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qu'il s'étoit acquise étoit concentrée dans un cercle étroit de militaires qui avoient été ses camarades. Il n'étoit guère connu du public que par la bravoure qu'il avoit

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montrée au siége de Toulon qui fut repris par la sagesse de ses plans, sur les Anglais qui s'en étoient emparés conjointement avec les Espagnols, et par son dévouement à la convention dans l'affaire de vendémiaire,

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Barras, à qui il avoit rendu des services signalés dans cette journée, n'oublia pas son compagnon d'armes, et, nommé Directeur, lui ouvrit le chemin de la gloire. Il est à croire, qu'avec son impétuosité, jointe à un sang-froid précieux, ce jeune homme eût rompu la barrière si on ne se fût empressé de la lui ouvrir peut-être aussi sans cette circonstance, ses talens fussent ils restés enfouis ; mais jusqu'à présent, la fortune l'a tellement comblé de ses faveurs, qu'il est à présumer que, si la journée de vendémiaire ne lui eût ouvert la porte des grandeurs, une circonstance છે. plus heureuse l'eût également lancé dans la carrière. Quoi qu'il en soit, à cette

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époque il étoit militaire, la seule autorité existante étoit la Convention, elle étoit le gouvernement, et la force armée ne peut, ne doit connoître que lui.

Depuis que l'usage, particulièrement amenée par l'ambition démesurée de Louis XIV, d'entretenir sur pied de nombreuses armées, s'étoit introduit en Europe, les ministres et les généraux s'attachoient particulièrement à concentrer les plus grandes forces possibles sur tel ou tel théâtre : toutes les ressources du génie s'épuisoient à faire mouvoir ces grandes masses dans des espaces très-circonscrits; on eût dit que le but de toutes les opérations militaires étoit d'arriver au point de se battre en champ clos avec des armées formidables. La perte d'une bataille rangée fixoit en effet l'opinion plus que l'état réel des choses, et une défaite de cette nature ouvroit ordi nairement au vainqueur les places les plus importantes et dictoit les avantages qu'il devoit recueillir par un traité de paix.

Frédéric le Grand sortit de la route or dinaire et se fraya un chemin qui n'étoit qu'à lui. L'Europe étonnée admira ses ex

ploits; les meilleurs juges n'aperçurent dans ces grands mouvemens d'armées, que des prodiges d'audace et d'activité ; il fallut les méditer longuement pour sonder la profondeur du génie qui commandoit ainsi à la fortune et à la victoire. Quelques of ficiers pénétrèrent peu-à-peu les secrets de ce prince, ils étudièrent et perfectionnèrent les grandes manœuvres et l'art d'en varier l'application suivant la nature du sol qui se dérouloit à leurs yeux; mais les traits les plus hardis de sa nouvelle tactique res toient encore sans imitateurs : il avoit ag grandi l'échelle des marches et des positions, et par ce moyen, s'emparant des desseins de son ennemi, il les plioit à ses propres combinaisons et les tournoit à son avantage.

La nécessité enfante des prodiges, elle exalte les talens ainsi que le courage, et souvent elle mûrit plus en une minute les fruits du génie, que ne le feroit le silence et la méditation de plusieurs siècles. C'est du sein des dangers les plus imminens que Frédéric s'éleva à de si hautes conceptions; c'est aussi d'une position presque

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désespérée qu'est né notre nouveau sys: tême militaire.

Depuis lors, on a considéré une grande 'étendue de pays; des frontières entières, le cours des fleuves, les chaînes des mon. tagnes, comme des lignes continues, comme des positions dont tous les points devoient se balancer, se flanquer, se sou tenir aussi parfaitement qu'une ligne fortifiée. Ce principe, si l'on veut, n'étoit pas nouveau, et nous convenons que ses bases existoient pour la guerre défensive; mais on ne s'étoit point encore avisé d'en appliquer les conséquences à la guerre offensive; de considérer, par exemple, tout le pays compris entre le Rhin et l'Océan, comme une seule position, comme un seul camp; toute la nation comme une seule armée, et tout un pays ennemi comme un seul champ de bataille.

Cette manière de généraliser les opérations, devoit être tout à l'avantage d'une nation, dont le caractère bouillant, mobile et impétueux se prête moins à l'obéis sance passive, à la triste uniformité, à la Jenteur nécessaire des mouvemens des

grands corps d'armée dans des positions circonscrites; tandis qu'au contraire, en ouvrant un champ vaste à l'imagination ardente du Francais, à son activité, à son intrépidité, en répétant les marches, en accélérant les mouvemens, on le fait, pour ainsi dire, se reproduire lui-même, en lui fournissant de nombreuses actions offensives et par conséquent des succès.

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C'est en 1794 que ce nouveau systême fut pleinement développé; il étonna, il confondit l'Europe. Qu'on observe en effet les premiers avantages de l'ennemi; il oc cupoit quatre places importantes, Condé,, Valenciennes, le Quesnoy et Landrecies, dont la défense liée est la véritable force centrale de notre frontière. Ces avantages, qui eussent été réputés décisifs dans toutes les guerres précédentes, s'évanouirent par les mouvemens combinés des armées du Nord et de Sambre-et-Meuse.

Cette campagne sembloit devoir être la dernière, mais les factions de l'intérieur et la haine des rois pour le systême représen-tatif, dispersèrent tous les élémens de la paix,

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