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de porter à la constitution, et fait voir qu'une partie des Conseils étoit évidemment décidée à la tenverser: il falloit qu'ils sommassent en même tems le Directoire, qui avoit juré comme eux le maintien de cette constitution, de leur fournir un asyle contre la tyrannie de ces ennemis déclarés de la république, de les y protéger par la force er de veiller à leur sûreté personnelle, en leur qualité de représentans du peuple. Cet acte eût été adopté incontestablement par la grande majorité des Conseils, par tous ceux au moins que le Directoire a jugés dignes de rester le 18 fructidor.

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» Dès-lors il n'y avoit plus dissolution du Corps législatif; ce n'étoit plus le Directoire qui opéroit, qui écartoit, de son autorité privée, parie canon et les bayonnettes, ceux qui lui déplai. soient; qui faisoit délibérer les autres par la terreur, et les érigeoit en tribunal révolutionnaire. C'étoit au contraire la majorité des représencans qui avoit cherché, contre la violence de la minorité, un réfuge sous la protection de la force armée, pour la liberté de ses délibérations.

» Le public eût donc vu, d'une part, cette majorité sage et le Directoire réunis à elle, d'inrention et de sentiment; de l'autre, une mino. rité pitoyable, joint à une minorité à laquelle on imputoit déjà l'agitation qui régnoir depuis la nouvelle session. Qu'eût fait cette minorité 3 elle eût été sur-le-champ abandonnée de tout le monde; ses membres se seroient honteus: mens

dispersés, et n'auroient point reparu; chaque citoyen eût applaudi à cette mesure constitutionnelle; l'opinion publique se fût ralliée librement, et sans terreur, au Corps législatif et au Directoire; et si parmi les démissionnaires de fait, il s'en fût trouvé de chargés de délits positifs, on les auroit fait juger constitutionnellement par la Haute-Cour nationale, où ils eussent été condamnés aux applaudissemens universels, parce que le bandeau eût alors été enlevé de dessus tous les yeux.

» Voilà ce qu'on eût fait, si ç'eût été véritablement la patrie qu'on cût voulu sauver ; si l'ambition, la jalousie, la vengeance, n'eussent pas été les ressorts cachés qui faisoient tout mouvoir ».

Si les choses eussent pu s'arranger de la sorte, il n'est pas douteux que cela n'eût infiniment mieux valu que les moyens extrêmes qui ont été employés ; mais il est bien facile d'arranger des plans pacifiques, quand les événemens ne sont pas là pour démentir les résultats que vous vous promettez. Si Carnot eût un peu plus réfléchi à ce dernier moyen qu'il propose, comme très-efficace, peut-être en eût-il senti l'impossibilité, et nous sommes tentés de croire qu'avant qu'il écrivit ce plan, il lui parue

d'une exécution difficile, puisqu'il ne nous dit pas qu'il ait proposé à aucun député de chercher à le mettre à exécution..

Il se permet de dire que s'il se fût trouvé des coupables, comme cela n'est pas dou teux, ils eussent été condamnés aux applaudissemens universels; il nous permettra de n'en rien croire, puisqu'à peu près à la même époque, et sous ses yeux même, lui étant au timon de l'Etat, des conspi rateurs royaux furent arrachés au supplice far un assentiment et une clameur universels.

Sans doute la haine fut la cheville ou vrière de la révolution qui le précipita, ainsi que tant d'autres, dans un abîme de maux et d'inquiétudes, mais quel coup d'état s'est donc opéré en France, depuis la révolution, qui n'ait pas eu pour but principal l'ambition, et particulièrement le desir d'assouvir sa haine ?

Les monstruosités sans nombre de tous les Robespierriens, sont encore trop récentes, pour que les victimes ne cherchent

pas
à écraser leurs bourreaux toutes les fois
que l'occasion s'en présentera, et ces bours

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reaux craignent trop eux-mêmes le glaive de la justice, pour qu'ils ne saisissent pas à leur tour, avec empressement, les moyens d'empoigner de nouveau la hache révolu. tionnaire, pour exterminer ceux qu'ils redoutent. Horrible expectative, mais qui n'est que trop réelle pour la génération présente! A ces deux partis principaux de victimes et de bourreaux s'en joignent d'autres dans les orages révolutionnaires, ces mi-partis suivent l'impulsion de leurs chefs, et ne les dirigent pas, voilà pourquoi lés secousses politiques sont toujours violentés chez nous; voilà pourquoi un moyen conciliatoire, tel que le propose Carnot, ne pouvoit avoir lieu.

Qu'au surplus ce projet ait pu alors récevoir son exécution, ou non, c'est maiheureusement ce qu'il im porte peu d'examiner aujourd'hui, puisque la révolution qui devoir s'opérer, d'après les dispositions où se trouvoient tous les esprits, a eu une physionomie bien différente et des résultats beaucoup plus fâcheux.

Oui, nous sommes arrivés à cette épo que désastreuse qui, selon nous, a ré

sola le problême de la possibilité d'une république en France; nous voulons parler de cette journée mémorable et terrible. du 18 fructidor an s; journée à jamais fameuse dans les fastes de la révolution française, et qui, en violant de la manière la plus audacieuse la constitution dans toute son étendue, dans tous ses principes, a nécessité des violations nouvelles, et fait qu'aujourd'hui encore (1) nous nous traînons de convulsions en convulsions, sans que nous puissions prévoir, d'une manière certaine, quel sera le terme de nos longues souffrances, quel sera le but vers lequel nous serons enfin entraînés.

Loin de nous toute espèce d'esprit de parti. En écrivant l'histoire d'une semblable journée, la partialité n'empoisonnera point le récit que nous devons en faire; et nous nous efforcerons de rendre avec justice et vérité un événement que ceux qui en ont été les victimes, ont tracé avec le fiel dont leur ame étoit imbue, et que ceux auxquels il a profité one

(1) Ceci a été écrit ayant le 18 brymairs.

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