvre à la nature, N'a pas senti d'abord, par un instinct heureux, Le besoin enchanteur, ce besoin d'être deux, De dire à son ami ses plaisirs et ses peines?

D'un zéphyr indulgent si les douces haleines Ont conduit mon vaisseau sur des bords enchantés, Sur ce théâtre heureux de mes prospérités, Brillant d'un vain éclat, et vivant pour moi-même, Sans épancher mon cœur, sans un ami qui m'aime, Porterai-je moi seul, de mon ennui chargé, Tout le poids d'un bonheur qui n'est point partagé ? Qu'un ami sur mes bords soit jeté par l'orage, Ciel! avec quel transport je l'embrasse au rivage! Moi-même entre ses bras si le flot m'a jeté,

Je ris de mon naufrage et du flot irrité.

Oui, contre deux amis la fortune est sans armés; Ce nom répare tout: sais-je, grâce à ses charmes, Si je donne ou j'accepte? Il efface à jamais Ce mot de bienfaiteur, et ce mot de bienfaits. Si, dans l'été brûlant d'une vive jeunesse, Je saisis du plaisir la coupe enchanteresse, Je veux, le front ouvert, de la feinte ennemi, Voir briller mon bonheur dans les yeux d'un ami. D'un ami! ce nom seul me charme et me rassuré. C'est avec mon ami que ma raison s'épure, Que je cherche la paix, des conseils, un appui; Je me soutiens, m'éclaire, et me calme avec lui. Dans des piéges trompeurs si ma vertu sommeille, J'embrasse, en le suivant, sa vertu qui m'éveille; Dans le champ varié de nos doux entretiens, Son esprit est à moi, ses trésors sont les miens. Je sens, dans mon ardeur, par les siennes pressécs, Naître, accourir en foule, et jaillir mes pensées. Mon discours s'attendrit d'un charme intéressant, Et s'anime à sa voix du geste et de l'accent,

Ducis.

AMITIE.

Fille du ciel, vertu des belles àmes, L'homme a senti le besoin de tes flammes; Je dois encor peindre l'enchantement Des voluptés que l'on goûte en aimant : Mon cœur les sent, ma bouche peut les dire; La confiance établit ton empire, L'égalité fait la suprême loi,

Et l'âge d'or n'est connu que par toi.

Des goûts divers que la nature inspire

Le plus heureux n'est souvent qu'un martyre.
Des passions le tumulte orageux

Trouble nos cœurs, tyrannise nos vœux.
L'amour trahit, l'ambition dévore,

La grandeur pèse, et ce bien qu'on ignore,
L'amitié seule excite des transports

Nés sans tourments et nourris sans remords.

Les passions, dont je me peins l'image,
N'offrent aux yeux qu'un vaste paysage
D'arides champs de torrents traversés ;
J'y vois des camps que la guerre a tracés :
Là sont des tours que la cendre a couvertes,
De vieux palais et des cités désertes;
Là, des tombeaux de cyprès entourés.
Des voyageurs inquiets, égarés,
Suivent sans guide une route trompeuse
A la lueur d'une clarté douteuse.
Je vois enfin taus ces objets couverts
D'un ciel d'orage entrecoupé d'éclairs.

Si l'amitié nous mène à son empire,
Quel autre aspect se présente à décrire?
Tout flatte ici, tout repose les yeux :
C'est un vallon charmant, délicieux,
Où, retenu dans ses bornes fécondes,
Un fleuve égal roule ses claires ondes ;
Des bois riants, des coteaux cultivés,
Naissent au loin, l'un sur l'autre élevés.
La paix unit des heureux et des sages,
Qui sur les fleurs parcourent ces rivages,
Et l'horizon d'un ciel pur et serein
S'ouvre aux rayons d'un soleil du matin.
Habitons-la cette rive chérie

Où le bonheur a choisi sa patrie.

L'AMITIE.

Bernard.

Le coq chante... sa voix, bruyante sentinelle,
M'éveille dans la nuit et vers Dieu me rappelle.
Dieu du haut de son trône embrasse l'univers;
Sur l'atome et sur moi ses regards sont ouverts.
Qu'il me voit malheureux!.. Toujours remplis de larmes,
Mes yeux... Mais repoussons de stériles alarmes.
Quelle était ma faiblesse! Ai-je donc oublié
Que l'homme à l'infortune en naissant fut lié ?
Sous le joug du destin fléchissons sans murmure...
La vie est un fardeau qu'imposa la nature.

Charme éternel du monde! ô fruit délicieux !
Que fit croître pour nous l'influence des cieux,
Amitié le nectar qu'à l'aurore vermeille
Butine sur les fleurs la diligente abeille,

Est moins doux et moins pur, moins savoureux que toi.

J'eus un ami, la mort le sépara de moi.

Ami de ma jeunesse, ô malheureux Philandre, Hélas! où retrouver ce cœur sensible et tendre? Je l'aimais comme un frère, et l'aime plus encor Depuis que vers les cieux il a prís son essor.

Entouré malgré moi d'une horreur imprévue, Loin de l'éclat du jour qui s'éteint à ma vue, Je crois me perdre au fond d'un bois silencieux, Ou dans un souterrain muet, religieux; Je crois, à la lueur des lampes sépulcrales, Mesurer ces cercueils, ces tombes inégales, Où, par un bras d'airain les rois précipités, Dorment sans diadème et ne sont plus flattés. Recueillons notre esprit, et d'un pied téméraire Allons... De mon ami voilà le sanctuaire. Quel spectacle d'effroi... ce soleil qui pâlit... Cet abîme inconnu... ce corps qui s'affaiblit... Cette immortalité dont l'aspect le console, Et ce dernier soupir d'une âme qui s'envole... Philandre, par ses maux doucement abattu, Consolait ses amis, leur léguait sa vertu ;

Et nous, à ses côtés, dans une extase sainte,
Nous le vimes mourir sans murmure et sans crainte.
Je ne sais quel prestige enchantait nos douleurs,
Et mêlait dans nos yeux le sourire et les pleurs.
A l'heure où le soleil, las d'éclairer le monde,
Plonge son char de flamme au vaste sein de l'onde,
Tandis les brouillards s'élèvent vers les cieux,
que
Que la nuit, s'avançant à pas silencieux,
Laisse dans les vallons, déjà muets et sombres,
Se répandre et tomber la rosée et les ombres;
Au falte d'une tour, sur la cime des monts
L'œil encor du soleil voit les derniers rayons;
Ainsi, dans ces moments où les esprits vulgaires
Au milieu de la nuit frémissent solitaires,
Vers ce lit de douleur se frayant un chemin,
L'ange du ciel descend, des palmes à la main;
Du juste en souriant il ferme la paupière,
L'enlève, et l'introduit au palais de lumière.
BAOUR-LORMIAN.

L'AMITIE.

Pain des forts que le cœur à son gré multiplie, Calice aux profondeurs pures de toute lie, Vin qui réchauffe l'âme et n'enivre jamais, Chaste plante qui croît sur les plus hauts sommets, Amitié, don du ciel, fleur des vertus de l'homme, Nom viril dont l'amour chez les anges se nomme! Le cœur qui t'appartient et qui suit ton sentier, Aux austères devoirs reste encor tout entier ; Bien loin de l'épuiser tu rends double sa force, Tes fruits, à toi, n'ont pas de cendre sous l'écorce.

Amitié! joug divin qu'on porte librement; Chaîne où l'on s'est lié sans fol aveuglement, Qu'aucun hasard fatal n'aggrave ou ne dénoue; Election du cœur que la raison avoue! Amitié! notre appui quand tout autre s'abat ; Sagesse qui prévoit et force qui combat ; Acier fidèle, armure et lame bien trempée, Je te serre à mon flanc comme on serre une épée! Par toi, contre le sort sachant que l'on est deux,

On marche confiant dans les chocs hasardeux.
(and l'amour le plus pur sous maint voile se cache,
Vu le porte au grand jour comme un écu sans tache.
O bonheur de donner ce nom sacré d'ami,
Présage de vertus en deux cœurs affermi!
Outre sa conscience avoir un autre juge,
Contre son propre cœur se créer un refuge,

l'a témoin qui vous suit, vous conseille en tout lieu;
A qui l'on se confesse et l'on croit comme à Dieu;
Qui, resté clairvoyant quand notre esprit s'enivre,
Inne un rude conseil et nous aide à le suivre ;
EL, si nous faiblissons, devenu triste et doux,
Du juste châtiment pleure avec nous, sur nous ;
Le seul qui puisse, avec ses mains tendres et pures,
Sans irriter le mal, toucher à nos blessures!

Amitié! nœud charmant que tressent les douleurs,
Beau jour qui, bien souvent, se lève au sein des pleurs,
Amitié! toi qui peux, sans autres espérances,
Faire un double bonheur en mêlant deux souffrances.
Soleil de tous climats et de toute saison,
Dvoce chaleur au cœur, lumière à la raison,
Amitié! tu ne luis que sur les grandes âmes;
Jamais un œil impur ne réfléchit tes flammes,
Tu ne dores qu'un front de la candeur vêtu.
Amitié, n'es tu pas toi-même une vertu ?
Farte vertu qui cache une douceur insigne !
On ne peut s'en sevrer sitôt qu'on en est digne.
Saint trésor qu'on achète avec le don de soi,
Amitié! F'Homme-Dieu n'a pas vécu sans toi!

Victor DE LAPRADE.

DE L'AMITIÉ FAMILIERE AVEC JESUS CURIST. (Trad. du livre de l'Imitation.)

1. Tout est facile et doux quand Jésus est présent;
Vient-il à s'éloigner, tout est dur et pesant.
St Jésus ne lui fait entendre sa parole,
L'ame, dans ses douleurs, n'a rien qui la console;
Mais à peine Jésus en nous a-t-il parlé,
Le cœur s'épanouit, et renaft consolé.
Madeleine, au milieu de sa douleur mortelle,
Les que Marthe lui dit : « Le maître vous appelle,
■ Il est là, › tarda-t-elle, à la voix de sa sœur,
A se lever du lieu témoin de son malheur?
O moment de bonheur, où Jésus-Christ envoie
A l'âme désolée un rayon de sa joie !
Que, sans Jésus, le cœur est dur et desséché!
Vanité, folle erreur, si vous avez cherché,
Hors de Jésus, un bien où votre amour se fonde!
Nest-ce pas perdre plus que de perdre le monde?
II. Ce monde, que peut-il vous donner sans Jésus?
Eure avec le Sauveur, c'est, comme les élus,
Du paradis déjà savourer les délices,

El, sans lui, c'est l'enfer avec tous ses supplices.
Si Jésus est en vous, vos ennemis alors
Pour vous nuire feront d'inutiles efforts.
Qui peut trouver Jésus, trouve un trésor immense;
Que dis-je? il a trouvé le bien par excellence.
Qui perd Jésus, perd tout; et c'est un tel revers,
Qu'on perdrait moins encore en perdant l'univers.

L'indigent, avec lui, nage dans l'opulence,

Et le riche, sans lui, languit dans l'indigence.
III. Avec Jésus quel art c'est de s'entretenir,
Et combien est prudent qui sait le retenir !
Voulez-vous de Jésus savourer la présence,
A l'amour de la paix joignez l'humble innocence.
Soyez calme et pieux, et Jésus-Christ toujours,
Hôte de votre cœur, embellira vos jours.
Mais vous l'aurez bientôt chassé de cette place,
Et bientôt vous aurez perdu sa sainte grâce,
Si, vous embarrassant du monde extérieur,
Vous laissez à son charme entraîner votre cœur.
Et si vous le chassez, privé de sa présence,
Où trouver un ami qui vous prête assistance ?
Sans ami l'on ne peut goûter aucun bonheur,
Et si Jésus n'a point avant tous votre cœur,
Vous serez accablé, durant votre carrière,
Du poids de vos chagrins et de votre misère.
C'est donc folie à vous de mettre votre appui
Ou de vous réjouir en quelque autre que lui.
Mieux vaut du monde entier s'attirer la colère,
Que d'avoir à Jésus le malheur de déplaire.
Que de tous les amis que vous aimez le plus,
Aucun donc ne vous soit aussi cher que Jésus.

IV. A cause de Jésus, il faut que l'on s'entr'aime, Il faut aimer Jésus à cause de lui-même. Lui seul doit être aimé d'un amour infini, Car il est le seul bon, le seul fidèle ami. En Jésus, pour Jésus, l'humanité m'est chère; Ami comme ennemi, l'homme est pour l'homme u.

[frère.

Ah! prions-le pour tous, qu'ils puissent à leur tour,
Le connaissant enfin, répondre à son amour.
Ne désirez jamais aucune préférence

Dans l'estime ou l'amour que l'homme vous dispense ;
C'est un droit en effet qui n'appartient qu'à Dieu
Qui n'a d'égal à lui que lui-même en tout lieu.
Ne soyez point jaloux de régner sur une âme;
D'aucun amour non plus n'entretenez la flamme:
Que Jésus soit en vous; que tout homine de bien
Offre au cœur de Jésus un temple dans le sien.

V. Conservez avec soin une âme libre et pure,
Sans vous embarrasser d'aucune créature.
De tout enfin il faut vous être dépouillé,
Offrir au ciel un cœur qui ne soit point souillé,
Si vous voulez marcher libre de toute chaîne,
Et goûter du Seigneur la douceur souveraine.
Mais ne l'espérez point, si d'un charme vainqueur
La grâce ne prévient, n'attire votre cœur ;
Et toute autre pensée alors étant bannie,
Votre âme se verra seule à Dieu seul unie.
Par la grâce en effet quand l'homme est visité,
Il peut tout, tout obstacle est par lui surmonté;
Mais se retire-t-elle, alors elle lui laisse
Et toute sa misère et toute sa faiblesse :
Et dès lors ce n'est plus qu'un être infortuné
Qui parait au malheur en proie abandonné.

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Fille de l'immortalité ;

Haleine caressante et douce

Comme le zéphir dans le bois,

Comme l'eau glissant sur la mousse,
Comme une séraphique voix;
Verras-tu finir ta tristesse?
Verras-tu te luire un beau jour
Où rien n'altère ton ivresse,
Où tout seconde ton amour?
N'est-il pas un port dans la vie
Où ne puissent voler les maux?
N'est-il pas de rive chérie

Où nos jours trouvent le repos ?
N'est-il pas de cœur adorable
Qui se fonde dans notre cœur?
N'est-il pas d'abri préférable
Où ne règne que le bonheur?
O mon âme! quel vain langage
A changé tes accents pieux,
Et quelle décevante image
Vient se présenter à tes yeux !
C'est en vain que, comme l'abeille,
Tu vas des fleurs suçant le miel;
Toujours ton désir se réveille....
Ta félicité n'est qu'au ciel.

Brisé par sa noire tristesse,
Et dans sa soif de séraphin,

Ton cœur veut remonter sans cesse
Vers les bocages de l'Eden.

Mais en mangeant le fruit suprême,
Nous nous sommes fait notre sort.
La terre a crié d'elle-même :
Elle avait enfanté la mort.
O mon âme ! depuis cette heure,
De la triste rébellion
L'angoisse assiége ta demeure,
Ta compagne est l'affliction.

Pauvre ange que mon corps recouvre
Comme d'un manteau consumant!
Pauvre captive à qui l'on n'ouvre
Sa prison qu'un petit moment!
Mais s'il faut languir, que t'importe?
N'as-tu pas l'amour et la foi,

Qui te disent: Sois toujours forte;
Console-toi, console-toi.

‹ Malgré ta misère profonde,
Et malgré le deuil de tes jours,
Tu demeures reine du monde,
Et le Seigneur t'aime toujours.

Regarde ce qui t'environne,
Monuments, richesses, palais;
Le temps les brise, les moissonne,
Les anéantit à jamais.

L'herbe se fane, la fleur tombe; Tout périt, tout passe iei-bas; Tout va se perdre dans la tombe, Et toi seule tu ne meurs pas.

Adrien PELAdan.

AMOUR DE dieu.

Heureux celui qui dès l'enfance A vécu soumis à tes lois !

Dès cette vie un si beau choix

Ne fut jamais sans récompense.

Ah! Seigneur, retranchez du nombre de mes jours
Ces jours que je voudrais effacer par mes larmes;
Ces jours où le plaisir, m'attirant par ses charmes,
Me fit de votre grâce interrompre le cours.
Que mon erreur était extrême!
Toujours en vains désirs prêt à me consumer,
Je voulais vivre heureux sans vouloir vous aimer,
Et cherchais loin de vous ce qui n'est qu'en vous-même
Honteux de mon égarement,

Je me suis rengagé sous votre aimable empire;
Plutôt que d'en sortir, même pour un moment,
Seigneur, ordonnez que j'expire:

Un chrétien vit assez, s'il meurt en vous aimant.
Le P. PORÉE,

AMOUR DE DIEU AGISSANT.

Dans nous l'amour de Dieu fécond en saints désirs,
N'y produit pas toujours de sensibles plaisirs ;
Souvent le cœur qui l'a ne le sait pas lui-même.
Tel craint de n'aimer pas, qui sincèrement aime :
Et tel croit, au contraire, être brûlant d'ardeur,
Qui n'eut jamais pour Dieu que glace et que froideur..
Voulez-vous donc savoir si la foi dans votre âme
Allume les ardeurs d'une sincère flamme?
Cousultez-vous vous-même. A ses règles soumis,
Pardonnez-vous sans peine à tous vos ennemis?
Combattez-vous vos sens? domptez-vous vos fai
[blesses!

Dieu, dans le pauvre, est-il l'objet de vos largesses
Enfin dans tous ses points pratiquez-vous sa loi ?
Oui, dites-vous. Allez, vous l'aimez, croyez-moi.
Qui fait exactement ce que mà loi commande,
A pour moi, dit ce Dieu, l'amour que je demande.
Faites-le donc, et sûr qu'il veut nous sauver tous,
Ne vous alarmez point pour quelques vains dégoûts
Qu'en sa ferveur souvent la plus sainte âme éprouve
Marchez, courez à lui; qui le cherche le trouve;
Et plus de votre cœur il paraît s'écarter,
Plus par vos actions songez à l'arrêter.

BOILEAU.

AMOUR DE DIEU SEUL.

I n'est pour moi qu'un seul bien sur la terre, Fa c'est Dieu seul! Dieu seul est mon trésor; Deu seul, Dieu seul allége ma misère,

El vers Dieu seul mon cœur prendra l'essor. Je bénis sa tendresse,

Et répète sans cesse

Ce eri d'amour, cet élan d'un grand cœur :
Ieu seul, Dieu seu!! voilà le vrai bonheur.

Dieu seul, Dieu seul guérit toute blessure,
I'u seul, Dieu seul est un puissant secours;
Then seul suffit à l'âme droite et pure,
Et c'est Dieu seul qu'elle cherche toujours.
Répétons, ô mon âme,

Ce chant qui seul m'enflamme,

Ce eri d'amour, ce cantique du cœur :
Ben seul, Dieu seul! voilà le vrai bonheur.

Od déplaisir pourra jamais atteindre

Let heureux cœur que Dieu seul peut charmer?

Grand Dieu ! quels maux ce cœur pourra-t-il craindre? Luen est point pour qui sait vous aimer!

Aimer un si bon père,

C'est commencer sur terre

Le chant d'amour de la sainte Cité:
Le seul, Dieu seul pour une éternité.

AMOUR CONJUGAL.

1.

(ANONYME.)

Dieu qui mit bien loin l'un de l'autre
L'humble asile de nos berceaux,
Nous fit, pour sa gloire et la nôtre,
Nous rencontrer, légers oiseaux.
Depuis, nous allons dans la vie,
En suivant le même chemin,
D'un pas égal que l'on envie,
El souriant au lendemain.
Nous avons gravi bien des cimes,
EL, sans jamais nous séparer,
Contemplé de profonds abimes
Qui n'ont pas su nous allirer.
Nous avons, dans nos folles courses,
Pencontré les mêmes douleurs;
Nous avons tari bien des sources,
El respiré les mèmes fleurs.
Valgré le monde et la souffrance,
Malgré l'orgueil qui désunit,
Teajours la divine espérance
Nous berça dans le mème nid.
Nos lyres, sans être pareilles,
Ont reçu, comme frère et sœur,
Les dons de l'aigle et des abeilles,
Toi, la force, et moi, la douceur.'
Notre enfance n'eut qu'un seul maître,
Dieu!-Patrie, amour, liberté,
J'aimais, avant de te connaître,
Tout ce que ta lyre a chanté.

Ch! combien la route était belle

Aux premiers rayons du matin,

Quand l'aube naissante étincelle
Et pare l'horizon lointain!

Oh! que de fleurs dans la rosée !
Que de chants dans les bois obscurs!

Et pour notre lèvre embrasée,
Sous le soleil que de fruits mûrs!

Oh! de l'amour triple délice!
O jeunesse ! & vie! ô beauté!
Nous avons vidé ton calice,
O terrestre félicité !

Ce n'est plus le velours des mousses
Qui reçoit nos pieds passagers;
Les pentes ne sont plus si douces,
Nos pas sont déjà moins légers;
Sur nos fronts que le soleil dore,
La fatigue a laissé son pli;
Nous n'avons plus de fraîche aurore
Pour les baigner d'ombre et d'oubli;
Pourtant, dans notre âme profonde,
L'amour est serein, éternel,

Comme la perle au fond de l'onde,
Comme l'étoile au fond du ciel.

II.

Vois resplendir notre jeunesse

Sur les fronts de deux beaux enfants;
L'un aura ma vive tendresse,
L'autre aura tes chants triomphants.
Tous deux sont couronnés d'étoiles
(Ainsi du moins nous les voyons);
Ma fille est belle de mes voiles,
Mon fils est beau de tes rayons.

De baisers leur âme pétrie

N'est que parfum, grâce et douceur;
Ils ne savent rien de la vie
Que la prière et le bonheur.

Nous avons à leurs berceaux frêles
Enchaîné nos plus heureux jours,
Et replié nos jeunes ailes

Sur les doux fruits de nos amours.
Mais pour eux liant peu de gerbes,
Nous avons, tristes inoissonneurs,
Ramassé moins d'épis superbes
Que le plus humble des glaneurs.
Car si nos pieds touchent la terre,
Nos yeux souvent levés au ciel,
Contemplent le divin mystère
Loin du monde matériel.

Pauvres poëtes que nous sommes,
Abandonnés à trop de soins,

Nous n'avons pas l'esprit des hommes,
Et nous en avons les besoins.

Aussi nos palais sont de chaume,
Et souvent aux regards surpris,
Les jardins de notre royaume
Offrent plus de fleurs que de fruits.
Qu'importe ! la vie est heureuse,
Lorsqu'à toute heure et dans tout lieu,
Au fond de l'àme chaleureuse

On sent grandir l'amour de Dieu !

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