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CHAP. CV.

Orsini, comte de Pitigliano, avoit le titre de 1509. capitaine général de cette armée, et Barthélemi d'Alviano, de la même famille, celui de gou→ verneur. Deux provéditeurs, George Cornaro et André Gritti, étoient attachés à l'armée au nom de la seigneurie; tous deux s'étoient acquis une grande réputation dans les négociations et dans les armes. L'un avoit été l'année précédente opposé à Maximilien, dans le Friuli, l'autre à Rovérédo; et cette campagne les avoit couverts de gloire (1).

Le roi de France étoit sur le point d'attaquer la république, tandis que les autres confédérés étoient décidés à ne se mettre en mouvement qu'après avoir jugé par ses succès du sort de la guerre. C'étoit donc à résister aux, Français que les Vénitiens destinoient toutes leurs forces; et dans ce but, ils les avoient rassemblées sur l'Oglio. Là deux plans de guerre absolument opposés furent présentés par les deux chefs de l'armée. L'Alviano, qui s'étoit toujours distingué par la hardiesse de ses desseins, et par la promptitude de leur exécution, vouloit porter la guerre dans le pays ennemi avant que Louis XII eût eu le temps de rassembler toutes ses forces; il comptoit profiter du mécontente

chronique manuscrite. Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 425. Petri Bembi. L. VII, p. 167.-Fr. Belcarii. L. XI, p. 317.) A (1) Fr. Guigciardini, L. VIII, p. 416,...

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150g.

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ment que le gouvernement français avoit excité CHAP. CV. dans toute l'Italie, pour mettre en révolution le duché de Milan, s'approprier les ressources d'hommes et d'argent de la Lombardie, au lieu d'en laisser la disposition à l'ennemi, et attaquer les différens corps français, à mesure qu'ils déboucheroient des Alpes, avant qu'ils pussent se mettre en ligne. Pitigliano, au contraire, général prudent, et qui ne donnoit rien au hasard, mais que l'Alviano accusoit d'ajouter la timidité d'un âge avancé, à celle de son propre caractére, vouloit qu'on n'essayât point de défendre les terres de la Ghiara d'Adda, qui n'avoient pas une grande importance, qu'on laissât les Français épuiser à des siéges leur première impétuosité; et que l'armée, occupât le camp retranché des Orci, dont François Carmagnola et Jacob Piccinino avoient reconnu l'importance dans de précédentes guerres; elle y seroit défendue par l'Oglio et par le Sério, menaçant les troupes qui voudroient assiéger Crémone ou Crême, Bergame ou Brescia', les infestant par de la cavalerie légère, et se rapprochant même d'elles pour leur couper les vivres, mais sans abandonner jamais les lieux forts (1).

L'un et l'autre de ces plans de campagne pouvoit présenter de grands avantages; mais comme

(1) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 416.. Fr. Belcarii. Lib. XI, p. 515.

P. 165.

Petri Bembi. L. VII,

1509.

CHAP. CV. il arrive presque toujours, lorsque les opérations militaires sont soumises aux décisions des conseils civils, les deux partis extrêmes, qui pouvoient être bons tous deux, furent rejetés, pour en prendre un moyen, qui étoit nécessairement mauvais. Ceux qui opinent sur des matières qui leur sont étrangères, croient, a dit M. Necker, mettre leur avis en lieu de sûreté, lorsqu'ils se tiennent à distance égale des avis extrêmes de deux hommes de l'art ; et ce calcul d'amour-propre a été fatal à beaucoup d'états. Le sénat rejeta le conseil de l'Alviano, comme trop audacieux, et celui de Pitigliano, comme trop timide; mais il ordonna aux généraux de conduire l'armée sur l'Adda, pour défendre la Ghiara d'Adda, en leur prescrivant en même temps d'éviter le combat, à moins qu'une nécessité urgente ne les y forçât, ou qu'une occasion très-favorable ne se présentât à eux (1).

C'étoit avec des dispositions plus belliqueuses que le roi de France s'approchoit; il vouloit arriver le plus tôt possible à une bataille, et encore que ses troupes ne fussent pas toutes en ligne, il s'empressa de commencer les hostilités, pour que le terme de quarante jours, au bout duquel le pape et l'empereur devoient le seconder, commençât à courir contre eux. Par ses

(1) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 420.

150g.

ordres, M. de Chaumont passa l'Adda, près de CHAP. Cv. Cassano, le 15 avril 1509, avec trois mille chevaux, six mille fantassins et quelque artillerie, et il se dirigea sur Tréviglio, à trois milles plus loin. L'armée vénitienne n'avoit point encore quitté Pontévico; mais Justinien Morosini, provéditeur des Stradiotes, se trouvoit à Tréviglio avec Vitelli de Città di Castello, et Vincenzio Naldi, qui commandoit la bonne infanterie des Brisighella, levée en Romagne, au château qui porte ce nom (1). Ces chefs, croyant n'avoir à faire qu'à un petit corps de cavalerie légère, envoyèrent deux cents fantassins et quelques Stradiotes pour le repousser. Ceux-ci furent bientôt ramenés jusqu'aux portes de Tréviglio; et les Français, les poursuivant avec ardeur, plantèrent aussitôt quelques pièces d'artillerie en batterie contre les murs. L'effroi succéda immédiatement à une confiance imprudente, et les habitans de Tréviglio forcèrent la garnison à se rendre. Le provéditeur Giustiniani, Vitelli et Naldi furent faits prisonniers, avec environ cent chevau - légers et mille fantassins. Deux cents Stradiotes seulement se mirent à couvert par la fuite. Le même jour les Français attaquèrent encore les frontières vénitiennes sur quatre points différens, depuis les monts de

(1) Mémoires du chev. Bayard. Ch. XXIX, p. 70.

CHAP. CV.

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Brianza jusqu'au voisinage de Plaisance; mais 1509. après avoir donné ainsi commencement à la guerre, tous ces corps se retirèrent, et Chaumont lui-même revint à Milan, pour y attendre le roi (1).

A peine la nouvelle de ces premières hostilités fut-elle portée à Rome, que le pape publia le 27 avril, contre le doge, les prégadi, le conseil-. général, et les citoyens de Venise, la bulle d'excommunication qu'il avoit tenue en réserve. Il y reprochoit à la république d'avoir usurpé toutes les terres qu'elle possédoit en Romagne; il déclaroit que dès le temps de l'achat de Cervia, en 1468, elle se trouvoit par là comprise dans les excommunications annuelles de la bulle lue in cœená domini. De plus, la république avoit dans ses états troublé la juridiction ecclésiastique, en interdisant, en punissant même les appels au saint-siége; en soumettant les personnes ecclésiastiques à un fore séculier, en s'attribuant, contre les saints canons, la collation des bénéfices. Au mépris des excommunications prononcées contre les Bentivoglio, elle avoit accordé dans ses états un refuge à ces ennemis du saint-siége; elle leur avoit même permis d'habiter les villes plus voisines des fron

(1) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 421. Jacopo Nardi hist. Fior. L. IV, p. 205. Fr. Belcarii Comm. Rer. Gallic. L. XI, p. 316.

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