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CHAP. XCIX.

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rables, comme compensation de la faveur qu'ils avoient montrée à Louis-le-Maure. Le roi accueillit plus mal encore les ambassadeurs de Florence. Tous les capitaines de son armée accusoient cette république d'avoir fait périr injustement Paul Vitelli, qui avoit servi avec eux dans le royaume de Naples, et qui avoit gagné leur estime et leurattachement. D'ailleurs ils n'avoient point rénoncé à leur ancienne affection pour les Pisans, qu'ils trouvoient encore plus dignes d'estime depuis leur valeureuse résistance. Ils oublioient les longs services et l'ancienne alliance des Florentins, pour ne se souvenir que de la liaison que ceux-ci avoient récemment contractée avec Louis Sforza. Enfin le roi consentit, après beaucoup de difficultés, à renouveler l'alliance entre les deux états. Il promit que si les Florentins étoient attaqués, il les défendroit avec six cents lances, et quatre mille fantassins : les Florentins de leur côté, promirent de garantir les états du roi en Italie, avec quatre cents lances et trois mille fantassins: ils s'engagèrent de plus à lui fournir cinq cents lances, et cinquante mille ducats, pour son expédition de Naples; mais seulement après qu'ils auroient recouvré Pise. A ces conditions le roi promit de les aider à se remettre en possession de Pise et de Montepulciano (1).

(1) Fr. Guicciardini, qui lui-même, d'après Nardi, étoit un

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Louis XII ne séjourna que peu de semaines à CHAP. XCIX. Milan; mais pendant ce court espace de temps, il perdit la faveur populaire qui lui avoit procuré la domination de la Lombardie. Les partisans de la France, pour prévenir le peuple en sa faveur, lui avoient annoncé avec assurance que le roi étoit assez riche pour abolir tous les impôts, ou du moins pour les réduire au pied où ils étoient du temps des Visconti. Louis XII accorda en effet quelques grâces pécuniaires à ses nouveaux sujets, mais elles étoient bien audessous de l'attente imprudemment excitée; en sorte que le mécontentement fut aussi général que l'espérance avoit été trompeuse, D'ailleurs Jean-Jacques Trivulzio que Louis XII avoit nommé à son départ, pour être son lieutenant dans le duché de Milan, étoit bien plus propre à conquérir un état nouveau qu'à le conserver. Il étoit chef du parti guelfe, et il n'oublioit point cette partialité au moment où il auroit dû songer seulement à gouverner les deux factions avec une égale justice, et à les rapprocher l'une de l'autre. Les nobles gibelins ne voyoient en lui qu'un chef de factieux, la bourgeoisie qu'un soldat qui apportoit dans une grande ville la rudesse et la férocité des camps. On l'avoit vu tuer de sa main quelques bouchers sur la place des ambassadeurs. Lib. IV, p. 237. Jacopo Nardi. Lib. III, Scipione Ammirato. L. XXVII, p. 258.

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CHAP. XCIX. du marché, parce qu'ils refusoient de payer la 1499. gabelle, et il avoit excité par ses actes arbitraires et son arrogance, une haine universelle contre lui-même, et contre le souverain qu'il représentoit (1).

Cependant Louis-le-Maure et le cardinal Ascagne, arrivés auprès de Maximilien, l'avoient trouvé pacifié avec les Suisses. Ils avoient été reçus par lui avec cet intérêt vifque leur malheur devoit exciter, et avec ces promesses de secours dont Maximilien étoit si prodigue. Mais ce prince n'avoit jamais su accomplir une seule des grandes choses qu'il avoit annoncées; un de ses conseillers disoit de lui que jamais il ne prit conseil de personne, et que jamais il ne fit sa propre volonté, parce que gardant un secret profond sur ses desseins, il n'admettoit jamais aucun homme sage à les méditer avec lui; tandis que dès qu'il les faisoit connoître, en commençant à les exécuter, il se laissoit décourager par la première objection qui lui étoit adressée (2). Maximilien, après avoir promis les plus puissans sécours au duc de Milan dont il avoit épousé la

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Jacopo Nardi hist T. XXIV, p. 122. 375.— Josephi Ripa

montii hist. urbis Mediolan. L. VII, p. 671.-Fr. Belcarii Comment. Lib. VIII, p. 238.

(2) Macchiavelli il Prencipe. Ch. XXIII, p. 347.

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nièce, n'eut pas honte de lui demander à em- CHAP. XCIX. prunter, pour lever son armée, cet argent qui 1499. étoit entre les mains de Sforza, le seul reste de son ancienne puissance. Mais Louis-le-Maure savoit bien que tout l'argent qu'il avanceroit au roi des Romains, seroit immédiatement dissipé entre ses favoris; il aima mieux employer les restes de sontrésor à lever lui-même des troupes. La guerre de Suisse qui venoit de se terminer, avoit laissé dans le pays même où il se trouvoit, beaucoup de soldats sans emploi. Il put done sans peine rassembler et prendre à sa solde cinq cents gendarmes bourguignons, et huit mille fantassins suisses; et avant même que cette troupe fût en entier réunie sous ses drapeaux, il se mit en marche vers les frontières de la Lombardie (1).

Au moment où Jean-Jacques Trivulzio fut averti de l'approche de Sforza, il demanda au sénat de Venise de faire avancer ses troupes sur l'Adda, et il rappela Ives d'Allègre, qui s'étoit porté vers la Romagne, avec une armée pour seconder les projets de César Borgia. Mais la rapidité de Louis Sforza ne laissa point aux Français et à leurs alliés le loisir de se réunir.

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(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 247. - Petri Bembi hist. Ven. Lib. V, p. 99. — Chronica Veneta. T. XXIV, p. 136,Diario Ferrarese anon. T. XXIV, p. 378. Jos. Ripamontii hist. urbis Mediol. L. VII, p. 672. Arnoldi Ferroni. L. III, p. 59.

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1500.

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Au commencement de février de l'an 1500 il 1500. passa les Alpes; il traversa le lac de Como dans les barques qu'il trouva sur ses bords. Les bourgeois de Como, en apprenant; son arrivée, laissèrent éclater si vivement leur partialité pour lui, que les Français sentirent la nécessité de se retirer, et de lui abandonner cette ville. Les citoyens de Milan, et surtout ceux qui tenoient à la faction gibeline, avertis de l'entrée de Sforza à Como, célébrèrent son retour avec un enthousiasme menaçant pour leurs hôtes actuels. Trivulzio se croyant au moment d'un soulèvement, s'enferma en hâte dans le château; après y avoir établi une garnison suffisante, il en sortit le lendemain, et il se retira vers Novarre; mais le peuple insurgé le poursuivit avec fureur jusqu'aux rives du Tésin. Trivulzio laissa encore quatre cents lances à Novarre, puis il conduisit le reste de son armée à Mortara, pour y attendre les secours qu'il demandoit avec instance au roi de lui envoyer de France (1).

A peine les Français s'étoient retirés de Milan, que le cardinal Ascagne y rentra, et son frère le suivit de près; celui-ci étoit sorti de sa capitale le 2 septembre 1499, accompagné par les

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(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 248. Chronica Veneta. T. XXIV, p. 138. Fr. Belcarii Comment. Lib. VIII, p. 239. Ag. Giustiniani Cron. di Gen. L. V, f. 255 v.

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