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Naples et du grand duc de Toscane qui malgré la neutralité qu'il auroit dû observer, avoit constamment favorisé les Anglais dans le port de Livourne.

Bonaparte résolut de mettre un terme à cette partialité, en plaçant une garnison dans Livourne. Cette entreprise, pour être exécutée sans verser une goutte de sang, exigeoit beaucoup d'adresse ; le général français eut recours à la ruse. Le grand duc, qui avoit été alarmé en le voyant approcher de ses Etats, lui dépêcha son premier ministre, pour lui observer que le passage par la Toscane ayant été refusé aux troupes napolitaines, la justice exigeoit que les Français, en se rendant sur le territoire du pape, ne violassent pas celui d'une puissance neutre. Ce n'étoit pas simplement le passage des troupes françaises sur son territoire, que le grand duc redoutoit, mais ce qu'il appréhendoit particulièrement, c'étoit la présence du soldat français dans Florence, et quand Bonaparte, poursuivant son dessein secret, dit au plénipotentiaire qu'il éviteroit cette cas

pitale, en dirigeant sa marche sur Pise, il s'en retourna très-satisfait, ne se doutant nullement de ce qui alloit arriver.

Le 8 messidor, la division du général Vaubois atriva à Pistoïa : elle passa l'Arno le lendemain, à Fuchéchio. Alors les Français, au lieu de se diriger sur Pise, prirent la route de Livourne, où ils entrèrent le io messidor. Malgré le secret avec lequel cette expédition avoit été dirigée, les Anglais en avoient sans doute été informés; quarante bâtimens de cette nation sortirent du port deux heures avant l'arrivée de Bonaparte qui, ne craignant plus d'obstacles, prévint le grand duc de son expédition, par une lettre dans la quelle, en se plaignant des vexations que les Français éprouvoient dans ce port, contre le droit des gens, il l'assuroit que le parti qu'il étoit obligé de prendre ne troubleroit point l'harmonie qui régnoit entre la France et les Etats de Toscane.

Ce général fit arrêter le chevalier Spari-. nachi, gouverneur de la ville, accuse áon seulement d'avoir favorisé le départ

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des Anglais, mais d'avoir fait tous ses efforts pour soulever le peuple, en lui représentant que le petit nombre des Français arrivés dans Livourne pouvoit facilement être opprimé et désarmé. Ne voulant pas le punir lui-même, Bonaparte s'adressa au grand duc pour qu'il en fit justice ; et après s'être emparé dans Livourne, de tous les effets appartenant aux Anglais, aux Russes et aux Autrichiens, il y laissa une forte garnison, sous le commandement du général Vaubois, et regagna son armée en passant par Florence, où il fut du reçu grand duc avec les témoignages de la plus intime cordialité et de la plus haute distinction.

Le général français étoit alors la seule puissance qui dominât en Italie, aussi employa-t-il tout son pouvoir à consolider la nouvelle république qu'il avoit créée, et le peu de loisir que ses occupations et les Autrichiens lui laissoient encore pour traiter avec le pape et le roi de Naples qui, désespérés des triomphes des armées françaises, et terrifiés, comme nous l'avons dit

plus

plus haut, ne crurent pas devoir différer davantage d'entrer en accommodément avec la république française.

Le pape abandonnoit à la France les lé gations de Ferrare et de Bologne, et toutes les côtes maritimes du Golfe adriatique depuis les bouches du Pô jusqu'à la citadelle d'Ancone. La cour de Naples promettoit huit millions; ou des munitions navales pour cette somme; en conséquence; un armistice fut accordé à ces deux puissances, qui s'empressèrent d'envoyer, chacune de leur côté, des ministres à Paris, pour négocier avèc le Directoire un traité définitif.

Le prince Pignatelli fut chargé des négociations de Naples. La cour de Rome avoit choisi les prélats Vangelisti et Pétrachi, deux hommes consommés dans la politique, et que sa sainteté avoit honorés de sa confiance, dans la ferme persuasion qu'ils viendroient à bout d'adoucir, près du gouver nement français, les conditions onéreuses qui lui étoient imposées par Bonaparte, qui avoit exigé d'elle le paiement de vingt mil lions, et la cession des plus beaux morceaux Tome XV, 4. Part. @

de peinture et de sculpture que les étrantgers venoient admirer à Rome. Le Direc toire avoit exigé qu'on ne lui envoyât pas d'ecclésiastiques, demande ridicule faite à un Etat qui n'avoit de diplomates que dans le clergé ; la dérogation à cet ordre devoit rendre désagréable la personne des plénipotentiaires; en vain ils pritent l'habit laïc, en vain l'abbé devint comte Pétrachi, son caractère fut reconnu, et les deux ministres congédiés.

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En parlant des succès militaires et politiques de Bonaparte, ce seroit une omission impardonnable que de ne pas dire un mot de la considération qu'il témoignoit aux savans, et de son respect pour les lettres. Voici la lettre qu'il écrivit de Milan au célèbre astronome Oriani, « Les sciences qui honorent les humains, les arts qui embellissent la vie et transmettent les grandes actions à la postérité, doivent être spécialement honorés dans les gouvernemens libres. Tous les hommes de génie, tous ceux qui ont obtenu un rang dans la république des lettres, sont Français, quel que soit le pays qui les ait vu naître. Les

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