fort fouvent. Mais avec tout cela nous nous éloignons fi peu de l'original, que j'ofe afleurer qu'il n'y a point de traduction plus fidelle ni plus literalle. Les vers que Plutarque a citez font traduits en profe, parce qu'il n'y a rien de plus infuportable dans nôtre langue, ni qui vieillisse fi-tôt, que des vers mediocres; mais quand même nous pourrions en faire de meilleurs, je ne fçai fi nous traduirions ces endroits-là en vers, à caufe de la grande difficulté, ou pour mieux dire, de l'impoffibilité qu'il ya de conferver dans nôtre poëfie ce gouft fimple & antique, qui fait la plus grande beauté des vers Grecs. Lorfqu'il ne faut pourtant qu'un vers ou deux, & que cela eft neceffaire, comme il arrive quelquefois, nous nous en tirons le mieux qu'il nous eft poffible. Nous confervons les anciens noms des peuples, des dignitez, des charges, parce que les noms d'aujourd'huy n'y répondent point du tour; que c'eft traveftir les Anciens que de les habiller ainfi à la moderne, & qu'il n'eft pas poffible de conferver la veritable idée des chofes avec ce changement de noms. On avoit porté même nôtre fcrupule jufqu'à balancer, fi nous ne conferverions pas les noms des mois Grecs & la maniere de datter des Romains par Nones, Ides & Calendes. Mais aprés avoir vu l'étrange effet que ces noms Pyanepfion, Maimacterion, Pofeideon, faifoient dans une traduction Françoise, au lieu de Novembre, Decembre, Janvier, nous y avons renoncé, & nous nous fommes contentez de les rejetter à la marge, avec les dattes des Romains qui ne font remarquables que par leur bifarrerie. Dans les Remarques, nous ne defcendons pas à une critique de mots, car il n'y a rien de plus fec, a 6 fec, de plus defagreable & de moins utile, fur tout dans un ouvrage comme celuy - cy; mais nous ne negligeons rien de tout ce qui peut éclaircir l'antiquité, comme les coûtumes, les facrifices, les fêtes & toutes les ceremonies tant publiques que particulieres; nous indiquons les differentes fources où Plutarque a puifé, & lorsqu'il y a des traditions differentes, nous tâchons de découvrir les raifons du choix que Plutarque fait, & de la preference qu'il donne aux unes fur les autres. Quand l'Antiquité nous fournit des chofes remarquables que Plutarque a oubliées, ou qui luy ont échapé, nous les rapportons avec foin comme des fupplemens de ces vies. Sur tout nous nous attachons à expliquer les fentimens pour en faire connoître la beauté, ou pour en faire fentir le défaut, lorfqu'ils ne font pas conformes aux veritables regles, & nous prenons la liberté de lecombattre dans tous les endroits où il nous paroit qu'il s'eft trompé. Ce qui eft neceffaire pour l'intelligence du texte, nous le mettons à la marge, quand il peut y entrer, & nous refervons pour la fin de chaque vie les Remarques plus étendues. D'abord nous avions marqué d'une étoile les endroits fur lefquels ces Remarques font faites, comme on le verra dans Thefée, mais on a trouvé que ces étoiles ne faifoient que gâter le texte, & nous avons difcontinué. Voila la feule caufe de la difference que l'on trouvera entre cette premiere vie & les autres. On nous a mis entre les mains un Plutarque noté en plufieurs endroits de la main de Turne be; il ne nous a été d'aucune utilité, car toutes ces notes ne font que les mots les plus remarquables du texte, que ce içavant homme prenoit la peine d'é d'écrire pour les avoir plus prefents. Mais nous ne fçaurions trop reconnoître le fecours que nous avons tiré d'un autre Plutarque, dont toutes les vies font notées de la main du celebre Monfieur de Thou, de ce grand Historien, qui jusqu'à aujourd'huy foûtient pour cet art, l'honneur de la France contre l'Italie & la Grece, & dans les écrits duquel on remarque autant de profondeur & de force; que de fincerité & de verité. Il avoit lû ces vies avec tant de foin & d'exactitude, & avoit marqué avec tant de choix ce qui pouvoit illuftrer les paffages les plus remarquables ou indiquer leur fource, qu'il a extremement abregé nôtre travail, en nous épargnant de longues recherches, & en nous donnant fouvent des lumieres que nous n'aurions pas euës fans luy. Comme on ne peut marcher fûrement dans l'étude de l'Hiftoire, fans la connoillance des temps, nous avons crû.qu'il étoit neceffaire de mettre à la tête de cet ouvrage une petite Chronologie qui éclaircira beaucoup de difficultez, & qui fera voir au moins, dans quel ordre ces vies doivent être lûës. Nous avons recherché avec foin les têtes des Hommes Illuftres de Plutarque, pour les mertre au commencement de chaque vie. Nous avons eu du Cabinet du Roy Romulus, Nu. ina, Lycurgue & Solon; il n'y a point de The fée ni de Publicola; mais on a trouvé dans le Cabinet de Monfieur le premier Prefident une tête qui paroît Athenienne, & qu'on croit être celle de Thefee. Quoy que cela ne foit pas certain,& que de fçavans Antiquaires en doutent, nous n'avons pas. laiflé de lamettre,moins pour affûrer que c'est Thefée,que pour voir fi les Sçavans la reconnoîtront. Cet avertiffement étoit neceffaire pour prevelnr les reproches de certains Critiques malheureufement exacts. Il y en a un qui vient de nous accufer d'avoir mis dans la traduction des Reflexions de Marc Antonin, la tête de Commode pour celle de cet Empereur. Je ne fçay fi cela eft vray, & je m'en mets très peu en peine. Je m'étonne feulement qu'un fi fçavant homme qui pourroit faire de meilleures chofes, fe foit amufé à une critique, qui feroit indigne de luy quand même elle feroit jufte. Voila une découverte bien importante pour le public! Aparamment il a peu lû les Reflexions de Marc An. tonin, car s'il les avoit lûës, il auroit connu Gataker ce fçavant Anglois, qui les a commentées, & il auroit vû que c'eft la même tête, qu'il avoit mife dans fon édition. C'eft de-là qu'on l'a prife, fans aller chercher plus loin,car nous n'avons point de medailles, & j'avoue que nous avons plus travaillé à connoître l'efprit que le vifage d'Auto nin. Ce même Cenfeur nous accufe d'une autre erreur qui luy paroît trés confiderable; c'est d'avoir appellé Marc Antonin, Marc Antonin, & non pas Marc Aurele. Ces deux erreurs viennent, dit il, de ce qu'ils n'ont pas fçû diftinguer entre Marc Aurele, Commode, Caracalle, Diadumenien & Heliogabale,qui ont tous pris le nom d'Antonin. Je ne veux pas le preffer fur ce raifonnement qui me paroît trés extraordinaire. Je me contenteray de luy demander, comment il conçoit, qu'en écrivant la vie de MarcAntonin, & en traduifant fes maximes, on puiflè le confondre avec des monftres qui n'étoient pas encore nez. Cela me paroit impoffible;mais un Criti que qui aime à dire,on n'a pas fçü,n'y regarde pas de fi prés. S'il avoit pris la peine de lire la vie que nous avons faite de cet Empereur, il auroit vû au titre, / · Vie de l'Empereur Marc Aurele Antonin,& il auroit lû le nom de Marc Aurele dans toutes les pages, jufqu'à ce qu'il prend le nom d'Antonin. Aprés cela nous l'appellons indifferemment Antonin & Marc Antonin, parce que c'eft fon nom, & qu'il n'y a rien de plus defagreable en nôtre langue, que de repeter inceflamment deux & trois noms d'une même perfonne, lorsque cela n'eft pas neceflaire, & qu'un Lecteur ne peut s'y tromper. Si nous avions befoin d'exemples, nous aurions ceux de tous les Hiftoriens Grecs & Latins qui ont parlé de cet Empereur, & qui ont même plus fait que nous, car ils l'ont fouvent defigné par le feul nom de Marc. Mais nous nous fommes moins conduits par autorité, que par choix & par bienfeance; & fur cela il ne fera peut être pas inutile de faire fouvenir icy ce Cenfeur d'une chofe qu'il a fans doute oubliée, car je fuis perfuadé qu'il a tout fçû, c'eft que lors qu'on parle de l'Empereur MarcAntonin, on peut l'appeller Marc Aurele, pour fe conformer au langage des Antiquaires, qui eft plûtôt un abus fouffert qu'un ufage receu. Mais en parlant des Reflexions de cet Empereur, ou en les traduifant, il faut toûjours dire les Reflexions de Marc Antonin, & non pas les Reflexions de Marc Aurele. Jamais François n'a appellé ce livre autrement que Marc Antonin. Auffi eft ce le feul nom qu'il ait pris luy - même dans cet ouvrage, ce fage Empereur ayant mieux aimé fe nommer Marc Antoninque Marc Aurele, parce que* fon pere adoptif& fon bienfaiteur étoit moins connu par le nom d'Aurele, que par celuy d'Antonin. Il n'eft donc pas permis, fur tout en le traduifant;de luy ôter ce nom dont il étoit fi jaloux, & qu'il avoit choifi pour mieux marquer fa reconnoiflance. Il y *Antonin le Pienx. |