Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

Beaulieu passant l'Oglio pendant la nuit, se réfugia sous le canon de Mantoue abandonnant aux Français Pizzighitone, Crémone et tout le Milanais. Outre les avantages militaires que Bonaparte retiroit de la journée de Lodi, cette victoire et les précédentes disposèrent en sa faveur les Ita liens, toujours inquiets, toujours partisans de la liberté, mais toujours perfides et aussi inconstans que légers; ses triomphes exaltèrent les esprits, et les préparèrent à un nouvel état de choses, à un changement de gouvernement dont la multitude malheureuse est toujours avide, parce qu'elle espère dans la nouveauté une amélioration à son sort, et que c'est toujours une jouissance pour l'homme qui est né dans l'abjection, de voir les puissans du jour descendre à son niveau.

Le gouverneur de la Lombardie, l'ar chiduc Ferdinand aux premières nou yelles du passage du Pô, avoit quitté MiJan ainsi que toute sa famille, pour se réfugier dans le Tirol. La défaite de Beaulieu augmenta la précipitation avec laquelle cette grande ville fut évacuée par tous

[ocr errors]

les individus attachés à l'archiduc et au gouvernement autrichien. L'armée française n'éprouva aucune difficulté pour s'en emparer; outre que cette ville immense, qui n'est point fortifiée, envoye toujours ses clefs à tout ennemi qui se présente à ses portes, la multitude étoit toute en faveur du général français qu'elle appeloit dans son sein. Un détachement prit donc possession de cette capitale, le lendemain de la ba taille de Lodi. Peu de jours après, le général Massena fit une entrée solemnelle, investit aussitôt la citadelle et la prit au bout de huit jours.

Le duc de Modène, Hercule III, aussi effrayé que l'avoit été l'archiduc Ferdinand, ne put voir sans terreur une colonne de l'armée française approcher de ses possessions; hors d'état de pouvoir opposer aucune résistance aux troupes françaises, il crut devoir employer la ruse pour se reti rer d'un mauvais pas. Il envoya le chevalier d'Est, son frère naturel, à Bonaparte qui, se rendant aux vœux publics, étoit venu à Milan, peu de jours après que Massena étoit entré dans cette ville, se loger

dans le palais des gouverneurs généraux de la Lombardie. Le chevalier d'Est obtint un armistice de la part du général français, en promettant une somme de sept millions cinq cent mille livres, des munitions de bouche et de guerre, pour plus de deux millions, et vingt tableaux à prendre dans son palais ou dans ses états, au choix des artistes qui en seroient chargés par le Directoire exécutif; mais au lieu de prendre les moyens de remplir. ses engagemens, il profita du peu de tems qui lui étoit accordé, pour amonceler ses richesses, et se retira furtivement dans Venise avec vingt trois millions en or, ne laissant à la régence qui devoit gouverner ses états en son absence, aucune ressource pour subvenir aux frais d'une telle administration.

Tant de succès ne pouvoient être indifférens à la nation française: le nom de Bonaparte fut dans toutes les bouches, ses exploits furent l'objet de tous les discours, et le Directoire, cherchant à exalter l'esprit public, ordonna qu'il seroit célébré, dans toute la république, une fête des vice toires en l'honneur des triomphes de ce

jeune héros qui, dans le moment où la France lui érigeoit ce trophée, adressa la proclamation suivante à son armée :

cc Soldats, vous vous êtes, précipités comme un torrent du haut de l'Apenin; vous avez dispersé, culbuté tout ce qui s'opposoit à votre marche. Le Piémont, délivré de la tyrannie autrichienne, s'est livré à ses sentimens naturels de paix et d'amitié pour la France.

» Milan est à vous, et la pavillon républicain flotte dans toute la Lombardie,

» Les ducs de Parme et de Modène ne doivent leur existence politique qu'à votre générosité.

» L'armée qui vous menaçoit avec tant d'orgueil, ne trouve plus de barrière qui la rassure contre votre courage. Le Pô, lẻ Tesin, l'Adda n'ont pu vous arrêter un seul jour ces boulevards vantés de l'Italie ont été insuffisans, vous les avez franchis aussi rapidement que l'Apenin.

Tant de succès ont porté la joie dans le sein de la patrie. Vos représentans ont ordonné une fête dédiée à vos victoires, éélébrée dans toutes les communes de la république.

[ocr errors]

tépublique. Là, vos pères, vos mères, vos sœurs, vos épouses, vos amantes se réjouissent de vos succès et se vantent avec orgueil de vous appartenir.

Oui, soldats, vous avez beaucoup fait; mais ne vous reste-t-il plus rien à faire? Dira-t-on de nous, que nous avons su vaincre, mais que nous n'avons pas su profiter de la victoire ? La postérité nous reprochera-t-elle d'avoir trouvé Capoue dans la Lombardie ?... Mais je vous vois déjà courir aux armes ; un lâche repos vous fatigue; les journées perdues pour la gloire le sont pour votre bonheur. Eh bien! partons; nous avons encore des marches forcées à faire, dés ennemis à soumettre des lauriers à cueillir, des injures à venger.

>> Que ceux qui ont aiguisé les pofgnards de la guerre civile en France, qui ont lâchement assassiné nos ministres, inéendié nos vaisseaux à Toulon, tremblent! theure de la vengeance a sonné.

» Mais que les peuples soient sans in quiétude : nous sommes amis de tous les peuples et plus particulièrement des des

E

« PreviousContinue »