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» Vos vastes connoissances, et l'esprit de modération qui vous anime, sont un sûr garant du succès avec lequel vous travaillerez de concert avec nous à l'achève ment du grand ouvrage de la paix. L'élé vation de vos principes nous assure aussi que nous saurons la fonder en commun sur des bases justes et des conditions honorables.

» Loin du théâtre des factions qui ont si longtems affligé notre patrié à l'intérieur, vous avez pu en juger avec impartialité, et les efforts que vous joindrez aux nôtres pour les étouffer, porteront un caractère infiniment favorable à leur anéantissement.

» Nous espérons que, prenant connoissance des premiers travaux du Directoire, et que témoin de l'union qui règne entre ses membres, vous nous rendrez estime pour estime › et que vous partagerez pour leur ancien collègue Letourneur, les sentimens qu'il nous inspira par ses lumières, sa probité et ses vertus civiques, pendant les dix-huit mois qu'il demeura au poste éminent que vous allez occuper».

Cette union, cette cordialité que l'on

disoit à Barthelemy exister entre les membres du Directoire, dont il eût été indécent de laissér transpirer la mésintelligence,. étoient en effet bien opposées aux sentimens de haine et de partialité dont étoient animés les individus qui composoient cette première autorité; et dès les premières séances auxquelles Barthelemy assista, il lui fut facile de reconnoître que les passions les plus violentes avoient pris la place de l'intérêt public. Nous savons même par des ministres, témoins oculaires des débats scandaleux qui se passoient dans la salle des délibérations que Barthelemy étonné et stupéfait des voies de fait auxquelles un des directeurs vouloit se porter contre un autre directeur, resta muet et tremblant sur son fauteuil, et qu'il dit en sortant de la séance, qu'il n'étoit pas possible que les choses portées au point où elles étoient, restassent longtems dans cet état, et qu'une secousse violente étoit sur le point d'avoir lieu ».

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Si le directeur Barthelemy, si son collègue Carnot, comme il en convient luimême, si les membres des deux Conseils,

si tout le monde enfin convenoit qu'il étoir impossible que la mésintelligence qui régnoit entre les premières autorités, ainsi que parmi les citoyens, n'amenât pas inces-, samment quelqu'événement majeur, quelque crise nouvelle, il falloit donc bien que la rupture éclatât, et qu'il s'ensuivît quelque chose d'extraordinaire; or, de deux choses l'une, ou le parti aristocratique et ennemi de la Convention devoit l'emporter, ou les républicains et les adhérens des conventionnels devoient terrasser leur ennemi: c'est aussi ce qui arriva.. Les choses étoient trop envenimées, et il existoit trop-d'antipathie entre les deux extrêmes, pour qu'un terma moyen für adopté ; c'est cependant ce que Carnot pense, qui eût pu arriver si ceux qui l'ont renversé avoient aimé la patrie aussi sincèrement que lui, et voici comme il raisonne dans ses Mémoires; écrits infiniment précieux, surtout dans ce moment, où tous ceux qu'il attaque existent autour de lui, et ne cherchent pas, quant à présent du moins, à lui 4demander raison de l'infamie dont il les

Couvre.

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« Vous démontrez me dira-t-on, ('c'est Carnot qui parle) vous démontrez, me dirat-on, que le 18 fructidor fut un grand forfait politique; mais dites-nous ce qu'il eût fallu faire dans la circonstance critique où l'on étoit : ditesnous ce qu'il faut faire quand il est visible qu'une partie du Corps législatif veut la contre-révolution et que cette partie du Corps législatif est tellement influente, qu'elle vient à bout d'enlever toutes les résolutions, et de paralyser toutes les mesures salutaires?

» Je réponds d'abord qu'on pouvoit éviter cet état de crise, par plus de ménagement et de déférence envers les membres du Corps législatif, en faisant des messages moins durs, moins impérieux en révoquant quelques commissaires dų Pouvoir exécutif, contre l'immoralité desquels ces représentans apportoient de nombreux témoignages, en montrant enfin un' desir plus sincère de faire la paix avec les puissances étrangères : car c'étoit là le principal sujet de défiance. On craignoit qu'en accordant au Directoire trop de latitude, et surtout des moyens de finance, il ne 'en servit pour prolonger guerre, plutôt que pour la terminer promptement. Il est certain que par ces procédés, on auroit ramené le plus grand nombre des représentans aigris, et que les autres auroient bientôt rougi du rôle honteux qu'ils ausoient joué.

Je réponds secondement, qu'ayant manqué

la

par hauteur et par imprudence, ce premier moyen qui étoit le meilleur, il falloit alors, mésintelligence étant enfin devenue telle qué chacun sentoit le danger qu'il alloit individuellement courir, s'occuper promptement des moyens réconciliatoires. Le Corps législatif en avoit déjà senti la nécessité, il avoit pris le parti de renouveler ses commissaires, ses bureaux, et d'en écarter ceux qui avoient abusé de sa confiance : les représentans les plus connus par leur caractère ét par leurs talens, avoient résolu de s'élever contre toutes ces motions indécentes qui jetoient le trouble au Conseil des Cinq-Cents, pour s'attacher constamment à des questions majeures, principalement à la restauration des finances; et c'est ici surtout qu'est le grand reproche à faire au Directoire exécutif la moindre démarche de sa part à ce moment ram enoit à lui la masse des représentans du peuple. Mais loin d'aller au-devant de ces moyens de réunion, et de les rechercher, le Directoire trembloit qu'elle ne s'opérât; il travailloit avec une activité incroyable à augmeuter chaque jour les sujets de mécontentement es d'alarmes.

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» Je réponds troisièmement, que le mal étant arrivé à son dernier période, il falloit faire un 20 juin, au lieu de faire un 31 mai: il falloit que les représentans patriotes rédigeassent une adresse au peuple français, dans laquelle ils auroient démontré avec énergie, les atteintes qu'on ne cessoir

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