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Les anges criminels cédèrent la victoire;

Le Fils du Tout-Puissant revint couvert de gloire,
Entouré des esprits fidèles à ses lois.
Bientôt de l'Eternel le ciel entend la voix ;

Sa seule volonté règle la destinée :

Ma puissance, dit-il, par nul être bornée,
Ignorant le hasard et la nécessité,
Marque de l'univers l'espace limité.
Ici, pour remplacer cette troupe infidèle,
Créons un nouveau monde, une race nouvelle.
Terre, sors du chaos, et nage dans les airs,
Lumière, en un instant colore l'univers ;
Que l'eau du firmament de la mer se sépare;
De verdure et de fruits que la terre se pare ;
Cieux, brillez, ornez-vous de globes radieux;
Que la terre et le jour se divisent par eux;
Oiseaux, remplissez l'air; naissez, peuples de
[l'onde;

Qu'en divers animaux la terre soit féconde;
Que l'homme existe enfin, et se trouve parfait,
Qu'il règne sur ce monde. Il dit, et tout fut fait.

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Hataient leur joie et leur retour:
Même un peu de bonheur visitait la chaumière.
Au seuil d'une chapelle assis,

Deux enfants presque nus et pâles de souffrance,
Appelaient des passants la sourde indifférence,
Soupirant de tristes récits.

Une lampe à leurs pieds éclairait leurs alarmes, Et semblait supplier pour eux.

Le plus jeune, tremblant, chantait baigné de larmes; L'autre tendait la main aux refus des heureux.

Nous voici deux enfants nous n'avons plus de [mère; Elle mourut hier en nous donnant son pain : Elle dort où dort notre père.

Venez, nous avons froid, nous expirons de faim.
L'étranger nous a dit: Allez, j'ai ma famille :

Est-ce vous que je dois nourrir?
Nous avons vu pleurer sa fille,
Et pourtant nous allons mourir.
Et sa voix touchante et plaintive
Frappait les airs de cris perdus.
La foule, sans les voir, s'échappait fugitive,
Et bientôt on ne passa plus.

Ils frappent à la porte sainte ;

Car leur mère avait dit que Dieu n'oubliait pas. Rien ne leur répondait que l'écho de l'enceinte ; Rien ne venait que le trépas.

La lampe n'était pas éteinte :

L'heure, d'un triste son, vint soupirer minuit.
Au loin d'un char de fête on entendit le bruit;
Mais on n'entendit plus de plainte.
Vers l'église portant ses pas,

Un prêtre, au jour naissant, allant à la prière,
Les voit blanchis de neige et couchés sur la pierre ;
Les appelle en pleurant... Ils ne se lèvent pas...
Leur pauvre enfance, hélas! se tenait embrassée,
Pour conserver, sans doute, un reste de chaleur;
Et le couple immobile, effrayant de pâleur,
Tendait encor sa main glacée.

Le plus grand, de son corps couvrant l'autre à moi[tié,

Avait porté sa main aux lèvres de son frère,
Comme pour arrêter l'inutile prière,
Comme pour l'avertir qu'il n'est plus de pitié.
Ils dorment pour toujours, et la lampe encor veille.
On les plaint: on sait mieux plaindre que secourir.
Vers eux de toutes parts les pleurs viennent s'of-
[frir;

Mais on ne venait pas la veille.

Louis BELMONTET.

O SALUTARIS HOSTIA.

Traduction de l'antienne du Saint-Sacrement.

Hostie, aliment salutaire,

O céleste aliment qui nous ouvrez le ciel,
Quels ennemis nous font la guerre !
Fortifiez nos cœurs en ce combat cruel;
Affermissez nos pas votre appui tutélaire
Nous fera parvenir au repos éternel.

Corps de Jésus, 6 chair sacrée,
Qui nous nourrissez tous, et pasteurs et troupeau,
Pain de vie, hostie adorée,

Gloire à vous, bon Pasteur, notre divin Agneau!
Gloire éternelle à Dieu, la lumière incréée,
Père, Fils, Esprit-Saint: triple unique flambeau !
J.-Mich. HAINGLAISE.

OUBLI DE DIEU.

A MON FILS.

L'instinct des passions dans ton âme s'éveille,
Mon fils, et je m'émeus des périls que tu cours :
La raison parle en moi; prête un moment l'oreille
A ses graves discours.

Déjà brille l'éclair précurseur des orages;
Tu vas bientôt, heurté de rescif en rescif,
Parcourir une mer trop féconde en naufrages,
Sur un fragile esquif.

On a vu s'y briser les plus fortes carènes,
Et plus d'un nautounier qu'ont égaré l'orgueil,
Les trompeuses lueurs, ou la voix des Sirènes,
Fut jeté sur l'écueil.

Ne prends pas à l'excès confiance en ta voile :
Sur les flots de nos jours, Dieu seul conduit au but;
Seul il est la boussole, et le phare, et l'étoile,
Et l'ancre de salut.

Crains d'éloigner de lui ta fougueuse jeunesse,
Si tu veux t'épargner des remords et des pleurs :
C'est à l'oubli de Dieu que l'humaine faiblesse
Doit ses plus grands malheurs.

Oui, contre ses destins, voilà par quelle route
L'homme, héritier du ciel, né pour la vérité,
Du sein de la lumière, hélas, arrive au doute
Et dans l'obscurité.

C'est alors qu'il érige en doctrine, en système,
Ses rêves, ses erreurs, et prend pour la raison
Ce qui n'est que folie, absurdité, blasphème,
Contagieux poison.

Sais-tu quel ascendant le conduit à la haine,
Lui dicte la vengeance et les sanglants défis,
Des vices flétrissants lui fait subir la chaîne?
L'oubli de Dieu, mon fils.

Et lorsque vient le jour de mortelle souffrance,
Lorsqu'il faut dire au monde un éternel adieu,
Sais-tu ce qui lui laisse un cœur sans espérance?
Encor l'oubli de Dieu.

Quel est ce souffle impur qui désunit les frères,
Souille les plus saints nœuds de coupables amours,
Et fait se révolter les fils contre les pères?
L'oubli de Dieu, toujours.

Qui pousse au désespoir victime sur victime
Dont le hideux trépas se publie en tout lieu?
Qui mène à l'échafaud tant de héros du crime?
Toujours l'oubli de Dieu.

Enfant cher à mon cœur, oh! conserve en ton âme
L'héritage sacré du culte paternel;

Ne laisse point pâlir et s'éteindre la flamme
Qui luit devant l'autel.

Sois pieux, sois fidèle, et que ta foi s'augmente
En raison des écarts d'un monde corrupteur;
Embrasse comme un mât, au fort de la tourmente,
La croix du Rédempteur.

Longtemps elle a fléchi sous d'horribles tempêtes
Dont le siècle a gardé l'effrayant souvenir,
Et qui semblent encor gronder loin de nos têtes
Dans un sombre avenir.

Mais vers l'azur des cieux, puissante, radieuse,
On l'a revue enfin lever son noble front;
Et l'opprobre éternel d'une ligue odieuse
A vengé son affront.

Mais d'un vent destructeur peut triompher encore
De nos plus saints combats l'étendard révéré :
Le vaisseau de la terre à jamais se décore

Du Pavillon sacré.

Et fût-il vrai qu'un jour l'ouragan, dans sa rage,
Pût des flancs du navire à grand bruit l'arracher,
A ses débris encore, au milieu du naufrage,
Il faudrait s'attacher.

Sous son ombre, mon fils, le cœur grandit, s'épure,
A ces rayons de foi, d'espérance et d'amour
Qui viennent révéler à l'humaine nature
Le céleste séjour.

Là surtout j'ai senti dans mon âme inspirée,
Que l'accent du poëte est né religieux;
Là j'ai compris surtout de la lyre sacrée
Le destin glorieux.

Si tu dois à ton tour faire vibrer la lyre,
Aux grandes vérités consacre les accords,
Sans perdre en vains accès d'un frivole délire,
Le plus beau des transports.

Des travaux du savant si ton âme est éprise,
Songe à retrouver Dieu, Dieu dans tous les secrets,
Source du vrai savoir, c'est lui qui favorise

Tous les heureux progrès.

Aime à le contempler dans ses moindres ouvrages: Un germe, une humble fleur, un fruit doux et ver[meil,

Un insecte, un atome, appellent les hommages
Autant que le soleil.

Sache tout rapporter à ton auteur suprême; Rien n'est beau, rien n'est bon, rien n'est grand [que par lui;

Tous mes conseils sont vains, s'il n'est surtout lui[même

Ton guide et ton appui.
Pourquoi respires-tu? Pourquoi vers la lumière
Ce Dieu bon voulut-il, d'un souffle tout puissant,
Appeler tes regards, et d'un peu de poussière
Faire un être pensant?

Tu le sais, tu l'appris dès l'âge le plus tendre;
La sagesse a dicté la réponse à ton cœur;
Redis-la haut, très-haut, pour mieux la faire en-
[tendre

Au vulgaire moqueur.

Dieu t'a créé, mon fils, afin de le connaître, Pour l'aimer, le servir et mériter les cieux : Garde, pour expliquer l'énigme de ton être, Ce dogme précieux.

Oh! que cette croyance en nous se fortifie! Sublime enseignement, tu nous en dis assez; Et les brillants discours de la philosophie Par toi sont éclipsés.

Charles VIANCIN.

OUBLI DES HOMMES.

Goutte à goutte longtemps dans ma coupe modeste J'ai recueilli des fleurs l'humidité céleste.

Si la main de l'oubli me la renverse alors
Que je l'aurai remplie à couler par les bords,
Le ciel me donnera de contempler sans peine
Mes odorants travaux répandus sur l'arène,
Et le jour accablant de chaleur et d'ennui
Dévorant ces parfums enlevés à la nuit.
Le rossignol caché sous la feuillée épaisse,
Avant de dérouler sa voix enchanteresse,
S'informe-t-il s'il est dans le lointain des champs
Quelque oreille attentive à recueillir ses chants?
Non; il jette au désert, à la nuit, au silence
Tout ce qu'il a reçu de suave cadence.
Si la nuit, le désert, le silence sont sourds,
Celui qui l'a créé l'écoutera toujours.

Toute fleur ne nait pas, brillante sur nos rives,
Pour le sein des amours, ou le front des convives,
Pour tomber sous les doigts d'un jeune Eliacin
Et parer de festons les voûtes du lieu saint.
Ah! loin d'en être ainsi, le sort du plus grand
[nombre

Est de naître, briller et se flétrir à l'ombre.
Combien de diamants, dans la terre enfouis,
Ne brilleront jamais aux regards éblouis!
Que de jeunes beautés, ravissantes colombes,
Sans passer par l'hymen descendront dans leurs
[tombes!

Que de germes éclos aux rayons du soleil,
A peine réveillés, rentrent dans le sommeil !
La Mort, de tant de morts nullement assouvie,
Veille comme un dragon aux portes de la vie;
La moitié des destins s'accomplit seulement,
Et tout n'est ici-bas qu'un grand avortement.
Oh! qui justifiera cette injustice immense?...
Mais la terre n'a point toute notre existence.
Ne nous abattons point si mon luth inspiré
Des hommes pour toujours doit rester ignoré.
Si l'indignation en surprend ta pensée,
Oh! ce sera, mon âme, une plainte insensée,
La moment écoulé dans l'oubli du Seigneur,
Qui, comme un vent de mort, nous passe sur le
[cœur.

La lyre ne doit pas te rendre infortunée;
Remercions le ciel de nous l'avoir donnée;
Il est quelque plaisir qu'elle nous fait goûter,
Et tu t'épanouis en l'écoutant chanter!
Et mon front soucieux éclaircit ses nuages,
Comme au son de l'airain avortent les orages.
Les ombres de l'oubli préservent de l'orgueil,
Et la célébrité n'est qu'un plus grand écueil.
Un grand nom coûte cher dans les temps où nous
[sommes;

Il faut rompre avec Dieu pour captiver les hommes.
La gloire trop souvent apparaît sur un front
Comme germe le doute au cœur qui se corrompt,
Comme l'on voit sortir des moissons plus fécondes
D'un terrain humecté par des vagues immondes.
Que d'esprits, transportés sur la cime du mont,
N'ont pas pu résister aux pompes du démon,
E pour s'approprier des royaumes célèbres,

Ont adoré les pieds de l'ange des ténèbres!

De mon astre soumis loin des destins pareils !
Hélas! mes yeux ont vu tomber tant de soleils!
Si je venais jamais à franchir la limite,
Ramène-moi, mon Dieu, dans la borne prescrite;
Car l'esprit, une fois échappé de ta main,
Se fatigue à bondir et ne fait nul chemin.

Jean REBOUL.

OUVRAGES DE LA CREATION.

(Trad. du livre de Job.)

Du sein d'un tourbillon, le Souverain des cieux, En s'adressant à Job, s'écrie: ‹ Audacieux ! Pourquoi ces vains discours où l'ignorance abonde? Quand sur ses fondements j'affermissais le monde, Réponds, que faisais-tu? traçais-tu son niveau Balançais-tu son axe, architecte nouveau ? Et lorsque du matin les astres, pleins de joie, M'applaudissaient en chœur, me préparaient la voie, Qui renferma la mer en son vaste bassin? Qui réfréna les flots que vomissait son sein? C'est moi qui l'entourai de mes nuages sombres, Qui sur elle étendis le bandeau de mes ombres; Moi qui de l'Océan, dans son berceau fécond, Enveloppai l'enfance et l'instinct vagabond. Je lui dis Jusque-là je permets que tu grondes; Plus loin je te défends de répandre les ondes ; Je veux que sur ta rive expire ton orgueil. Présomptueux mortel, as-tu, par un coup d'œil, A l'astre du matin dit: Presse-toi d'éclore? As-tu marqué la place où resplendit l'aurore? De la mer mugissante as-tu creusé le fond, Et promené tes pas en son gouffre profond? Est-ce toi dont les mains, l'agitant comme un verre, Pour en chasser l'impie, ont secoué la terre? Ton bras a-t-il ouvert les portes de la mort? Parle, si tu sais tout; dis-moi d'où la nuit sort, Quel palais radieux habite la lumière; Dirige l'une et l'autre en leur vaste carrière; Apprends-moi le sentier qui mène à leurs séjours; Révèle-moi combien je t'ai compté de jours; Rassemble des autans l'impétueux cortége; Ouvre-moi, si tu peux, les trésors de la neige, Et fais que mon tonnerre, à ta voix adouci, Quand tu l'appelleras, réponde: Me voici. Est-ce toi dont la main donna par sa puissance A l'homme la sagesse, au coq la vigilance? Pourrais-tu raconter le grand ordre des cieux, Et des astres errants le cours harmonieux? Dis-moi, quand le corbeau cherche sa nourriture, Quelle main à ses fils prépare leur pâture? Vois ce rhinocéros, et cherche à le dompter; A la crèche, un instant, pourras-tu l'arrêter? Lui feras-tu, vainqueur de sa force infinie, Du joug laborieux subir l'ignominie? Le coursier te doit-il ses naseaux en fureur, Qui, de gloire gonflés, et soufflant la terreur, Roulent un feu guerrier dans leur ardente haloine? De ses bonds orgueilleux il insulte la plaine;

Sa force est dans ses nerfs, l'audace est dans son œil;
Son cou s'est redressé de colère et d'orgueil;
Rien ne peut l'effrayer; sur lui le carquois sonne,
Le glaive ardent frémit, le bouclier rayonne ;
Sur le tranchant du fer il s'élance irrité,
Frissonnant de fureur et d'intrépidité.
Dès qu'il entend l'airain il tressaille, il s'écrie:
Allons! et des guerriers il brave la furie.
Vois l'aigle, inaccessible, au sommet du rocher :
En son aire, dis-moi, pourras-tu l'approcher?
Explique-moi son œil dont le regard foudroie
Et voit du haut des cieux son invisible proie.
Ses fils sucent le sang, la mort est leur butin;
Et ton corps, en débris, deviendra leur festin.

Si ces faits étonnants n'ont rien qui te surprenne,
Si tu crois que tout tremble à ta voix souveraine,
Eh bien du monde entier déclare-toi l'auteur;
Sous les pieds, de mon trône abaisse la hauteur;
Fais rayonner sur toi mon vêtement superbe;
Du tonnerre en ta main saisis la triple gerbe :
Alors du Roi des cieux tu rempliras l'emploi,
Tu seras Dieu toi-même, et je plierai sous toi.
PARSEVAL DE GRANDMAISON.

OUVRIERS DES CATHEDRALES DU MOYEN AGE.
Ils avaient dans le cœur la divine étincelle
Les hommes patients qui sculptaient en dentelle,
Pour la rendre légère et splendide à nos yeux,

La pierre des clochers qui s'élèvent aux cieux.
A tailler un seul bloc ils passaient des années,
Et quand venait la fin de leurs rudes journées,
Accablés, mais remplis d'une sainte ferveur,
Avant de reposer, ils priaient le Seigneur
Qu'il prolongeât leur temps pour achever l'ouvrage!
Ils ne laissaient jamais à leurs fils d'héritage;
Mais ils laissaient un nom, par la postérité,
De plus en plus grandi, jusqu'à nous apporté.
Les uns, en traits brillants sachant peindre les
[verres,
Représentaient des saints les visages sévères
Qu'ils suspendaient partout où le soleil joyeux
Pouvait répercuter leurs tons mystérieux.

D'autres faisaient surgir d'un chêne dur et
[sombre
Des guirlandes de fleurs, des figures sans nombre:
Le bonheur des élus, les douleurs de l'enfer.
D'autres enfin s'usaient à ciseler le fer
De la porte d'honneur, si brillante et fleurie
Qu'on eût dit un morceau de riche orfévrerie!

Tous étaient animés de la plus noble ardeur, Et devant ces travaux dont l'étrange grandeur Prenait à chacun d'eux tout le cours de sa vie, La foule applaudissait, car elle était ravie; Car elle comprenait que ces âmes de feu Etaient comme un reflet de la splendeur de Dieu! Edouard GOURDON et DE MÉLANG (1).

P

LA PAIX DE L'AME.

Du plaisir cherchez la douceur,
Videz la coupe enchanteresse,
Et demandez à votre cœur
D'où vient ce soupir de tristesse.
A ses passions enchaîné,
L'homme inquiet offre l'image
De ce lion emprisonné
Creusant le désert dans sa cage.
Le faux sourire du mondain
Ressemble aux feuilles parfumées
Que sur l'eau bourbeuse a semées
Le souffle encor pur du matin.
Entre deux feuilles qui frissonnent
L'araignée a croisé ses fils :
Quels réseaux nombreux et subtils
Autour des fleurs qu'ils emprisonnent
Votre cœur tient par des liens
Plus pressés et plus fins encore
A ces désirs, à ces riens

Que le caprice a fait éclore.

Si vos sens ne sont pas fermés

A ces fleurs où rit la nature,
Toujours les souffles embaumés

Entreront par quelque ouverture.
Oui, votre courage est tenté
A l'embûche la plus frivole,
Et vous jouez l'éternité
Contre un regard, une parole.

Ah! fuyez l'homme et ses travers,
Vous trouverez la paix profonde :
Si vous mourez à l'univers,
Votre âme sera tout un monde.
Combien de tourments superflus!
Maître aujourd'hui de ce qu'on aime,
Demain on craint de perdre même
Ce que déjà l'on n'aime plus.
Votre joie est un vain délire;
La tristesse suit vos transports,
Et vos pleurs tombent sur la lyre
Dont un son faux rompt les accords.
D'une hirondelle ou d'un nuage
L'ombre passant sur le gazon,
De vos plaisirs telle est l'image :
Devant vos pas fuit l'horizon.
Il est un mont, loin de la terre,
Où, noyé dans les flots d'azur,
Buvant les feux d'un soleil pur,

(1) Auteurs d'un poëme en cinq chants, intitulé: Les Cloches, publié en 1818, in-18 de 100 pag.

On foule à ses pieds le tonnerre;
De ce monde étouffant le son,

De peur d'y troubler notre veille,
L'air n'ose porter à l'oreille
De la feuille un léger frisson.
L'homme y parvient, nouvel Elie,
Au vallon jette son manteau,
Et paraît sortir de la vie,
Sans avoir franchi le tombeau.

Plein de silence et d'harmonie,
Là, vêtu d'un rayon doré,
Et de solitude enivré,
Il nage en la paix infinie.

Cette paix est la vérité

Qu'on voit luire au bout du voyage;
Alors plus d'ombres ni d'orage
Entre nos yeux et sa clarté.

A nos désirs livrons la guerre !
De la paix voilà le chemin.

La paix! nom sacré, nom divin
Que notre Dieu prend sur la terre!

Edouard ALLetz.

PAIX DU COEUR ET DE L'ESPRIT.

SON PRIX; MOYEN de l'acquérir ET DE LA CONServer. Le calme intérieur est le trésor unique

Qui soit digne de nos souhaits;
L'homme docte sert moins que l'homme pacifique,
Et le fruit du savoir cède à ceux de la paix.
Qui se possède en paix semble d'autre nature,
Il sait tourner le mal en bien;

Il sait fermer l'oreille au bruit de l'imposture,
Et jamais d'aucun autre il ne soupçonne rien.
Mais qui vit mal content et suit l'impatience
De ses bouillants et vains désirs,
Celui-là n'est jamais sans quelque défiance,
Et voit partout matière à de prompts déplaisirs.
Deux espèces d'esprits se partagent le monde,
Et ces esprits sont bien divers :

Il en est qui dans eux ont une paix profonde,
Et sauraient la garder avec tout l'univers.
Il en est d'opposés, et les vivants supplices
De qui se condame à les voir;

Mais plus à charge encore à leurs propres caprices,
Se donnant plus de mal qu'ils n'en font recevoir.
La véritable paix n'est pas ce que l'on pense:
Tant que nous sommes ici-bas,

Eile consiste plus dans une humble souffrance
Que dans l'oubli des maux que l'on n'éprouve pas.
Qui donc goûte le mieux la paix la plus profonde?
Celui qui sait souffrir le mieux :

Il triomphe ici-bas de lui-même et du monde,
Et comme enfant du ciel son partage est aux cieux.
Pierre CORNEILLE.

DE LA PAIX INTÉRIEURE,

ET DU SOIN DE SON AVANCEMENT DANS LA VERTU.

(Trad. du livre de l'Imitation.)

1.

De quelle douce paix nous nous verrions combler,
Si nous voulions du moins ne jamais nous mêler
De chercher ce que font, ce que disent les autres,
Si nous ne connaissions d'affaires que les nôtres!
Celui-là pourrait-il rester longtemps en paix,
Qui de soins étrangers traîne avec lui le faix;
Qui, cherchant au dehors des embarras qu'il aime,
Si peu, si rarement se recueille en lui-même ?
Cœurs simples, cœurs pieux, quel est votre bon-
(heur
Seuls d'un calme profond vous goûtez la douceur.
II.
Comment des saints ont-ils acquis dans leur re-
[traite,

Pieux contemplatifs, cette vertu parfaite?

Aux vains désirs du monde heureux de s'arracher,
A Dieu du fond du cœur ils surent s'attacher;
De son amour en eux alimentant la flamme,
Sans obstacle ils ont pu s'occuper de leur âme.
Et nous, des passions infortunés jouets,

Ce qui passe en un jour nous rend tout inquiets.
Rarement avons-nous la force nécessaire
Pour combattre un seul vice, et pour nous en dé-
[faire,

Et la vertu jamais n'excitant notre ardeur,
Notre cœur engourdi s'endort dans sa froideur.
III.

Si nous savions mourir tout à fait à nous mêmes,
Et si nous n'avions point ces embarras extrêmes,
Notre esprit essayerait son vol vers l'Eternel,
Et nous pourrions aussi goûter les biens du ciel.
Mais, hélas! asservis aux passions mondaines,
Empêchés par les sens dont nous traînons les chaînes,
Jamais nous ne tentons de vaincre le péché,
Pour entrer dans la voie où les saints ont marché.
Arrive-t-il parfois que le sort nous traverse,
Le moindre vent contraire aussitôt nous renverse,
Et, faibles, on nous voit, dans nos afflictions,
Mendier aux humains des consolations.

IV.

Certes, du haut du ciel, armé pour nous détendre, Nous sentirions sur nous le bras de Dieu s'étendre, Si, brûlants de courage, en généreux soldats, Nous savions demeurer fermes dans les combats. Quiconque sait lutter avec persévérance; Quiconque dans sa grâce a mis son espérance, C'est celui-là toujours dont Dieu soutient l'ardeur, Lui qui donne à combattre, afin qu'on soit vain[queur.

Mettre tout son progrès dans la stricte observance De stériles devoirs qui n'ont que l'apparence, C'est s'exposer à voir crouler en peu de temps Une foi qui n'a pas de plus sûrs fondements.

Aux racines de l'arbre enfin mettons la hache, Et la paix régnera dans notre âme saus tache.

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