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Un souffle créateur pénétrant la matière,
Y répandait la vie; et l'univers naissant

Sortait des mains du Tout-Puissant,
Brillant de majesté, de grâce et de lumière.
Par la voix du Très-Haut animés et féconds,
L'espace et le néant se peuplaient de merveilles.
Les arbres couronnaient les monts;
Les fleurs émaillaient les gazons;
Et les épis dorés, et les grappes vermeilles
Ornaient les champs, les coteaux, les vallons.
Les fleuves suspendaient leur course imp tueuse,
Et, pour louer leur Créateur,

Elevaient dans les airs leur voix majestueuse :
Les ruisseaux y mêlaient leur murmure enchanteur.
Adam, du haut d'une montagne,

Voyant soumis à sa paisible loi

Les rivières, les bois, la mer, et la campagne,
Goûtait le plaisir d'être roi

En déposant son sceptre aux pieds de sa compagne.
vre d'amour et de bonheur,

Plongé dans une douce et sainte rêverie,
Adam bénissait le Seigneur,

Qui, prévenant les désirs de son cœur
En lui donnant une épouse chérie,
Avait doublé pour lui le bienfait de la vie.
Il chantait, mais sa noble voix

Ne connaissait encor que les aimables lois
Du chaste amour, de la pure innocence;
Et les pieux accents de sa reconnaissance

Charmaient l'écho naissant des bois :
L'air, les cieux, la terre et l'onde,
Tout ce qui vit est à moi.
Je règne sur tout le monde,
Le Très-Haut seul est mon roi,
D'une compagne immortelle
Je me vois l'heureux époux.
Mon cœur, en brûlant pour elle,
Seigneur, n'adore que vous.
Eve est le plus bel ouvrage
Qu'un Dieu même ait su former.
Avec elle je partage

Le bonheur de vous aimer.
L'air, les cieux, la terre et l'onde,
Tout ce qui vit est à moi.
Je règne sur tout le monde;
Le Très-Haut seul est non roi,
Pour nous il fit toute chose;
Pour nous brille le printemps;
Et c'est pour nous que la rose
Embaume et pare les champs.
Dieu sous nos pas a fait naître
Les biens dont nous jouissons.
Le bonheur de le connaître
Est le plus grand de ses dons.
L'air, les cieux, la terre et l'onde,
Tout ce qui vit est à moi.

Je règne sur tout le monde ;

Le Très-Haut seul est mon roi. >

Mais, quel effroi !... quel bruit !... de la terre tremblante L'axe ébranlé s'incline, et, saisi d'épouvante,

Fuit le courroux de l'Eternel.

De sinistres vapeurs voilent l'éclat du ciel.
La douce paix s'enfuit; et la guerre sanglante
Asservit la nature à son sceptre cruel.

D'où vient ce grand désastre?... Un ennemi perfide
Triomphe; de douleur le ciel même en frémit.
Adam, victime, hélas! d'une fraude homicide,
Tombe. Tout l'univers sous sa chute gémit.
Eve a séduit Adam; et sa main criminelle
A cueilli le fruit défendu.

Aussitôt la nature à leurs lois est rebelle;
Leur bonheur est détruit, et le monde est perdu.
Les éléments vengeurs conjurent leur ruine,
Leurs jardins sont changés en des déserts affreux.
La rose les repousse, et s'arme d'une épine;
L'astre du jour couvert d'un voile ténébreux,
Semble, pour mieux servir la colère divine,
Ne vouloir plus luire pour eux.

Le vent et l'orage
Déchaînent leur rage;
L'air siffle et mugit..
Le lion rugit,

La tempête gronde,.

Et la mer profonde
Ecume et blanchit.
Les oiseaux gémissent;
Les près, les gazons,
Les fleurs se létrissent,

Les champs se hérissent
D'horribles buissons.

Mais une main compatissante
D'Adam désespéré vient essuyer les pleurs;
Une voix douce et consolante
Lui prédit en ces mots la fin de ses malheurs :
Infortunés, je vais vous rendre l'espérance:
Et des siècles futurs perçant l'obscurité,

Des rayons de la vérité
J'éclairerai votre ignorance.
Votre triste postérité

Pourra prétendre encore à la félicité.
Voyez un Dieu souffrir pour votre délivrance.
Le crime a disparu; l'homme est ressuscité,
De bonté, de rigueur ineffable mystère !

Le Fils de Dieu mourant va désarmer son Père ;-
Et le sang précieux que pour l'homme il répand,
Du ciel éteindra la colère.

Une fille d'Adam, à la fois vierge et mère,
Ecrasera la tête du serpent. a

Triste chute! Rançon sublime!

Funeste, ou plutôt heureux crime

Qu'expie un tel réparateur!

L'homme est coupable; et sa victime

Est son juge et son créateur.

Hélas! dans sa misère extrême,

L'homme, en perdant le Dieu qu'il aime,

A perdu la joie et la paix.

Dieu seul peut, en s'offrant lui-même,
Briser le joug de nos forfaits.

Triste chute! Rançon sublime!
Funeste, ou plutôt heureux crime

Qu'expie un tel réparateur !

L'homme est coupable; et sa victime

Est son jnge et son créateur.

Le comte DE Marcellus.

AD COENAM AGNI PROVIDI.
Traduction de l'hymne du temps pascal.
Conduits par le bras du Seigneur

fui rendait sous nos pas la mer Rouge immobile,
Nous avons d'un monstre oppresseur
Rendu la fureur inutile.

Après un triomphe si beau,

Hitons-nous, et vêtus d'une robe éclatante,
Du festin du divin Agneau
Godtons la manne ravissante.

Brûlons d'un vif amour pour lui,

A l'aspect de son corps et de son sang auguste :
Cette nourriture est l'appui,

La vie et la force du juste.

Vivons en notre doux Sauveur

Pont la Pâque est pour nous la plus belle des fêtes,
Et de l'ange exterminateur

Suspend le glaive sur nos têtes.

Victime qu'adore le ciel,

Et mon exil sont douloureux !

N'est-il plus de terme à mes larmes ?
Ah! combien je suis malheureux!
La paix fut mon désir urique,
Mais en vain j'étais pacifique
Avec l'ennemi de la paix :

En vain j'en louai les délices;
Les haines et les injustices
Furent le prix de mes bienfaits.

Sapinaud DE BOISHUGUET.

S. ADHELARD.

(Saint Adbélard, petit-fils de Charles-Martel, devint
jardinier dans le monastère où il se retira, à l'âge
de vingt ans, en 774. — On peut voir la Vie des
Saints, le 2 janvier.)

Amis, grandeurs, plaisirs, fortune et gloire,
Camps orageux, intrigues de la cour,
Trop vains objets! fuyez de ma mémoire,
Je vous oublie en cet heureux séjour.
D'aimables soins ma vie est occupée,
L'oisiveté m'était un lourd fardeau.
Qu'avec plaisir j'échangeai mon épée
Contre la bêche et le simple râteau !
Jeunes beautés, sirènes infidèles,

Es mourant, des démons vous domptez les cohortes; De vos liens j'ai su me dégager;

De votre royaume éternel

Vous venez nous ouvrir les portes.
Sorti des ombres de la nuit,

Jesus-Christ de la mort a vaincu la puissance;
L'ennemi commun est détruit,
L'enfer gémit dans le silence.
Seigneur, qu'avec toi nous mourions,
Qu'avec toi reprenant une nouvelle vie,
Loin du monde, nous n'aspirions
Qu'après la céleste patrie !

(Anonyme.)

AD DOMINUM, CUM TRIBULARER, CLAMAVI.
(Traduction du psaume CXIX.)

Mon âme, en proie à la tristesse,
Implore le nom du Seigneur,
El Dieu, touché de ma détresse,
Préte l'oreille à ma douleur.
De la lèvre inique et trompeuse,
De la langue artificieuse,
Seigneur, Seigneur, délivre-moi,
El toi, qui hais l'homme sincère,
Gagneras-tu quelque salaire
Pour avoir abusé sa foi ?

C'est contre le ciel que tu pèches
En outrageant l'homme innocent,
Et ton crime aiguise les flèches
Dont s'armera le Tout-Puissant.
Dieu, de son tribunal auguste,
Ecoute les plaintes du juste
Et suspend le cours de ses pleurs :
Empe aux cris de l'innocence,
Du ciel s'élance la vengeance
Contre les calomnjateurs.

Qu'en Célar mes longues alarmes

lei les fleurs autant que vous sont belles,
Mais une rose enivre sans danger.
Lis éclatant, quelle magnificence!
Le Créateur t'a vêtu comme un roi.
Le souverain qui règne sur la France
Avec sa gloire est moins brillant que toi.
Aimables fleurs que vit naître l'aurore,
Avant le soir vous allez vous flétrir :
Ornez l'autel du maître que j'adore,
A son service il est doux de mourir.

Mlle Angélique GORDON.

ADIEUX A LA POÉSIE.

Adieu, rêves, transports! plus de chants, pius de
Sevrons de ce nectar un cœur infortuné. [lyre....
N'allaitons plus ce cœur d'un si tendre délire;
Brisons entre nos mains ce luth d'or qui soupire
Comme un jeune époux couronné.

Car on m'a dit : « Le ciel accuse la folie,
Enfant, tu ne dois pas chanter ainsi toujours.
Ne va pas l'enivrer de trop de mélodie;
Mais bois, silencieux, la coupe de la vie,

Et glisse muet sur tes jours!

Pose un frein à ta bouche et ris d'un art frivole;
Laisse sous les rameaux siffler l'oiseau craintif.
Toi, prépare ton cœur pour une autre parole,
Sans suivre le penchant et la vaine auréole
Des chantres au cinnor plaintif. ›
Adieu done, chants d'Eden, céleste symphonie
Des lyres de Daphnis, des harpes du Thabor!
Ma Muse a soupiré le chant de l'agonie.
Adieu, blanc séraphin, bel ange d'harmonie,
Qui me couvrais d'une aile d'or.
Je ne chanterai plus! mais, avant de me taire,
Je veux que mov
n dernier soupir;

Je veux que sous l'abri du chêne solitaire

Il rende encore un son doux et plein de mystère,
Comme un cygne qui va mourir.

Je ne chanterai plus! ni le jour, ni dans l'ombre,
Quand le ciel est couvert du manteau noir des nuits;
Boit qu'aux champs dépouillés voltige un brouillard
[sombre,

Soit que le printemps vienne avec ses fleurs sans Avec ses plaisirs et ses bruits! [nombre,

Je ne chanterai plus une vague pensée;

Je ne chanterai plus mes bonheurs et mes maux,
Les bois, la grande mer, la cloche balancée,
Le ciel, les vitraux peints, et la flèche élancée

Des hauts clochers de nos hameaux,
Pourtant à mon berceau j'eus des songes étranges !
Jeune encor, je me plus à moduler des vers;
Je bégayai du Christ les sublimes louanges,
Je chantai les oiseaux, et le ciel et les anges,
Et l'épine des buissons verts.

Pourtant, plus d'une nuit, sur ma couche passée,
Mon cœur harmonieux veilla dans les concerts;
Souvent d'un rêve d'or sa langueur fut bercée,
Et par des séraphins mon âme cadencée

Crut se réveiller dans les airs.

Pourtant j'aimais voguer sur une eau qui s'épanche
Du vert pilier des monts jusqu'aux saules du val,
Lorsque la nuit paraît et que sa reine blanche
Pour voir son beau corps påle avec attrait se penche
Sur le miroir du pur cristal.

Pourtant en moi je sens un penchant qui m'entraîne,
Une voix qui me dit : « Chante; › et moi j'ai chanté,
Non pour un feu trompeur qui s'éteint dans la plaine,
Mais comme le ramier qui murmure sa peine

Au bois par la brise agité.

Je suis bien malheureux sans soupirs et sans aile,
Je ressemble à Jacob sur l'Euphrate ou le Nil;
Mais Jacob accordait sa cythare fidèle,
Jacob chantait parfois sur sa harpe immortelle
Pour se consoler dans l'exil.

Tout chante autour de moi! le tonnerre sur l'onde,
Le tendre rossignol au bois silencieux,
Le vent sur la montagne ou sur la mer profonde,
Sur la grève les flots, l'homme en ce triste monde,
Les anges au plus haut des cieux.

Les cieux! là tu marquas, Seigneur, ma destinée!
Là m'attend en silence un luth d'ivoire et d'or;
Mais mon âme ici-bas d'épine environnée,
Languissante, bat l'air de son aile fanée

Qui brûle de prendre l'essor.

Ah! je voudrais monter vers ce lieu plein de charmes,
Ce pays de plaisir, d'amour et de bonheur,
Où la sainte Sion vit pure et sans alarmes,
Où le céleste Epoux sèche toutes les larmes
D'épouses dormant sur son cœur !

Je languis... Le captif à la plage étrangère
Soupire son malheur afin de l'adoucir:
Je languis aussi, moi, prisonnier sur la terre;

(1) Seminariste nantais, mort à vingt ans.

Dieu, laisse-moi mon luth pour bercer ma misère, Laisse-moi chanter ou mourir.

Pierre-Louis ARONDINEAU (1).

ADIEUX A LA VIE.

Ode imitée de plusieurs Psaumes, faite par l'auteur huit jours avant sa mort.

J'ai révélé mon cœur au Dieu de l'innocence;
Il a vu mes pleurs pénitents!

Il guérit mes remords, il m'arme de constance :
Les malheureux sont ses enfants.

Mes ennemis, riant, ont dit dans leur colère :
Qu'il meure, et sa gloire avec lui!

Mais à mon cœur calmé le Seigneur dit en père:
Leur haine sera ton appui.

A tes plus chers amis ils ont prêté leur rage;
Tout trompe la simplicité :

Celui que tu nourris court vendre ton image,

Noire de sa méchanceté.

Mais Dieu t'entend gémir, Dieu vers qui te ramène
Un vrai remords né des douleurs;
Dieu qui pardonne enfin à la nature humaine
D'être faible dans les malheurs.
J'éveillerai pour toi la pitié, la justice
De l'incorruptible avenir;
Eux-même épureront par leur long artifice
Ton honneur qu'ils pensent ternir.
Soyez béni, mon Dieu, vous qui daignez me rendr
L'innocence et son noble orgueil;

Vous qui, pour protéger le repos de ma cendre,
Veillerez près de mon cercueil !

Au banquet de la vie, infortuné convive,
J'apparus un jour, et je meurs;

Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j'arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs.

Salut, champs que j'aimais, et vous, douce verdur Et vous, riant exil des bois !

Ciel, pavillon de l'homme, admirable nature,

Salut pour la dernière fois!

Ah! puissent voir longtemps votre beauté sacrée
Tant d'amis sourds à mes adieux !

Qu'ils meurent pleins de jours, que leur mort so
Qu'un ami leur ferme les yeux ! {pleurée,
Gilbert.

ADIEUX DE SAINTE SCOLASTIQUE

A SAINT BENOIT, SON FRÈRE.

‹ L'orage, en s'éloignant, menace et gronde encor
Le torrent débordé s'écoule avec fracas :
En vain tu veux partir: il arrête tes pas,
Mon frère. Ah! près de moi, reste jusqu'à l'auror
Dans ces lieux désormais je ne reviendrai plus.
Une secrète voix tout bas dit à mon âme :
Laisse enfin la prison, ton Epoux te réclame,
Et pour toi va s'ouvrir le palais des élus. ›
O régions si belles!
Séjour délicieux !

Ah! que n'ai-je des ailes
Pour m'envoler aux eieux!

Dans l'ombre de la nuit la ville ensevelie
Offre l'aspect d'un lac surchargé de vapeurs :
L'œil ne peut distinguer les sites enchanteurs
Et les riches moissons de la belle Italie.
Mais le brillant Vesper illumine un ciel pur;
Eb! comment vers la terre abaisser sa pensée ?
La mienne, d'ici-bas tout à coup élancée,
Parcourt avec transport cette plaine d'azur.
O régions si belles !
Séjour délicieux !

Ah! que n'ai-je des ailes

Pour m'envoler aux cieux!

A la fleur de mes jours, j'ai méprisé la terre.
Richesse, honneur, plaisir, j'ai tout sacrifié;
Tout a fui de mon cœur, hors la tendre amitié
Qui, dès mes jeunes ans, m'unissait à mon frère,
Au moment de briser des liens si chéris,
La nature s'émeut, malgré moi je soupire,
Et pour me consoler j'ai besoin de me dire:
Lviendra me rejoindre aux célestes parvis,
O régions si belles !

Séjour délicieux!

Ah! que n'ai-je des ailes

Pour m'envoler aux cieux !

ADORO TE SUPPLEX LATENS DEITAS.
Traduction de l'hymne de la fête du Saint-Sacrement.
Je vous adore, & Dieu caché dans ce mystère !
Vous dont la majesté remplit toute la terre,
Mais dérobe à nos yeux l'éclat qui l'investit.
Mon cœur brûle pour vous d'une ardeur ineffable;
Mon esprit confondu que tant de gloire accable,
Vous contemple et s'anéantit.

Soumettons à la foi nos sens vains et frivoles.
Mais l'oreille, d'un Dieu recueillant les paroles,
Seule a droit d'exiger notre docilité.

La raison subjuguée applaudit au miracle.
Le Fils de Dieu l'a dit ; je crois ce grand oracle
Proclamé par la vérité.

Le Dieu seul se cachait, mourant sur le Calvaire;
Mais, voilés par l'amour, au fond du sanctuaire,
C'est l'homme, c'est le Dieu que que j'adore et je crois.
Au pied des saints autels qu'avec larmes j'embrasse,
Humblement prosterné, je demande la grâce

Qu'obtint le larron sur la croix,

Moins heureux que Thomas, et sans voir vos bles-
[sures,
Mon Sauveur, comme lui, sous ces humbles figures
Je reconnais un Dieu qui s'immole pour nous.

♦ Qui, surmontant bientôt un instant de faiblesse. Puissé-je, en attendant le jour de votre gloire. Jetouffe des sanglots échappés à demi :

Dans le sein de mon Dieu je verrai mon ami!
Mon frère, de ton cœur, ah ! bannis la tristesse !
L'espérance et la foi doivent nous ranimer.
La mort dissout en vain une argile grossière :
Lorsque le cœur glacé rentre dans la poussière,
L'esprit emporte au ciel le doux besoin d'aimer.
O régions si belles!

Séjour délicieux!

Ah! que n'ai-je des ailes

Pour m'envoler aux cieux !

Mais l'horizon au loin faiblement se colore:
La cloche du vallon tinte pour les mourants;
C'est l'appel du Seigneur à sa voix je me rends.
Toi seul en ces bas lieux me retenais encore,
Mon frère ! Offre pour moi les mystères sacrés;
El quand l'astre du jour, s'élançant de la nue,
Pour la troisième fois réjouira ta vue,
Deve tes regards vers les champs éthérés.
O régions si belles !

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Sous ces voiles sacrés vous honorer, vous croire,
N'espérer et n'aimer que vous !

Monument de la mort qu'une sainte victime
Voulut souffrir pour nous! pain vivant! mets subiime,
Qui nous rend du Très-Haut les heureux possesseurs !
Faites qu'en ce banquet ma foi se fortifie,

Et que mon cœur souvent, en y puisant la vie,
En goûte les chastes douceurs!

Source de pureté que les anges adorent,

Ne coulez pas en vain pour ceux qui vous implorent;
Dans nos sens épurés faites régner la paix;
Sang que l'amour répand, dont l'amour nous inonde,
Dont une seule goutte, en rachetant le monde,
Peut expier tous nos forfaits!

O Jésus, que ma foi découvre sous ces voiles !
Puissé-je un jour, voyant à mes pieds les étoiles,
Près du Dieu dont les cieux proclament la grandeur,
Jouir de votre gloire et jouir de vous-même,
Contempler tel qu'il est celui que mon cœur aime,
Et m'enivrer de sa splendeur!

Le comte DE MARCELLUS.

AD TE, DOMINE, LEVAVI ANIMAM MEAM.
(Traduction du psaume XXIV.)

En toi seul, Jéhovah, j'ai mis mon espérance;
Je ne rougis point de ma foi;

En vain mes ennemis riront de ma constance;
Rien ne saurait troubler le cœur qui vit pour toi,
Ils seront confondus tous ces hommes iniques
Qui travaillent pour le néant...
Dis-moi donc les chemins des célestes portiques,
Et que ta vérité brille en les enseignant.
Seul Dieu de mon salut! révèle-moi ta face:
Je t'ai désiré tout le jour...

Ah! que ton souvenir, pitié, douceur et grâce,

N'ait rien de mon péché, mais tout de ton amour!
Toujours bon, le Seigneur est aussi toujours juste;
Aux cœurs doux il donne ses lois ;.

Il conduit les pécheurs avec un frein auguste,
Et l'humble repentir est docile à sa voix.

Tous tes sentiers sont pleins de tes miséricordes ;
Et les dons de la vérité,

Dans leur éclat divin, Seigneur, tu les accordes
Aux fidèles amis de ton éternité.

Que ton nom soit béni; Jéhovah! tu pardonnes

Mes péchés, mes péchés nombreux!...

Quel est le vrai fidèle?... ô mon Dieu! tu lui donnes
Ta lumière; il choisit tes sentiers vertueux.

Il sait garder le bien dont son âme est remplie ;
Il le transmet à ses enfants;

Et d'un mystère saint la promesse accomplie,
Aux siècles éternels les porte triomphants.
Mes yeux se sont fixés sur le Dieu que j'adore ;
C'est lui qui brisera mes fers...

Regarde, ô Jéhovah! le pauvre qui t'implore,
Vois ses pleurs, prends pitié des maux qu'il a soufferts!
Efface mes péchés, Dieu de mon espérance;
De mes ennemis sauve-moi!

Protége ma droiture et ma persévérance;
Sauve tout Israël, Seigneur, il est à toi!

Alexandre GUILLEMIN.

AD TE LEVAVI OCULOS MEOS.
(Traduction du psaume CXXIL.)

J'élève mes regards timides

Vers toi qui dans les cieux résides!
Comme les yeux du serviteur,
Comme les yeux de la servante

Sont fixés sur les mains d'un maître, dans l'attente
Des biens dont son amour est le dispensateur :

Ainsi vers le Dieu de lumière
Nos yeux porteront leur prière,
Jusqu'à la fin de son courroux....
Prends pitié de notre détresse ;

La bonte nous accable, et, dans leur folle ivresse,
Les superbes esprits sont déchaînés sur nous.
Alexandre Guillemin,

Ce cantique est une prière convenable aux fidèles dans les temps de calamités et d'oppression.

J'élevai mes regards vers la sainte demeure
Où, du plus haut des cieux, tu daignes à toute heure
Consoler le malheur;

Méprisé du superbe, et jouet de l'impie,
Israël, ô mon Dieul sans cesse te supplie
De compatir à sa douleur.

Comme le serviteur, du maître qui l'appelle,
Comme, de sa maîtresse, une esclave fidèle,
Interrogent les yeux;

Soumis et résigné dans ses jours de souffrance,
Ton peuple attend, Seigneur, l'instant où ta vengeance
Brisera son joug odieux.

Sapinaud DE Boishuguet.

AD TE DOMINUM CONFCGI.

Mon Dieu, je vais à toi comme l'humble prière, Comme l'encens qui vole au-dessus de l'autel,

Comme les chants sacrés, les accords, la lumière,
Qui remplissent le temple en un jour solennel.
Je vais à toi, Seigneur, ainsi que la colombe
Qui regagne son nid au sommet de la tour;
Comme l'âme qui rend sa dépouille à la tombe,
Comme à son bien-aimé le cœur brûlant d'amour.
Mon Dieu, je te bénis comme le vent murmure,
Comme l'airain pieux palpite dans les airs,
Comme l'aube se lève et blanchit la nature,
Et comme le soleil échauffe l'univers.

Tel que l'agneau se plaît à brouter l'herbe tendre,
L'abeille à butiner sur l'incarnat des fleurs,
Ainsi dans le mystère, ô Dieu ! j'aime à t'entendre,
J'aime à me délecter dans tes saintes douceurs.

De même qu'un beau lis humide de rosée
Dort, et de ses parfums embaume le matin,
De ton sang, ô Jésus! mon âme est arrosée,
Et répand son amour comme un encens divin.
Adrien PELADAN.

AGAR DANS LE DESERT.

De la loi du Très-Haut fidèle observateur,
Comblé de tous les biens, Abraham, roi-pasteur,
De ses riches troupeaux couvrait au loin les plai es,
Et d'Hébron fécondait les superbes domaines.
Inutiles trésors du couchant de ses jours,
Le chagrin lentement vient obscurcir le cours :
Le noir chagrin, hélas! aussi vieux que le monde,
Qui des premiers humains troubla la paix profonde,
Qui se cacha toujours sous le royal bandeau,
Trouble même la paix du modeste hameau.
Non, le cœur d'Abraham ne sera plus tranquille :
Sara de pleurs amers arrose un lit stérile,
Tandis que son esclave, à la fleur de ses jours,
Vaine du fruit heureux de ses jeunes amours,
Etale tout l'orgueil d'une mère jalouse,
Usurpe insolemment tous les droits d'une épouse.
L'Eternel de Sara console les vieux ans :
Un fruit maculeux tressaille dans ses flancs;
O bonheur ineffable! ô joie inespérée !
Voilà le rejeton d'une tige sacrée,

Qui de sa mère enfin dissipe les douleurs :
Le sourire d'un fils rachète tant de pleurs!
Mais Agar a frémi d'un bonheur qui l'oppresse;
Son Ismaël n'a plus la première caresse.
Fière comme un palmier roi des bords du Jourdain,
Elle l'emporte, affecte un superbe dédain.
Son maître adoucissait sa plainte trop amère;
Il excusait Agar hélas! elle était mère.

C'était l'heure tardive où les nombreux troupeaux
Regagnent lentement les paisibles hameaux;
Où l'auguste vieillard, pour le rendre propice,
Offrait à l'Eternel l'encens du sacrifice.
Il revient vers sa tente : ô douloureux tableau !
De sa tremblante main rejetant le fuseau,
Plus pâle que des nuits la pâle messagère,
Arrachant Isaac au fils de l'étrangère,
Sara pousse des cris aux pieds de son époux,
Tombe, et d'un faible bras s'attache à ses genoux :

‹ O mon époux ! mon maître! ô mon unique asile, Venge toi! venge-moi! ton esclave indocile

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