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Où leurs ombres, encore éclatantes et riches,
Semblent perpétuer, malgré les lois du sort,
La pompe de leur vie en celle de leur mort.
De ce muet sénat, de cette cour terrible
Le silence épouvante, et l'aspect est horrible.

Là sont les devanciers 'oints à leurs descendants:

Tous les règnes y sont, on y voit tous les temps;
Et cette antiquité, ces siècles dont l'histoire
N'a pu sauver qu'à peine une obscure mémoire,
Réunis par la mort en cette sombre nuit,

Y sont sans mouvement, sans lumière et sarj [bruit (1).

LE P. LE MOYNE.

QUAM BONUS, ISRAEL, DEUS!

(Trad. du Psaume LXXII.)

L'objet de ce Psaume est d'expliquer aux hommes le secret de la Providence sur la prospérité passagère des méchants.

Seigneur, l'éclat et la puissance
Des violateurs de ta loi,
Eloignant de moi l'espérance,
Avaient presque ébranlé ma foi.
Je me disais Les infortunes,

:

Aux enfants d'Adam si communes,

Ne troublent point leurs jours heureux.
L'allégresse les environne,

Et le vice, qui les couronne,

Prévient jusqu'à leurs moindres vœux.
De là naît leur orgueil, leur insolente audace;
Tout gémit sous le poids de leur sceptre cruel :
Ils oppriment le juste, ils bravent l'Eternel.
De ces mortels pervers Dieu connaît-il la race?
S'écriait Israël en ses vives douleurs;
Insensé, je joignais ma plainte à ces clameurs.

Ainsi, dans ma folle ignorauce,
J'élevais erreurs sur erreurs,
Lorsqu'à mes yeux la Providence
Révéla la fin des pécheurs.

Je vis, près des honneurs suprêmes,
Des noms, des rangs, des diadèmes,
Qui nous attiraient sur leurs pas,
Proclamer leurs dernières heures,
Et paraître dans leurs demeures
Le noir cortége du trépas.

Il entre; à son aspect leur cœur plein d'épouvante
De tous côtés en vain cherche quelques supports :
Nul ami ne leur reste; ils n'ont que des remords;
Un moment a détruit cette gloire éclatante.

Sur ces fronts orgueilleux, où la mort peint ses traits,
On jette un peu de terre, et c'est fait pour jamais.
L'étranger qu'étonnait le nombre
De leur jeune postérité,

Vainement en cherche quelque onibre,
Tout est désert dans leur cité.

Et moi, Seigneur, qui dans mon âme
De ton amour sentis la flamme,

Et tremblai devant ton courroux,

(1) Ce morceau, observe un critique, est célèbre : mille vers pareils, où l'on remarque quelques taches qu'un goût plus pur aurait facilement évitées, au

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TABERNACULA TUA, DOMINE VIRTUTUM!
(Imitat. du Psaume LXXIII.)

Transports d'une âme qui soupire après le ciel.
Que la demeure où tu résides,
Dieu d'amour, a d'attraits pour moi,
Et que mes transports sont rapides,
Quand mon cœur s'élève vers toi!
Mon âme tombe en défaillance;
Que ma flamme a de violence,
Mon Dieu, que mon zèle est fervent!
Oui, tout plein de l'objet que j'aime,
Mon cœur se trouble et ma chair même
Tressaille au nom du Dieu vivant!
Dans les déserts, la tourterelle
Loin du chasseur va se cacher,
Et trouve un asile pour elle
Dans le sein de quelque rocher :
Loin du monde où tout me désole,
C'est à ton temple que je vole,
Et dans l'ombre de ce saint lieu,
Toujours caché, toujours tranquille,
Tes autels seront mon asile,

Mon Roi, mon Seigneur et mon Dieu!

raient mis le P. Le Moyne au rang de misdus grands poëtes.

Tandis que ta sainte assemblée
Y forme des concerts charmants,
Notre aride et sombre vallée
Retentit de gémissements.

Que la carrière est longue et rude!
De tristesse et de lassitude
Que de voyageurs abattus!
Mais celui que ta main soulève
De vertus en vertus s'élève
Jusqu'à la source des vertus.
C'est à toi-même qu'il arrive
Sur les ailes de ton amour;
Quand mon âme ici-bas captive
Le suivra-t-elle en ce séjour ?
Hélas! de loin je le contemple!
Un seul jour passé dans ton temple
Est bien plus cher à mes désirs,
Qu'une longue suite d'années
Aux yeux du monde fortunées,
Qu'un siècle entier de ses plaisirs.
A la porte du sanctuaire

N'être admis qu'au dernier des rangs,
Est un bonheur que je préfère
A toutes les faveurs des grands.
Chez eux habitent les caprices,
Les trahisons, les injustices;
Mais dans la maison du Seigneur
Rien de souillé ne doit paraître :
La sainte majesté du maître
En fait le temple du bonheur.

Qu'un cœur touché de tes promesses
Trouve de charmes dans ta loi!
O Dieu, prodigue en tes largesses,
Heureux qui n'espère qu'en toi!
Si nous marchons dans l'innocence
Nous recevrons la récompense,
Et nous ne serons point jaloux
Qu'ornés de nos mêmes couronnes,
Les pécheurs à qui tu pardonnes
Près de toi brillent avec nous.

Louis RACINE.

QUARE FREMUERUNT GENTES,
ET POPULI MEDITATI SUNT INANIA?
(Trad. du Psaume 11.)

Ce Psaume regarde Jésus-Christ, le Verbe éternel.
O nations! pourquoi frémissez-vous de rage?
O peuples! quel délire arme votre courage?
Pourquoi ces vains complots par le crime enfantés?
Ligués contre le ciel, tous les rois de la terre,
Au Seigneur, à son Christ, ont déclaré la guerre,
Et contre eux se sont révoltés.

Rejetons, ont-ils dit, son sceptre intolérable,
Brisons, foulons aux pieds le joug qui nous accable;
Dérobons-nous aux lois de ce Christ odieux :
Mais le Dieu qui d'un mot créa la terre et l'onde,
Et régit l'univers dans une paix profonde,
Du haut du ciel se rira d'eux.

Quoi! celui dont la main des cieux étend les voiles,
Qui sème leurs déserts d'innombrables étoiles,
Qui dit : Parais, ô moude! et le monde parall;
Vous seuls à l'adorer ne sauriez vous résoudre!
Tremblez, son glaive est prêt, dans ses mains est
[la foudre,

Et sur ses lèvres votre arrêt.

Le Tout-Puissant m'a dit: Ma grâce t'accompagne;
Va régner en Sion, sur ma sainte montagne,
Revêtu de ma gloire et révélant ma loi;

C'est toi qui de mon sein naquis avant l'aurore:
O mon Verbe! ô mon Fils! que l'univers t'adore,
Et qu'il te proclame son roi.

Demande-moi le monde; il est ton héritage :
La terre est ton empire, et l'homme ton partage.
Tu régiras les rois par un sceptre d'airain;
Et par tes mains, brisés comme un vase d'argile,
Ils seront devant toi comme un songe stérile
Qui s'évanouit au matin.

Ah! comprenez enfin ses attributs suprêmes,
Vous qui jugez la terre, ô rois! jugez vous-mêmes
Devant le Roi des rois ce qu'est votre grandeur.
Elle n'est qu'un rayon de sa magnificence;
Marchez dans ses sentiers avec reconnaissance,
Et dans une sainte frayeur.

Que votre âme avec joie à ses lois obéisse;
Craignez qu'il ne s'irrite et qu'un jour sa justice
Ne venge sur vos fils son saint nom méprisé :
Bientôt s'allumera le feu de sa colère;
Heureux, heureux alors, qui dans Dieu seul espère,
Et sur Dieu seul s'est reposé.

SAPINAUD DE BoisHuguet.
QUATRAIN

ÉCRIT AU BAS D'UN CRUCIFIX.

Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure. Vous qui souffrez, venez à lui, car il guérit. Vous qui tremblez, venez à lui, car il sourit. Vous qui passez, venez à lui, car il demeure. Victor Hugo.

QUATRAINS MORAUX.

LE DIEU DU CHRÉTIEN.

Apprenez ce qu'est Dieu pour le chrétien sincère : Dans la faim, dans la nuit et dans la pauvreté, Dieu lui sert d'aliment; Dieu même est sa lumière, Dieu le revêt enfin de l'immortalité.

L'EXISTENCE De dieu.

Il est un nœud secret dans toute la nature;
On ne peut le trancher par le raisonnement,
Tout y paraît énigme; et cette pièce obscure,
S'il n'intervient un Dieu, n'a point de dénoùment.
L'IMMORTALITÉ DE L'AME.
Non, l'homme ne meurt point: c'est une erreur
[grossière,

C'est un blasphème affreux de le croire mortel,
Puisqu'un jour, affranchi de sa vile poussière,
Cet hôte inattendu doit étonner le ciel.

LA CHOSE ESSENTIELLE.

De la religion, de la philosophie,

Le chef d'œuvre et le but, le triomphe et l'effort,
C'est moins d'approfondir l'étude de la vie,
Que de préparer l'homme à celle de la mort.

L'EMPLOI DU TEMPS.

Chaque jour qui s'écoule est done un jour perdu !
Nous comptons follement sur le jour qui doit suivre;
Et, toujours sur le point de vivre,
Nous mourons sans avoir vécu.

L'EXAMEN DE CHAQUE JOUrnée.

Plus vieux d'un jour, en quoi suis-je plus sage? Quel bien ai-je produit? quel mal ai-je évité?

Du jour qui fuit ai-je fait bon usage,
Et puis-je m'endormir avec sécurité ?...
LA PURETÉ DES PENSÉES.

Aimez-vous la vertu ? Sachez vous interdire
Jusqu'au moindre projet qui pourrait la blesser.
Eh! ce qu'à haute voix on n'oserait pas dire,
On ne doit jamais le penser.

LA RESIGNATION.

La raison obéit lorsque le ciel commande;
Elle accepte de Dieu les décrets immortels :
La volonté soumise est la plus digne offrande
Que l'on porte aux pieds des autels.
François DE NEUFCHATEAU.

LES QUATRE AGES DE LA VIE.
Sans soin du lendemain, sans regrets de la veille,
L'enfant joue et s'endort, pour jouer se réveille.
Trop faible encor, son cœur ne saurait soutenir
Le passé, le présent et l'immense avenir.

A peine au présent seul son âme peut suffire;
Le présent seul est tout un coin est son empire,
Un hochet son trésor, un point l'immensité,
Le soir son avenir, un jour l'éternité.

Mais l'homme tout entier est caché dans l'enfance :
Ainsi le faible gland renferme un chêne immense.

Par l'ardeur de ses sens le jeune homme emporté Dévore le présent avec avidité,

Mais il ne peut fixer sa fougue vagabonde :
Plein des brûlants transports dont son cœur sur-
[abonde,

Il déborde, pareil à l'élément fumeux
Qui croft, monte et répand des bouillons écumeux,
Devance l'avenir, entend de loin la gloire,
Appelle à lui les arts, les plaisirs, la victoire ;
Rêve de longs succès, rêve de longs amours,
Et d'une trame d'or file, en riant, ses jours.
Age aimable, âge heureux, ton plus bel apanage,
Ce n'est donc point l'amour, la beauté, le courage,
Et la gloire si belle, et les plaisirs si doux !
Non, tu sais espérer ce plaisir les vaut tous.
L'âge mûr, à son tour, solstice de la vie,
S'arrête, et sur lui-même un instant se replie,
Et tantôt en arrière, et tantôt devant soi,
Se tourne sans regret, ou marche sans effroi.
Ce n'est plus l'homme en fleurs nous faisant des
[promesses;

C'est l'homme en plein rapport déployant ses ri[chesses.

Ses esprits ont calme teurs bouillons trop ardents; Sa prudence est active, et ses transports pro[dents;

Ses conseils sont nos biens, sa sagesse est la nôtre,
La moitié de sa vie est la leçon de l'autre ;
Et sur le temps passé mesurant l'avenir,
Prévoir, pour sa raison, n'est que se souvenir.

Hélas! telle n'est point la vieillesse cruelle;
Elle n'attend plus rien, on n'attend plus rien d'elle.
Si la raison encor lui permet de prévoir,
C'est des yeux de la crainte, et non plus de l'espoir,
Voyez ce chêne antique en son âge encor tendre,
Dans les champs paternels il aimait à s'étendre;
Chaque jour plus robuste, et plus audacieux,
Il plongeait dans la terre, il s'élançait aux cieux!
Mais quand l'âge a durci sa racine débile,
Dans la terre marâtre il languit immobile,
Et voilà la vieillesse! Adieu les grands desseins ;
Adieu l'amour, les vœux, l'hommage des humains !
Pour le soleil couchant il n'est point d'idolâtre;
Déplacé sur la scène, il descend du théâtre;
Alors, n'attendant rien ni du temps ni d'autrui,
Il revient au présent, se ramène sur lui,
Que dis-je? le présent est uu tourment lui-même:
Il se rejette donc sur le passé qu'il aime;
Il cherche à consoler, par un doux souvenir,
Et la douleur présente et les maux à venir :
Et même lorsqu'il touche à l'extrême vieillesse,
Quelque ombre de bonheur charme encor sa fai-
[blesse.

Du festin de la vie, où l'admirent les dieux,
Ayant goûté longtemps les mets délicieux,
Convive satisfait, sans regrets, sans envie,
S'il ne vit pas, du moins il assiste à la vie.
Ce qu'il fit autrefois, il le voit aujourd'hui,
Et le présent lui-même est le passé pour lui.
Delille.

LES QUATRE FINS DERNIERES DE L'HOMME.
La Mort.

La mort ne respecte personne;
Et, par la rigueur de ses lois,
Elle fait tomber la couronne
De la tête des plus grands rois.
Mais cette mort dont la nature
Trouve l'ordonnance si dure,
Est le désir du vrai chrétien;
Par elle il commence de vivre,
De tout mal elle le délivre,
Et le fait jouir de tout bien.
Le Jugement.
Est-il rien de si redoutable
Que le jugement éternel?
Le juge en est inexorable
Aux prières du criminel.
venge ses propres offenses,

Dans les replis des consciences

Il porte un lumineux flambeau :
Et par sa puissance suprême
Le criminel a dans lui-même
Et son témoin et son bourreau.

Le Paradis.

Dans le ciel règne l'innocence,
Les biens y passent les désirs;
On y possède en assurance

La paix, la gloire et les plaisirs.
Les corps sont aux âmes dociles,
Clairs, subtils, immortels, agiles,
Tout rit, tout plaît en ce beau lieu,
Tous sont rois dans ce grand empire,
Mortels, en un mot, pour tout dire,
Dans le paradis on voit Dieu.
L'Enfer.

Dans l'enfer règne la fureur,

Les maux y passent la constance,
On y souffre sans espérance,

On n'y voit que trouble et qu'horreur.
Les corps y sont épouvantables,
Noirs, sales, pesants, misérables;
Tout offense en ce triste lieu,
Tout y gémit, tout y soupire,
Mortels, en un mot, pour tout dire,
Dans l'enfer on ne voit point Dieu.
GODEAU.

QUEMADMODUM DESIDERAT CERVUS

AD FONTES AQUARUM, ITA DESIDERAT ANIMA MEA AD TE,

DEUS.

(Imit. du psaume XLI et du psaume XLII: Judica, me, Deus, etc.)

Chant d'espérance dans l'exil et dans le malheur.
Comme un cerf altéré vers l'eau vive s'élance,
Seigneur, vers toi mon cœur vole plein d'espérance;
Oui, pour toi, Dieu vivant, mon coeur est tout de feu.
Quand verrai-je ta gloire apaiser mes alarmes ?
Et le jour et la nuit, je me repais de larmes :
Ils me disent sans cesse: Où donc est-il ton Dieu ?
A ces mots, je soupire accablé de tristesse.
Quand reviendront-ils donc ces moments d'allé-

[gresse,

Où j'allais dans son temple adorer l'Eternel?
Où toutes les tribus célébraient ses louanges;
Et, joignant leurs accords aux cantiques des anges,
Elevaient jusqu'à lui leur concert solennel?

Quel amer chagrin te dévore,
Mon Ame? Pourquoi ces sanglots?
Espère en Dieu; je veux encore
Chanter sa gloire, et voir mes maux
Guéris par le Dieu que j'adore.

En proie au désespoir, mon âme se rappelle
L'abime engloutissant une race infidèle,
Et le Jourdain s'ouvrant pour sauver les Hébreux.
Les flots de ton courroux pèsent tous sur ma tête,
Seigneur; mais il approche enfin le jour de fête;

Elle approche la nuit des hymnes glorieux.

O toi qui m'as créé, tu me rendras la vie.
Comment m'oublierais-tu, quand une foule impie
Du cri de mes douleurs, hélas! se fait un jeu !
Quand, tournant contre moi ses sarcasmes, ses
[baines,

Elle fait bouillonner tout le sang de mes veines,
Quand elle ose me dire : Où donc est-il ton Dieu ?
Quel amer chagrin te dévore,

Mon âme ? Pourquoi ces sanglots?
Espère en Dieu; je veux encore
Chanter sa gloire, et voir mes maux
Guéris par le Dieu que j'adore.

Arbitre des humains, déclare-toi mon juge;
Condamne ces pervers et deviens mon refuge.
A l'audace, à la ruse arrache-moi, Seigneur.
Toi seul es mon appui, ma force, ma lumière.
Pourrais-tu rejeter la fervente prière
D'un malheureux qu'afflige un monde corrupteur ?
Fais briller à mes yeux ta vérité divine.
Que son flambeau sacré, Jéhova, m'illumine;
Que vers ton tabernacle il conduise ma foi.
J'irai, j'irai, mon Dieu, bonheur de mon jeune âge,
Offrir sur les autels mes vœux et mon hommage :
Oui, ma harpe et mes chants n'exalteront que toi!
Quel amer chagrin te dévore,
Mon âme? Pourquoi ces sanglots?
Espère en Dieu; je veux encore
Chanter sa gloire et voir mes maux
Guéris par le Dieu que j'adore.

J.-M. GIFFARD.

QUID GLORIARIS IN MALITIA,
QUI POTENS ES IN INIQUITATE?
La Puissance coupable.

Pourquoi mets-tu ta gloire à régner par le vice,
Et pourquoi sur le crime élever ton pouvoir?
Méditant des forfaits du matin jusqu'au soir,
Ta langue astucieuse aiguise ta malice,

Comme le tranchant du rasoir.
Mais tes iniquités bâtent ta dernière heure:
Comme un arbre planté dans des sables mouvants
Succombe tout à coup à la fureur des vents,
La mort va t'arracher du sein de ta demeure
Et de la terre des vivants.

Avec toi tomberont les derniers de ta race,
Et les saints, méditant un sort aussi cruel,
Diront, en louant Dieu : Le voilà ce mortel
Si fier de ses grandeurs, cet homme dont l'audace
S'éleva contre l'Eternel.

Et moi, dans la demeure où son peuple l'honore,
Dieu me verra fidèle à le glorifier,
Auprès de son autel croître et fructifier,
Comme sous un beau ciel, au souffle de l'aurore,
Fleurit au printemps l'olivier.

SAPINAUD DE BOISILGUET.

R

LE RAMEAU BENIT.

Rameau vert, qu'à l'église une sainte parole

Vient de bénir,

De la joie ou des pleurs m'offres-tu le symbole
Dans l'avenir?

Es-tu fils du rameau que la colombe en marche,
Par un beau soir,
Rapporta comme emblème aux habitants de l'arche,
Rameau d'espoir?

Ou viens tu de ce buis qui penche au cimetière
Son front en deuil,

El de nos morts aimés ombrage la poussière
Dans le cercueil ?

Mais non à ton aspect c'est l'espoir qui doit naître,
Et non l'effroi.

Aujourd'hui dans Sion Jésus le divin Maître,
Rentrait en roi.

Le feuillage et les fleurs jonchaient sa trace aimée,
Et chaque Hébreu

Déposait son manteau sur la route embaumée,
Aux pieds du Dieu.

Rameau bénit au nom du saint fils de Marie

En qui j'ai foi,

Rappelle-moi le jour de la Pâque fleurie,
Sacré pour moi.

Qu'une tendre pensée à tes feuilles s'attache
Dans mon esprit ;

Couronne le vieux cadre où la Vierge sans tache
Prie et sourit.

Protége mon sommeil; donne-moi d'heureux songes
Jusqu'aux instants

Où pour moi de quitter la terre et ses mensonges
Viendra le temps.

Alors dans l'eau bénite on trempera ta feuille,
Et chaque ami

Aspergera, pensif, la terre qui recueille
L'homme endormi.

Si mon départ suprême éveille quelque plainte,
Quelques douleurs,

Si de rares chrétiens aux gouttes de l'eau sainte
Mêlent des pleurs ;

Rameau cher et sacré, parle à ces âmes sombres

De pur amour;

Dis à ces cœurs brisés qu'ici-bas sont les ombres,
Là-haut le jour.

Toi qui fêtas en roi dans sa marche adorée
Le Dieu mortel,

Présage encor l'espoir, et fête aussi l'entrée
D'une âme au ciel.

Prosper BLANCHEMAIN.

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Quel ami des tyrans, quel apôtre du crime Attenta le premier à cette foi sublime? D'un dogme consolant destructeur odieux! Eteins donc le soleil, éclipse donc les cieux; Au cri du monde entier impose donc silence. Le monde, à haute voix, proclame sa puissance, Le remords éloquent nous en parle tout bas : Où Dieu n'existe plus la morale n'est pas. Ainsi la noble fleur, au grand astre si chère, Languit, s'il disparaît, revit dès qu'il l'éclaire. Mais l'homme que des sens enchaîne le pouvoir, Eut oublié bientôt un Dieu qu'on ne peut voir... Sa bonté de trop loin rassurait l'innocence; De trop loin les méchants redoutaient sa vengeance, Et, lancés de la terre à la voûte des cieux, Un intervalle immense eût fatigué nos vœux. Alors, Fille du Ciel, la Religion sainte, Conduisant sur ses pas l'espérance et la crainte, Vint combler cet abîme, et, nous servant d'appui, Par le culte de Dieu nous rapprocha de lui. L'Autel devint son trône, et la douce prière Mit le ciel en commerce avec l'humble chaumière : Le malheur éploré tendit ses bras vers Dieu; L'homme connut un culte. En tout temps, en tout lieu L'encens a parfumé les monts les plus antiques, Et l'écho du désert répéta des cantiques.

Des Ilébreux les tribus, en prodiges fécondes, Remontent, dans les temps, jusqu'au berceau des [mondes.

Jamais législateur (1), par des traits si puissants
Ne frappa la pensée et n'ébranla les sens.
A l'Hébreu pour monarque il donne un Dieu sa-
[prême:

Ce Dieu le récompense et le punit lui-même;
Dans les flots suspendus il lui fraye un chemin;
Ce Dieu, dans le désert, le conduit par la main.
Nourri par un prodige, instruit par des oracles,
Il ne marche jamais qu'entouré de miracles.
Reçoivent-ils la loi du Dieu de l'Univers?
C'est au bruit de la foudre, aux lueurs des éclairs.
Aussi cette loi sainte, avec terreur suivie,

(1) Moïse.

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