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et se disposoit à en faire le siége, lorsque le roi de Sardaigne, qui s'y étoit réfugié avec les débris de ses forces, chercha à parlementer pour se soustraire à une ruine prochainé; ce fut le général Colly, lui-même, qui reçut l'ordre de demander un armistice au général français,

Bonaparte n'ignoroit pas combien un ennemi vaincu peut trouver de ressources dans une suspension d'armes adroitement prolongée, pour reprendre ensuite les hostilités dans un tems plus opportun; et si les loix de l'humanité ne lui permettoient pas de rejeter des propositions qui tendoient à diminuer le nombre des ennemis de la France, d'un autre côté, celles de la prudence entraînoient de puissantes considérations pour activer le siége de Turin: il répondit donc : « Que n'étant pas autorisé par le Directoire à traiter de la paix, la pqsition militaire des deux armées rendoit im posible, pour le moment, toute suspen, sion d'armes pure et simple ; qu'il ne pour roit se prêter à cet arrangement provisoire, qu'autant que sa majesté sarde lui remet froit, pour gage de sa parole, les princi

pales forteresses qui défendoient les frontières de ses Etats ».

Une seconde lettre du général Colly, apprit à Bonaparte que ses conditions étoient acceptées. Par le traité, signé le 26 floréal, la cour de Turin abandonna à la France les comtés de Nice, de Tende et de Beuil. Elle consentit que, jusqu'à la paix générale, les armées françaises fussent mises en possession des forteresses de Coni, d'Exilles, de Suze, de la Brunette, du château Dauphin, de Tortone et d'Alexandrie. Elle accorda aux troupes venues de France, le libre passage dans le Piémont, pour se porter dans l'intérieur de l'Italie; enfin, on stipula, non seulement que les fortifications de Suze, de la Brunette et d'Exilles seroient démolies, mais que la cour de Turin ne pourroit rétablir ni réparer aucune fortification sur les frontières de France.

Les Français, par les clauses de ce traité humiliant pour la cour de Turin, rendoient leur situation en Italie presqu'indépendante de tous les événemens qui avoient nui au succès de leurs expéditions précédentes.

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L'armée de Kellermanu, retenue dans les Alpes par les places de Suze et d'Exilles, avoit désormais toute liberté de gagner les rives du Pô. Les communications se trouvoient assurées avec la France par les cols de Tende et du Mont-Cénis ; et l'armée, qui pouvoit se recruter avec facilité, et dont les derrières restoient absolument libres, n'avoir plus à redouter en Italie que le climat lui-même, non moins meurtrier pour les Autrichiens que pour les Français.

On voit, qu'en moins de quinze jours, Bonaparte avoit battu deux armées, et détaché de la coalition formée par les têtes couronnées pour anéantir la république, un des rois qui s'y étoit réuni le premier, dont la cour avoit été le refuge des princes du sang et le foyer de leurs intrigues, et qui, d'après les clauses illusoires des traités de Pilnitz et de Pavie, s'étoit bercé du fol espoir de démembrer la France, et d'incorporer à ses Etats le Lyonnais, la Provence et le Dauphiné. Mais ne perdons pas de vue le général français.

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Si le traité dont nous avons parlé ne fut signé que le 26 Aloréal, Bonaparte qui n'a

voit pas de tems à perdre, s'empara, après avoir signé un armistice, des places fortes qui lui étoient abandonnées, et ne perdit point de vue Beaulieu, qui fuyoit vers Alexandrie. Quoique le souverain de ce général autrichien fût allié de celui de Sardai-, gne, il eut quelqu'envie de s'emparer de cette ville, mais le commandant piémontais pénétra ses intentions, les déjoua avec adresse, et sauva par ce moyen aux Autrichiens l'odieux d'une trahison faite à leur allié.

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Dès le 10, lendemain de la signature de l'armistice, l'armée française se mit en mouvement et marcha vers le Pô. Massena arriva à Alexandrie assez à tems pour s'emparer des magasins que les Autrichiens ne pouvant faire évacuer aussi promptement qu'ils quittoient leurs positions, avoient vendus à la ville. Le 17, l'armée d'Italie prit possession de Tortone, dont les fortifications nouvelles coûtoient plus de quinze millions au roi de Sardaigne : elle y trouva cent pièces de canon de bronze, des munitions immenses, et des casemates pour trois mille hommes. Céva et Coni furent égale

ment trouvées dans un état de défense res pectable, et très - richement approvision. nées. Ainsi, pour les Français, la guerre nourissoit la guerre, et les succès qu'ils obtenoient leur fournissoient les moyens procurer d'autres.

de s'en

La cour de Tuin avoit donné ordre aux troupes napolitaines qui, de son consentement, occupoient Valenza, de lui rendre cette place. Les Piémontais y étant rentrés, les Napolitains passèrent le Pâ et suivirent Beaulieu, qui ne fut pas plus heureux en Italie qu'il ne l'avoit été précédemment dans le nord de l'Allemagne,

Le Pô étoit un fleuve considérable

son passage présentoit de grandes difficultés, surtout ce passage devant s'effec• tuer en présence d'une armée nombreuse qui en défendoit l'autre rive. L'article 4 de l'armistice donnoit à Bonaparte la faculté de faire les dispositions nécessaires pour cette opération dans Valenza, dont la citadelle domine le fleuve. La quantité de troupes françaises rassemblées dans Tortone et dans Alexandrie annonçoit aussi que Bonaparte entreroit dans le Mi

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