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ni individuellement, qu'ils pressèrent l'organisation de la garde nationale parisienne, croyant faire marcher ses bataillons au be soin contre le Directoire. Ils y mirent une chaleur et une activité qui dut démontrer au gouvernement qu'on vouloit se faire contre lui un moyen offensif de Ja garde sédentaire. Mais il n'eut pas be soin de parer à cet inconvénient; malgré les prières, les paroles, les remontrances et les itératives exhortations des députés, les Parisiens; qui voyoient arriver le danger, ne prirent pas seulement. la peine d'aller se faire enrôler dans leurs sections respectives, et encore pleins de la leçon qu'ils avoient reçue en vendémiaire, ils se promirent de ne plus s'exposer à la mitraille, pour des individus qui pouvoient s'entr'égorger s'ils le jugeoient à propos. La bourgeoisie a payé trop chèrement les chimères de la liberté ; elle est trop amie du repos, pour s'exposer de nouveau au feu, et la populace elle-même est tellement détrompée sur les avantages d'une égalité telle que celle que lui avoient promise les révolutionnaires, qu'elle ne s'a

gitera de longtems, si on ne la met en mouvement par l'espoir du pillage.

D'un côté, la majorité du Directoire a fait tous ses préparatifs pour une attaque ; il y a même eu un comité secret dans lequel toutes les mesures ont été combinées. Ce comité tenu au Luxem bourg, étoit composé des directeurs Barras, Rewbell, Laréveillère, des ministres Talleyrand, Merlin, Sotin, des députés Syeyes, Boulay de la Meurthe, et de Treilhard on y a discuté le mouvement et le mode de son exécution. De l'autre, les Conseils croyent avoir l'opinion publique pour eux, et s'imaginent être en force pour repousser les hostilités; on parle même dans leur sein, à la tribune, avec une audace qui annonceroit qu'on va prendre l'offensive et qu'on est sûr de la réussite un tel état de choses ne peut se prolonger longtems, sans une explosion nouvelle, sans une nouvelle convulsion dans le corps politique.

Plus la crise s'annonçoit, plus l'espérance de ceux qui s'étoient imaginé que

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les Conseils l'emporteroient, diminuoit ; un silence affreux commençoir à régner dans les sociétés, on se repentoit à l'avance, d'avoir trop parlé, d'avoir manifesté trop ouvertement son opinion sur les individus qu'on avoit en horreur, et qui pouvoient triompher d'un moment à l'autre. On s'attendoit à un coup funeste, le père de famille rentroit chez lui en tremblant, et redoutoit d'être réveillé par le son du tocsin Des députés eux mêmes qui étoient du bord des meneurs, eurent la foiblesse de prendre des passe-ports pour s'éloigner de la capitale. Nous en avons connu un qui, le 16, disoit à une table où nous étions, que tout iroit bien, que le Directoire seroit écrasé, et qui quitta le dîner avant la fin du repas, pour aller prendre sa place dans une diligence qui, le soir même, le conduisit hors de Paris. Conspirer et prendre un passe port! ce moyen emporte avec lui la certitude de la défaite pour celui à l'idée duquel il se présente. Qu'on juge d'après cela quelle confiance avoir en leurs forces une partie ⚫ de ces parleurs de tribune, dont l'imptu

dence et les belles phrases nous avoient traînés au bord du précipice.

Déjà de part et d'autre on se méfioit d'une attaque. Des personnes bien instruites. annoncèrent à la commission des inspecteurs que les Conseils seroient incessamment envahis par les troupes aux ordres du Directoire; lè 16 ces bruits prirent plus de consistance, et alarmèrent véritablement une partie des inspecteurs et des députés qui se rendoient jour et nuit aux séances de la commission. Villot et Pichegru, qui savent parfaitement que, dans de pareilles occasions, c'est ordinairement celui qui attaque le premier qui est vainqueur, et que la victoire légitime tout proposèrent de se porter au Directoire dès le soir même. Pichegru se fit fort d'amener les trois directeurs à la commission, pieds et mains liés, et ne vouloit que trois cents hommes pour exécuter le coup; ses mesures étoient prises; il eût été sans doute secondé par les deux autres directeurs Carnot et Barthelemy, qui l'eussent. du moins laissé faire, et il n'est pas dou. teux que s'il eût prévenu le projet de ceux qui l'ont écrasé ensuite, il n'eût été le

vainqueur. Mais il fut contrarié par des gens timides. Une partie des membres de Ja commission prétendit que ce seroit une violation de la constitution, que les Conseils se mettroient dans leur tort, que le Directoire n'étoit pas aussi redoutable qu'on se l'imaginoit, qu'il n'oseroit jamais ar contre l'opinion publique en se portant à un acte de violence contre les Conseils, qu'il n'oseroit jamais violer une constitution librement acceptée, et en vertu de laquelle il existoit lui-même.

Ces raisonnemens et beaucoup d'autres semblables firent taire ceux qui étoient de l'avis de Villot, et particulièrement de Pichegru qui, voyant le moment décisif approcher, sentoit bien qu'il n'y avoit pas à balancer, et qui ne demandoit pour arrêter les trois directeurs qu'une autorisa tion du comité.

De son côté, Barras, à qui ses deux autres collègues, Rewbell et Laréveillère avoient laissé l'entière exécution de l'affaire, n'étoit guère moins tourmenté. Les militaires destitués et les conventionnels qui l'entouroient, l'avertissoient que les

Conseils

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