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savans, dans Milan, n'y jouissoient pas de la considération qu'ils devoient avoir; retirés dans le fond de leur laboratoire, ils s'estimoient heureux que les rois et les prêtres voulussent bien ne pas leur faire du mal. Il n'en est pas ainsi aujourd'hui ; la pensée est libre en Italie; il n'y a plus ni inquisition, ni intolérance, ni despotes. J'invite les savans à se réunir, et à me proposer leurs vues sur les moyens qu'il y auroit à prendre, ou les besoins qu'ils auroient pour donner aux sciences et aux beaux arts une nouvelle vie et une nouvelle existence. Tous ceux qui voudront aller en France seront accueillis avec distinction par le gouvernement; le peuple français ajoute plus de prix à l'acquisition d'un savant mathé maticien, d'un peintre de réputation, d'un homme distingué, qu'à celle de la ville la plus riche, Soyez donc, citoyen, l'organe de ces sentimens auprès des savans qui se trouvent dans le Milanais ». Bonaparte ne borna pas ses soins pour les sciences à cette seule lettre; il prit des mesures pour que les universités de Pavie et de Milan repris

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sent le cours des travaux que la guerre ayoit momentanément interrompus,

Mais pendant que le général français s'occupoit du grand duc de Florence, des souverains de Rome et de Naples, le feldmaréchal comte de Wurmser, ayant rassemblé une armée considérable, descendoit en Italie à la droite et à la gauche du lac de Garda. Cette irruption jetoit Bonaparte dans une perplexité d'autant plus grande, que ses forces se trouvoient disséminées dans ses nouvelles conquêtes, en Piémont, à Livourne, à Ancone. L'espoir renaissoit en Italie, parmi ceux qui desiroient la ruine des Français ; ils attendoient avec in quiétude, et même avec empressement, les revers dont Bonaparte sembloit menacé par la dispersion de son armée.

A peine les Autrichiens avoient-ils fran chi les limites du Tirol que des fanatiques publioient dans le Milanais. et dans le pays papal dont les Français étoient en posses sion, que Wurmser, ayant passé l'Adige et débloqué Mantoue, poursuivoit les Francais, et que le tems de chasser les barbares

de l'Italie étoit venu. Sur ces instigations, plusieurs milliers de paysans s'étoient rassemblés à Lugo, petite ville du Ferrarais; leurs chefs publioient une proclamation dans laquelle il étoit dit que les circons tances critiques où se trouvoit le peuple lugois, par l'invasion des Français dans l'état pontifical, l'enlèvement des subsistances et les insultes faites aux personnes l'avoient porté à prendre les armes pour la défense du souverain et de la patrie ; que chacun, dans le péril commun, devoit concourir au salut public; qu'ils espé roient, qu'animés par le zèle pour la religion, l'attachement pour sa Sainteté, leur légitime souverain, les Italiens travailleroient unanimement au succès d'un si beau dessein, en se rangeant sous les glorieux étendards de l'église.

Dans la position où se trouvoit Bonaparte, cette sainte ligue pouvoit avoir des suites plus funestes que la révolte de Pavie; elle fut étouffée avec autant de prompti tude. Augereau fit marcher quelques troue pes contre les rebelles. Pourailler, qui commandoit ce détachement, donna troig

heures aux Lugois pour poser les armes ; cette menace fut non seulement méprisée, mais les Lugois, instruits qu'environ soixante dragons venoient au secours de Pourailler, pour renforcer sa petite troupe, marchèrent au-devant d'eux, les surprirent. dans une ambuscade, en tuèrent plusieurs, coupèrent ensuite leurs têtes qu'ils rappor tèrent à Lugo, où elles furent exposées en signe de trophée, autour de la maison

commune.

Pourailler, qui jusqu'alors n'avoit voulu employer que la douceur, pour ramener les insurgés, usă de toute la rigueur des armes. Les rebelles furent attaqués à force ouverte, culbutés de toutes parts, et la ville de Lugo mise au pillage. Au moment où les flammes attestoient encore au loin la vengeance des Français, Augereau, pour mettre une digue au torrent de l'insurrection, adressa aux légations de Ferrare et de Bologne une proclamation ainsi conçue

« Vous venez de voir un exemple terrible. Le sang fume encore à Lugo. Lugo, tranquille, jouiroir de la paix ; des mères n'auroient point à pleurer leurs enfans, des

femmes leurs maris, des orphelins leurs pères. Que cette épouvantable leçon vous instruise et vous apprenne à apprécier l'amitié du Français. C'est un volcan lorsqu'il s'irrite; il renverse, dévore tout ce qui s'oppose à son irruption; mais il protège quiconque recherche son appui ; méritez sa confiance par quelqu'acte qui lui assure qu'elle ne sera pas trahie: voici ce que sa sûreté exige, et ce que je vous ordonne:

« ART. Ir. Toutes les armes à feu qui se trouveront chez les particuliers, seront déposées à Ferrare.

» II. Toute personne qui, vingt-quatre heures après la publication de la présente n'aura pas déposé les armes, sera fusillé. » III. Toute ville ou village où un Français sera assassiné, sans que l'asssassin soit connu sera brulé.

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voir tiré un coup de fusil sur un Français, il sera fusillé et sa maison livrée aux flam

mes.

» V. Si un village prend les armes, il sera brûlé.

» VI. Il est défendu de s'atrouper avec

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