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Max bords les plus lointains doit bientôt parvenir,
Et sous des lois d'amour enchaîner l'avenir.
Quelle sainte grandeur brille dans son histoire !
Avec quel intérêt je le suis au prétoire!

Cet auguste opprimé, toujours calme et serein,
A l'orage qui gronde oppose un front d'airain.
Je préte vainement une oreille attentive,
Pour suivre d'un soupir la trace fugitive;
D'un peuple forcené les longs rugissements,
La crainte de la mort, l'appareil des tourments,
A cette ȧme si belle et si noble et si pure
Rien ne peut arracher une plainte, un murmure,
Un accent de colère, un geste de mépris.

Sophiste, maintenant, dis-moi, l'as tu compris?
N'est-ce pas là d'un Dieu le céleste courage?
Quelle sérénité dans le cours de l'orage
Embellit de son front la touchante candeur!
Tout révèle à mes yeux sa divine grandeur.
Filate en est ému; d'une foule en démence
Il brûle d'obtenir un arrêt de clémence.

Il tâche, mais en vain, de sauver l'innocent;

Le peuple est en fureur, le peuple est menaçant :

Et Pilate effrayé, devenu son complice,
Du juste qu'il admire ordonne le supplice.

Indigne magistrat, où donc est ta vertu?
Vainement pour le Christ ton cœur a combattu;
Au seul nom de César ton cœur pusillanime
Abandonne aux bourreaux la plus sainte victime!
Fatale ambition, c'est ainsi qu'à ta voix
L'homme foule à ses pieds la justice et les lois.

Hélas! c'en est donc fait ? la sentence est écrite; On va donc le flétrir, sa mémoire est proscrite. Quel homme généreux ne l'a pas admiré Quand faible, tout sanglant, en lambeaux déchiré, Abreuvé de mépris, chargé d'ignominie,

Il commence le cours de sa lente agonie?

Påle, traînant sa croix, souffrant mille douleurs, De son peuple en délire il pleure les malheurs. O coupable Sion! dans sa vertu sublime Bien loin de te maudire il excuse ton crime! Au rang des scélérats indignement placé Il prie encor pour toi, peuple trop insensé.

Sans nier la raison, puis-je donc méconnaître Dans le juste immolé le Dieu qui m'a fait naître? Aux prodiges nouveaux qui suivent son trépas Quel homme en douterait et n'en conviendrait pas ? Le Christ paraît vaincu, mais à peine il expire Que la nature en deuil proclame son empire; Le monde a chancelé sur ses vieux fondements Et la mer retentit d'affreux mugissements; L'écho répète au loin le fracas du tonnerre; Une profonde nuit se répand sur la terre ; D'un nuage sanglant le soleil est couvert; Dans plusieurs régions le sol s'est entr'ouvert; De douleur et d'effroi le Golgotha soupire, Et du temple soudain le voile se déchire; Le prêtre à cet aspect demeure épouvanté;

Des spectres ambulants errent dans la cité;
El saisis de terreur au milieu des ténèbres
Les animaux tremblants poussent des cris funè-
[bres :

Enfin de toutes parts des prodiges vengeurs
Frappent tous les esprits et glacent tous les cœurs.
Le trouble est dans Solyme et les bourreaux eux-
[mêmes

N'osent plus répéter leurs odieux blasphèmes.
Chantez le Christ, chantez, peuples de l'univers;
Il a vaincu Satan et les cieux sont ouverts.
Gloire, gloire éternelle à l'auguste victime
Qui ferme sous nos pas les gouffres de l'abîme!
Et trop heureux mortels, redisons nuit et jour
Nos concerts d'allégresse et nos hymnes d'amour.
N. ROSSET

JÉSUS ENFANT.

Entr'ouvrez vos frais calices,
Fleurs des vallons et des bois;
Semez vos pures délices,
Versez vos saintes prémices
Sur le front du Roi des rois.
Quoiqu'il soit sans diadème,
Sans royaume et sans pouvoir,
J'ai vu les palmiers d'eux-même
S'incliner pour l'entrevoir;

Le grand aigle et sa compagne
Ont chanté le Dieu nouveau,
Et le cri de la montagne
A salué son berceau.
Entr'ouvrez vos frais calices,
Fleurs des vallons et des bois,
Semez vos pures délices,
Versez vos saintes prémices
Sur le front du Roi des rcis.
Comme il est beau! l'àge aride
Respecte encor sa fraîcheur,
Il n'a pas encor de ride,
Il ne sait pas la douleur !
Pauvre enfant! près de sa mère
Accoudée au bord du lit,
Il joue avec la lumière
Qui le cherche et lui sourit.
Entr'ouvrez vos frais calices,
Fleurs des vallons et des bois;
Semez vos pures délices,
Versez vos saintes prémices
Sur le front du Roi des rois.
Et la mère agenouillée
Ne le quitte pas des yeux;
On la dirait effrayée
D'un sort aussi glorieux.
Dans sa prévoyance sainte,
Faible et forte tour à tour,
Elle aurait peur si la crainte
Ne se perdait dans l'amour.
Enti'ouvrez vos frais calices,

Fleurs des vallons et des bois;
Semez vos pures délices,
Versez vos saintes prémices
Sur le front du Roi des rois.
Poursuis, enfant! ta faiblesse
N'a pas besoin de soutien,
Le siècle ingrat te délaisse,
Mais l'avenir t'appartient.
En vain la terre se ligue,
O célesté Emmanuel,

Cette main, qu'un rien fatigue,
Soutient la terre et le ciel!
Entr'ouvrez vos frais calices,
Fleurs des vallons et des bois;
Semcz vos pures délices,
Versez vos saintes prémices
Sur le front du Roi des rois

Edouard TURQuety.

JÉSUS-CHRIST MOURANT SUR LA CROIX. Jour de calamités! ô remords éternels! Comme un vil imposteur, entre deux criminels, Sur la honteuse croix les Hébreux l'étendirent, Et du sang de Jésus les flots se répandirent : La tache de ce sang sur leur front s'imprima; Dès lors des nations la haine s'alluma, Et toutes rejetant cette race perfide Pour elle ont inventé le nom de déicide.

A peine d'Israël le crime est accompli,
Que la foudre a grondé, la terre a tressailli.
Avant l'heure du soir, de profondes ténèbres
Couvrent de Josaphat les monuments funèbres.
Les gardiens du supplice, alors saisis d'effroi,
Proclament le Messie et confessent la foi,
Et soudain abjurant leur fureur insensée,
Adorent à genoux la croix qu'ils ont dressée.
Tout s'émeut chaque objet emprunte un senti-
[ment

Pour dire à l'univers le saint événement :
Le temple sent mouvoir sa base de porphyre,
Du dôme jusqu'au pied son voile se déchire.
Les vents impétueux se croisant dans les airs
Font voler vers Sion la poudre des déserts.
Les nuages surpris s'arrêtent dans leur course,
Le fleuve épouvanté remonte vers sa source.
De leurs linceuls vieillis écartant les lambeaux,
Les morts ressuscités sortent de leurs tombeaux;
Le soleil s'obscurcit, les montagnes se fendent.
D'eux-mêmes dans l'enfer les tourments se sus-
[pendent.

Les démons à leur tour connaissent la terreur.
Sur son trône ébranlé, Satan plein de fureur,
Du serpent favori voit la tête écrasée,

La chaîne de la mort entre ses mains brisée.
En vain de ses sujets il réclame l'appui;
Les captifs rachetés s'échappent malgré lui.
Faisant taire leur chant, les célestes cohortes
Du royaume éternel ouvrent déjà les portes;

Vers les cicux attentifs un cri s'est élevé... L'âme du Dieu s'exhale... et le monde est sauvé! Mme GIRARDIN (Mlle Delphine GAY).

JESUS, ROI DE GLOIRE.

O Dieu vraiment caché, Dieu mille fois aimable, Viens répandre en mon cœur tes plus puissants [attraits;

Accorde moi les dons de ta grâce ineffable,
Et le charme innocent de ta céleste paix.
Puissé-je révéler à l'homme qui l'ignore
Ton nom que tous les cieux célèbrent à jamais!
Et puissé-je attacher à tes lois que j'adore,
Ceux qui n'ont point connu ta gloire et tes bien-

[faits!

Tu le sais, ó mon Dieu; quand mon âme attendrie
Vient répandre à tes pieds son amour et ses pleurs;
Quand, pressant sur mon sein ton image chérie,
Aux douleurs de la croix je mêle mes douleurs,
Mon Dieu, pour ton enfant quel bonheur de se
[dire:

Attends, attends encore, apaise tes regrets,
Console-toi, mon âme, un jour enfin doit luire,
Et ce jour-là nos pleurs sécheront pour jamais.
Alors cet humble agneau que parmi les tortures
Tu contemples courbé sous les coups du pécheur,
Combien alors, du sein des clartés les plus pures,
Tu le verras sortir couronné de splendeur!
Quel éclat sur ce front que la terre coupable
D'un sanglant diadème osa ceindre autrefois!
Et quelle majesté, quelle gloire adorable,
Révèle à l'univers le souverain des rois!
L.-J. HALLEZ.

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Et laisse du Seigneur l'éternelle pensée;
Qe l'homme, sur la plage où se brise le sort,
Anticipe la paix que réserve la mort.

Aux lieux où l'infini s'ouvre une route intime,
J'aperçois du trépas la dernière victime,
Qui, déposant ici son pudique destin,
Achève en l'autre vie un fortuné matin.

Ce marbre éblouissant, cette fraîche couronne,
La mystique blancheur dont le deuil s'environne,
Le bouquet embaumé, simple et dernier honneur,
Colorent le trépas des teintes du bonheur.

Sous ce dome pieux une fille repose;

Un souffle impur n'a point profané cette rose;
Son esprit au Seigneur dans sa fler est monté,
Parfumé d'innocence et de virginité.

On la vit, aspirant à sa belle patrie,
Nourrissant de la mort la sainte rêverie,
I cliner vers la tombe un front silencieux,
Comme un chaste bouton, qui doit s'ouvrir aux
[cieux.

Qu lle sœur, pour parer cette jeune relique,
Mit le bandeau de fleurs sur sa tête angélique,
Et déployant le soir un modeste linceul,
De sa cendre précoce enrichit le cercueil ?
O fille bienheureuse, au salut destinée,
Conserve avec le ciel tou brillant byménée !
Dans le cercle divin où fleurit la pudeur,
Entre au groupe voilé des vierges du Seigneur !
Que rien ne trouble ici ta naïve poussière,
Dont la foi des mortels protége la barrière;
Et, lorsque l'Homme-Dieu marquera son retour,
Que lui seul la réveille au bruit du dernier jour.
Mme DE CÉRÉ-BARBÉ.

JEUNE FILLE ET JEUNE FLEUR.

Il descend ce cercuei, et ces roses sans taches
Qu'un père y déposa, tribut de sa douleur;
Terre, tu les portas, et maintenant tu caches
Jeune fille et jeune fleur.

Ah! ne les rends jamais à ce monde profane,
A ce monde de deuil, d'angoisse et de malheur;
Le vent brise et flétrit, le soleil brûle et fane
Jeune fille et jeune fleur.

Tu dors, pauvre Elisa, si légère d'années;
Tu ne sens plus du jour le poids et la chaleur,
Elles ont achevé leurs fraiches matinées,

Jeune fille et jeune fleur.

Sur la tombe récente un père qui s'incline
De la vierge expirée a déjà la pâleur:

Vieux chêne, le temps a fauché sur la racine
Jeune fille et jeune fleur.

CHATEAUBRIAND.

JOB, SA PLAINTE. (Trad. du chapitre 1 du Livre de Job.) Qu'il périsse à jamais le jour où j'ai reçu Le don de la clarté céleste !

Oui, périsse la nuit funeste,

La nuit qui dit au monde : un enfant est conçu!
Ce jour qu'il se change en ténèbres !
Que Dieu le plonge dans l'oubli,
Que sous des nuages funèbres

Ce jour demeure enseveli!

O nuit de ma naissance! ô nuit infortunée !.....
Que sur elle la mort jette son voile épais,
Et que, du cercle de l'année,
Dieu la retranche pour jamais!

Que pendant cette nuit la douleur solitaire
Laisse seule échapper ses sinistres accents,
Et que les échos gémissants

N'y répètent qu'un son lugubre et funéraire !
Que, parmi les temps malheureux,
Cette effroyable nuit soit à jamais placée,
Parmi ces temps de deuil où la foule insensée
Blaspheme insolemment l'astre éclatant des cieux!
Nuit, que de tes flambeaux l'éclat se décolore
Sur ton front morne et pâlissant:
Que s'éteigne pour toi le pourpre éblouissant
Des feux précurseurs de l'aurore,

O toi qui n'a pas de mes jours
Dès leur source arrêté le déplorable cours!
Que ne m'a-t-on fermé les portes de la vie?
Que ne m'a t-elle été ravie

Sur les genoux qui m'ont reçu,

A l'heure où je sortis des flancs qui m'ont conçu ?
Pourquoi dans mon berceau ma nourrice fidèle,
Ignorant le malheur qui m'était destiné,
Aux lèvres d'un enfant à gémir condamné,
A-t-elle présenté le lait de sa mamelle?
Maintenant oublié, sans craindre le réveil,
Je dormirais en paix mon éternel sommeil
A côté de ses rois qui, dans leur court passage,
Aux siècles à venir léguant leur fol orgueil,
Jusqu'aux voûtes du ciel élevaient leur cercueil,
De leur néant pompeux solennel témoignage ;
A côté de ces grands si fiers, si fastueux,
Dont l'or embellissait les palais somptueux.
Au tombeau descendu, là j'aurais cessé d'être,
Tel qu'un germe étouffé qui meurt avant de naître.
C'est là que des méchants expirent les complots,
Là, qu'après son travail l'homme atteint son repos;
Là, l'esclave affranchi du joug de sa misère,
D'un tyran odieux ne craint plus la colère;
Là, dorment confondus sous la main de la mort,
Et le riche et le pauvre, et le faible et le fort.
Pourquoi, pourquoi donner la vie au misérable?
Fallait-il l'imposer au mortel qu'elle accable,
A celui dont les cris appelant le trépas,
L'implorent comme un bien, et ne l'obtiennent pas,
Et qui, par le tombeau, terme de sa souffrance,
Voit couronner enfin sa plus chère espérance;
A l'homme, vil esclave, à sa chaîne attaché,
Jeté sans guide, sans lumière,
Dans sa ténébreuse carrière,

Labyrinthe inconnu dont le fil est caché?

Par des cris douloureux ma bouche se soulage,
Avant d'avoir goûté ses premiers aliments,
Les pleurs qu'à ma paupière arrachent mes tour-
[ments

Se mêlent avec mon breuvage,
Je craignais l'infortune, et je subis sa loi,
Je redoutais la foudre, elle éclate sur moi.
C'en est fait, hélas ! je succombe
Sous le fardeau de mon malheur,
Plus de relâche à ma douleur,

Pius de repos que dans la tombe.

LEVAVASSEUR.

JOB INTERROGÉ PAR LE SEIGNEUR. DISTANCE QU'IL Y A ENTRE LE CRÉATEUR ET LA CRÉA

TURE.

(Trad. du chapitre xxxv du Livre de Job) Quel est cet insensé dont l'orgueilleux murmure Mêle le faux au vrai, la louange à l'injure? Arme-toi de courage, ose m'envisager, Ecoute, c'est ton Dieu qui va t'interroger. Quand sa main sur sa base affermissait la terre, De ton être quel lieu recélait le mystère? Dis-moi, si tu le sais, du monde encor nouveau Qui créa les ressorts, qui régla le niveau,

Qui posa la pierre angulaire,

Quand, dans leurs sublimes transports,
Tous les enfants du ciel célébraient mes louanges,
Et qu'au choeur ravissant des anges

Les astres étonnés unissaient leurs accords?
De l'Océan captif qui creusa les rivages,
Quand sortant de l'abîme, à ses flots écumants,
Ma parole donnait l'ombre pour vêtements
Et pour ceinture les nuages;
Quand la puissance de mon bras

A sa fougue opposait d'immuables barrières,
Et que je lui disais : Jusqu'ici tu viendras,
Et là se briseront tes vagues prisonnières?
Depuis que le soleil a vu naître ́tes jours,
A-t-il à tes décrets assujetti son cours?
Du berceau de l'aurore as-tu marqué la place?
As-tu, du monde entier submergeant la surface,
Englouti tout à coup la race des méchants?
Pour l'épouvante de la terre,
Trouve-t-on imprimés sur l'argile des champs

Les monuments de ta colère?

Et quel autre aveuglant l'impie audacieux
Désarma tout à coup son bras séditieux ?
As-tu sondé des mers les cavités profondes?
Tes pieds ont-ils foulé la source de leurs ondes ?
Tes yeux ont-ils su découvrir

De l'empire des morts les livides fantômes,
Et les portes des noirs royaumes

A ta voix les vis-tu s'ouvrir?

S'il n'est rien sous le ciel qui se cache à ta vue, De la terre à l'instant mesure l'étendue.

Indique à mes regards la route qui conduit
Au palais du sommeil, aux antres de la nuit,
Aux climats plus heureux que la lumière habite.
De ces pays divers assigne la limite.

Des premiers jours du monde as-tu vu les clartés,
Et peux-tu dire encor ceux qui te sont comptés?
Aurais-tu pénétré dans l'arsenal immense
Où l'eau se forme en neige, en glace se condense!
Contre mes ennemis j'en ai grossi l'amas;
Mes traits sont préparés pour le jour des combats.
Dis-moi par quel chemin se répand la lumière,
Quel doigt trace à l'Eurus sa brillante carrière,
Qui donne leur essor aux orageux torrents,
Qui maîtrise la foudre et ses feux dévorauts?

La pluie en diamants liquides
Rajeunit les plaines arides

Et porte la fraîcheur à ces champs désolés
Que jamais des humains les pas n'avaient foulés.
L'onde, désaltérant la campagne flétrie,
D'une robe de fleurs embellit la prairie;
Mortel, est-ce par ton pouvoir
Que la terre est fertilisée,
Et les gouttes de la rosée,

Est-ce toi qui les fais pleuvoir ?
Dis quel sein enfanta les frimas et la glace;
Dis quel souffle, des eaux enchaînant la surface,
A su consolider leur mobile miroir?

Est ce par ta sagesse, est-ce par ton génie
Que du vaste univers s'entretient l'harmonie ?
Fais-tu sortir des flots l'Orion orageux?
Des pléiades as-tu rassemblé la famille ?
De l'astre du matin allumas-tu les feux!
Hespérus te doit-il la clarté dont il brille,
Quand du soleil absent il console les cieux?

Ordonne, commande aux nuages,
Entendra-t-on soudain répondre les orages?
Et la foudre, éclairant l'horizon obscurci,
Te dira-t-elle : Me voici?

De la comète, effroi du monde, Qui soumet à des lois la course vagabonde? Est ce de tes leçons qu'en mille jets divers Le météore apprit à sillonner les airs? Lorsque de Sirius les chaleurs concentrées De la terre ont lari les veines altérées; Quand les feux du soleil fendent ses flancs poudreux, Qui sur son sein brûlant verse l'urne des cieux? A la main le lion doit-il sa nourriture? Prends-tu soin de ses lionceaux, Quand, aux aguets dans leur tanière obscure, De l'œil ils cherchent leur pâture? Qui prête vie aux petits des corbeaux? Lorsque j'entends crier la faim qui les dévore, Est-ce toi que leur voix implore?

As-tu, brisant les fers de l'onagre indocile, Marqué pour son domaine une terre stérile? La solitude plaît à sa måle fierté;

Il n'entend point les cris d'un maître qui l'opprime:
Que lui fait le vain bruit qui trouble la cité?
Son plaisir est de paître et d'errer sur la cime
Des monts qu'il foule en liberté.

Le buffle, si jaloux de son indépendance,
Viendra-t-il se courber sous ton obéissance?

Va le long des coteaux, dans le creux des vallons,
Soumettre son orgueil aux travaux des sillons.
En esclave, qu'il rende hommage à ta puissance;
Ordonne, et que, bravant les brûlantes saisons,
Docile, en tes greniers il porte tes moissons.

Qui donne au paon l'orgueil, la plainte aux tour[terelles,

Au héron son aigrette, à l'épervier ses ailes?
De l'autruche, dis-moi, qui, sur un sol désert,
Vient féconder les œufs qu'en fuyant elle perd?
Oubliant qu'aux périls sa famille exposée
Sous les pieds du passant va périr écrasée,
Son insensible cœur, sans pitié pour les siens,
De la maternité brise tous les liens,
J'aveuglais son instinct, en elle je fis taire
Cette voix qui toujours parle au cœur d'une mère;
Mais que le moindre bruit l'avertisse de fuir,
En voile déployant ses ailes pour courir,
Elle ose défier, dans son élan rapide,

Le cheval écumant sous la main qui le guide.

Le coursier belliqueux qui cherche les hasards
Te doit-il de son cou l'ondoyante crinière?
Te doit-il sa valeur, son audace guerrière,
Son fier hennissement, le feu de ses regards?
Te doit-il de bondir comme la sauterelle?
Sous lui la poudre vole et le sol étincelle :
Orgueilleux de sa force, il fond sur le guerrier;
Il méprise la peur, il insulte à l'acier.
Entend- 1 près de lui siffler le trait rapide,
Voit-il briller le glaive ou le dard homicide,
Il agite dans l'air ses naseaux frémissants;
Il se couvre d'écume, il s'enflamme, il bouillonne ;
Terrible, il bat la terre et du pied la sillonne.
A-til de la trompette entendu les accents,
Allons, dit-il; soudain comme un trait il s'élance;
Intrépide il affronte et la flamme et la lance.
Il dévore l'espace, et, bravant le trépas,
S'enivre du tumulte et du bruit des combats.

Tois le jeune épervier, quand essayant ses ailes,
Du midi qui l'attire il cherche les climats.
Est-ce toi qui, propice à ses premiers ébats,
Lui prétes le secours de ses plumes nouvelles ?
Ouvres-tu dans les airs à l'aigle audacieux
La route qu'il poursuit jusqu'aux voûtes des cieux?
Sur la cime des monts plane son aile altière;
Le plus vil vermisseau rampant dans la poussière,
Invisible pour l'homme est visible à ses yeux;

(1) Deux vers d'une profonde harmonie. (FONTANES)

(2) Ce vers ne fait-il pas entendre, en quel

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La justice et la vérité

Servent de fondement à son trône terrible;

Une profonde obscurité

Aux regards des humains le rend inaccessible;
Les éclairs, les feux dévorants,

Font luire devant lui leur flamme étincelante;
Et ses ennemis expirants
[lante (1).
Tombent de toutes parts sous la foudre brù-

Pleine d'horreur et de respect

La terre a tressailli sur ses voûtes brisées (2),
Les monts, fondus à son aspect,
S'écoulent dans le sein des ondes embrasées.

De ses jugements redoutés

La trompette céleste a porté le message,
Et dans les airs épouvantés

En ces terribles mots sa voix s'ouvre un passage :
Soyez à jamais confondus,

Adorateurs impurs de profanes idoles;

Vous qui, par des vœux défendus,

Invoquez de vos mains les ouvrages frivoles.

Ministres de mes volontés,

Anges, servez contre eux ma fureur vengeresse; Vous, mortels que j'ai rachetés,

Redoublez à ma voix vos concerts d'allégresse.

C'est moi qui, du plus haut des cieux,
Du monde que j'ai fait règle les destinées;
C'est moi qui brise ses faux dieux,
Misérables jouets des vents et des années.

Par ma présence raffermis,
Méprisez du méchant la haine et l'artifice;
L'ennemi de vos ennemis

A détourné sur eux les traits de leur malice.
Conduits par mes vives clartés,

Vous n'avez écouté que mes lois adorables;
Jouissez des félicités
[bles.
Qu'ont mérité (3) pour vous mes bontés secoura-
Venez donc, venez en ce jour
Signaler de vos cœurs l'humble reconnaissance,
Et, par un respect plein d'amour,
Sanctifiez en moi votre réjouissance.
J.-B. ROUSSEAU.

que sorte, le cri de la terre qui se brise? (FoxTANES.)

(5) En prose il faudrait : Qu'ont méritées.

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