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et de bonne intelligence qu'il ne cessoit de faire, d'accorder une prédilection par ticulière à l'Autriche, qui, cependant, devoit être la seule puissance qu'il eût à redouter. Ses querelles avec l'empereur étoient à peine assoupies, au moment où la révolution française éclata; et si le sénat, vénitien devoit craindre que l'une des puissances belligérantes attentâr à sa liberté et à sa constitution, sans doute Ja maison d'Autriche étoit plus capable de lui inspirer cette frayeur, que la république française avec laquelle elle avoit une espèce d'identité de dénomination, et qui ne pouvoit avoir, sans de justes ressentimens, l'intention d'anéantir une ré• publique, lorsqu'elle se faisoit un systême politique d'en créer autour d'elle.

Peut-être aussi que cette crainte bien fondée que le sénat vénitien concevoit de la part de l'ambition de l'empereur, étoit cause de la faveur continuelle qu'il ne cessoit d'accorder aux généraux allemands, soit en leur livrant ses places sans aucune espèce de résistance ni de remontrances,

soit en ravitaillant les troupes allemandes. Ce systême de pusillanimité pouvoit encore être étayé par l'espoir qu'avoient les Vénitiens, que l'armée française, malgré ses premiers succès, seroit bientôt anéantie; car on connoît le proverbe qui dit, que l'Italie est le tombeau des Français; et ce proverbe auquel les anciens désastres multipliés de nos armées en Italie, a malheureusement donné lieu, pouvoit ajouter du crédit à la croyance des Vénitiens, qui pouvoient se flatter, d'après l'expérience du passé, que nos exploits seroient bientôt suivis de cruels revers.

C'est particulièrement au moment où Bonaparte s'occupoit de négociations avec les plénipotentiaires de l'Empire, et quelques jours après la signature du traité de Léoben, que la mauvaise foi du sénat de Venise éclata. Depuis longtems la lâcheté de ce corps sans crédit étoit connue dans l'Europe, il étoit reçu que les armées ennemies pouvoient respectivement traver ser son territoire, sans que Venise se mît en état de faire respecter sa neutralité,

Quelques politiques avoient la bonté d'appeler cela de la souplesse, ainsi qu'ils appeloient les diplomates de Venise, les ministres les plus déliés ; cela peut être, mais depuis longtems le sénat n'avoit rien de bien important à démêler avec les puissances couronnées de l'Europe, et ce n'est pas une politique bien difficile à concevoir, que celle que l'on fait consister dans l'abnégation de son existence.

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Quoi qu'il en soit de la ruse vénitienne, les croisades sourdement préchées par les sénateurs contre les troupes françaises n'eurent pas cette fois tout le succès qu'ils s'en promettoient; et s'ils parvinrent à allumer un incendie, on peut dire qu'ils attisèrent des flammes dont ils furent eux-mêmes dévorés. Mais, entrons dans quelques détails à cet égard; on ne peut pas entièrement passer sous silence les causes de la destruction d'une république qui se vantoit d'avoir une origine aussi reculée que celle de la monarchie française dans les Gaules, et qui, par une étrange fatalité qu'on n'auroit pu prévoir,

périt en même tems que la royauté en France, et, à une époque où le systême des dominateurs français étoit de créer des républiques pour offrir un contrepoids politique à l'Europe couronnée.

Bonaparte, qui n'ignoroit ni la conduite tortueuse du sénat de Venise, ni les motifs qui le déterminoient à agir de la sorte, paroissoit y faire d'autant moins d'attention, que, comme nous venons de l'observer, la marche des Autrichiens dans les provinces vénitiennes lui donnoit l'exemple de ne pas respecter le territoire de cette république. Tous les états vénitiens se trouvèrent insensiblement envahis par les Autrichiens ou par les Français. La république n'osa pas se permettre des protestations contre ces actes arbitraires, mais fidelle au systême de perfidie et de dissimulation qui lui étoit propre, elle réunit autour de ses Lagunes (1) quinze mille Es

(1) La mer ayant rompu cette langue de terre qui se trouve dans le fond du golfe adriatique, s'est ouvert un passage par six différentes bouches, et s'étant répandue sur les terres qui étoient

clavons qui ne paroissoient destinés qu' protéger la capitale contre un coup de

main.

Bonaparte n'ignoroit pas, en pénétrant dans les défilés des Alpes, qu'il circuloit dans les campagnes du Bergamasque, du Bressan et du Val-Sabbia, des proclamations qui excitoient les paysans à se lever en masse contre les Français, qu'on avoit soin de désigner sous les qualités de brigands, d'assassins et d'incendiaires. Mais Augereau étoit dans la Lombardie, et l'activité connue de ce militaire rassuroit le général en chef sur les suites de ces insinuations, auxquelles le gouvernement vénitien sembloit ne prendre aucune part.

Augereau fir marcher quelques troupes sur Brescia, et fit proclamer et afficher un

plus basses, elle y a fait ce qu'on appelle les Lagunes, formant dans toute cette étendue, qui n'est que de cinq ou six milles de large, un grand nombre de petites îles. Les six bouches par où la mer déborde dans les Lagunes, sont les seuls ports qui conduisent à Venise du côté de la

mer.

avertissement

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