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pays ne passât de la domination de l'Autriche sous celle de la France.

naparte, lui qui savoit parfaitement le desir qu'avoit ce général qu'on traitât promptement, il auroit voulu être de la réunion, pour accélérer le travail; point du tout, il ne paroît pas, et Rewbell reste chez lui à méditer quelle chicane il pourra faire le lendemain.

» Cependant le traité est fait en une seule nuit, et le lendemain, malgré l'apathie de Barras, son air de dédain que la vergogne l'empêchoit de ma pifester par un refus formel; malgré l'opposition de Rewbell et sa déclaration positive qu'il ne vouloit point souscrire un traité; ce traité fur comine emporté de haute-lutte et conclu sur-lechamp.

» Je crois que c'étoit le plus grand service qu'il me fût possible de rendre à la patrie dans les circonstances où nous étions. Mais cette espèce d'incursion sur le domaine diplomatique de Rewbell, que l'état des affaires avoit rendu indispensable, n'étoit pas de nature à être oubliée par ce personnage vindicatif et dissimulé.

» Quoique la masse des ennemis opposés à Bonaparte fût considérablement diminuée, qu'il eût alors ses flancs et ses derrières libres, il n'avoir pas encore des forces suffisantes pour se promettre des succès décisifs contre l'Empereur. Il de

Ce fut en vain que Louis XIV et Louis XV en firent la conquête ; les An

mandoit 15 mille hommes, je formai le projet de lui en envoyer trente.

» Aussitôt les ordres sont donnés à l'armée de Rhin et Moselle et à celle de Sambre et Meuse, de faire partir sans délai et le plus secrètement possible, quinze mille hommes de chacune pour l'armée d'Italie, en les faisant filer le long de la Suisse sous différens prétextes. Ce fut en 93 un semblable mouvement de 40 mille hommes, de Parmée de la Moselle vers la Meuse, sous les ordres de Jourdan, au moment où l'on s'attendoit à la voir marcher vers le Rhin, qui décida le succès de cette fameuse campagne.

» Les trente mille hommes destinés pour l'armée d'Italie devoient être tirés de l'armée de Rhin et Moselle d'abord, puis la moitié être remplacée par les quinze mille hommes de l'armée de Sambre et Meuse. Jamais ordre ne fut exécuté plus ponctuellement, plus fidellement, plus loyalement. Moreau qui prévoyoit la possibilité d'un tel mouvement, tenoit depuis longtems un corps en réserve pour cet objet, et quoique son armée fût la plus malheureuse, parce qu'elle ne pouvoit, comme les autres, vivre aux dépens de l'ennemi, et que la pénurie des finances empê choit de subvenir à ses besoins, il avoit

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glais qui savoient qu'aucune puissance de l'Europe ne pouvoit longtems entretenir

dant encore fait des sacrifices pour que ce corps de réserve fût passablement équipé et prêt à partir au premier signal.

Le signal est donné, les troupes sont en marche, elles sont sur les frontières du MontBlanc, avant que l'ennemi puisse se douter qu'elles sont destinées pour l'armée d'Italie.

» O Moreau ! ô mon cher Fabius ! que tu fus grand dans cette circonstance ! que tu fus supérieur à ces petites rivalités de généraux qui font quelquefois échouer les meilleurs projets que les uns l'accusent pour n'avoir pas dénoncé Pi chegru, que les autres l'accusent pour l'avoir fait, je l'ignore; mais mon cœur me dit que Moreau ne peut être coupable; mon cœur le proclame un héros. La postérité plus juste que ses contemporains, lui élèvera des autels. >>

(Ce que Carnot indique ici de l'accusation faite au général Moreau d'avoir dénoncé Piche gru, s'expliquera dans la suite de cet ouvrage. Ce fairest relatif aux suites de la journée du 18 fructidor. En attendant, nous nous bornerons à observer que Moreau est digne de tous les éloges que lui donne Carnot,qu'on n'est pas plus modeste et plus grand guerrier que lui.

de grandes armées de terre avec de grandes armées navales, avoient toujours eu soin de susciter à la France des guerres sur le continent, pour l'empêcher de déployer ses forces sur mer, et pour tenir sa marine dans un état de foiblesse tel que le sort de ses colonies fût compromis, et que son commerce fût ruiné. En vain nos rois s'emparoient de la Belgique et des rives du Rhin, l'Anglais s'emparoit en même tems de nos colonies, et lorsque nous traitions de la paix avec l'Autriche, il falloit, pour rayoir nos îles, que nous rendissions nos conquêtes sur l'Empire. Par ce moyen, la maison d'Autriche se trouvoit intimement liée d'intérêt avec l'Angleterre qui, de son côté, trouvoit toujours un dédommagement des frais de la guerre dans la restitution des pays con quis sur l'Allemagne, puisqu'elle y répandoit les productions de son commerce; ce qui n'eût pu avoir lieu, si ces pays fussent restés à la France, puisque cette dernière puissance étant maritime, auroit déversé ses productions de l'Inde et de l'Amé

rique dans ces contrées que l'empereur, qui n'a point de marine, est obligé de laisser approvisionner par l'Angleterre, qui lui prête toujours une force secondaire en cas de guerre, et lui garantit en quelque sorte l'intégralité de son territoire, en compassant à la paix, la perte qu'il a pu en faire, avec les conquêtes lointaines qu'elle a faites sur nous. La Convention avoit décrété la réunion de ces contrées à la France, mais, on pouvoit dire que Bonaparte mettoit ce décret à exécution par ses victoires et le traité de Léoben qui en étoit une suite.

On pourroit présumer, sans craindre de se tromper beaucoup, que dans les motifs qui déterminèrent Bonaparte à accélérer les préliminaires de Léoben, les tracasseries, ou plutôt les continuelles perfidies des états de Venise à son égard doivent entrer pour quelque chose. On a vu que le sénat de cette république n'a cessé depuis le commencement de la guerre d'Italie, malgré la neutralité qu'il devoir observer, malgré les protestations d'amitié

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