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1508.

CHAP. CV. Vénitiens à rendre au saint-siége Ravenne, Cervia, Faenza, Rimini, Imola et Césène. Les plénipotentiaires ayant négocié avec tant d'inattention ou d'ignorance, qu'ils n'avoient point remarqué qu'Imola et Césène avoient depuis long-temps été rendues au pápe. Le traité ajoute que les Vénitiens rendroient à l'Empire, Padoue, Vicence et Vérone, et à la maison d'Autriche, Rovérédo, Trévise et le Friuli : què les Vénitiens seroient forcés de rendre au roi de France, Brescia, Bergame, Crême, Crémone, la Ghiara d'Adda, et toutes les dépendances du duché de Milan au roi d'Espagne et de Naples, Trani, Brindisi, Otrante, Gallipoli, Mola et Polignano, avec toutes les villes qu'ils avoient reçues en gage de Ferdinand II: au roi de Hongrie, s'il entroit dans cette alliance, toutes les villes de Dalmatie et d'Esclavonie, qui avoient une fois appartenu à sa couronne: au duc de Savoie, le royaume de Chypre ; aux maisons d'Este et de Gonzague, les possessions que la république avoit conquises sur leurs ancêtres et quant aux puissances qui n'avoient rien à prétendre dans les dépouilles de Venise, comme l'Angleterre, elles pourroient aussi être admises à cette alliance, si elles le demandoient avant l'expiration de trois mois (1).

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(1) Fr. Guicciardini. Lib. VIII, p. 412. Jacopo Nardi. L. IV, p. 204. - Fr. Belcarii. L. XI, p. 311. — Hist. de la Di→

A

Quant aux moyens d'exécution, il étoit con- CHAP. cv. venu par ce traité, que le roi de France atta- 1508. queroit en personne les Vénitiens, le premier jour d'avril; qu'en même temps le pape fulmineroit contre eux toutes les censures ecclé→ siastiques, et qu'il requerroit l'assistance de l'empereur comme Avoué de l'Église. Cette réquisition devoit délier Maximilien des engagemens qu'il avoit contractés peu de mois auparavant, et lui fournir un motif pour attaquer les Vénitiens, ce qu'il promettoit de faire en personne, dans les quarante jours qui suivroient l'attaque du roi de France. En même temps Ferdinand et les autres alliés devoient chacun de leur côté s'emparer des provinces qui leur avoient été abandonnées en partage. Chacun des confédérés devoit agir pour son propre compte, et poursuivre ses conquêtes sans être tenu de seconder ses associés.

Les coalisés ne se contentoient pas de se promettre le partage d'un état avec lequel ils étoient liés par des engagemens solennels; pour accomplir avec plus de certitude cet acte d'iniquité, il falloit surprendre les Vénitiens, et leur dérober la connoissance du traité qui venoit d'être signé. L'accord conclu en même temps avec le duc de Gueldre, avoit masqué le but des con

plomatie franç. T. I, L. II, p. 288. - Alfonso de Ulloa Vila di Carlo V. L. I, f. 53.

TOME XIII.

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CRAP. CV. férences; les plénipotentiaires se hâtèrent de 1508. quitter Cambrai pour attirer moins long-tempsl'attention de l'Europe, et l'ambassadeur vénitien ayant eu quelque soupçon de l'orage qui le menaçoit, Louis XII lui protesta qu'il ne s'étoit rien conclu à Cambrai de désavantageux pour sa république, et que jamais il ne donneroit les mains à ce qui pourroit nuire à d'aussi anciens alliés (1). Prand

Louis XII avoit ratifié sans hésitation le traité de Cambrai. Albert Pio, seigneur de Carpi, et. l'évêque de Paris, envoyés à Maximilien, obtinrent aussi immédiatement sa ratification: celle de Ferdinand-le-Catholique ne se fit pas attendre plus long-temps, quoiqu'il redoutât la puissance des étrangers en Italie, et qu'il ne se défiât pas moins de Maximilien que des Français; mais comme il ne se sentoit pas assez fort pour défendre les Vénitiens, il préféra commencer par s'agrandir à leur dépens (2).:

La haine que Jules II avoit conçue contre les Vénitiens, venoit encore d'être augmentée par deux offenses nouvelles : d'une part, ils avoient accordé aux Bentivoglio un asile dans leurs états, après leur expulsion du Milanez; de

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(1) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 412. Fr. Belcarii. L. XI, 312. Alf. de Ulloa Vita di Carlo V. Lib. I', f. 54.

(2) Jo. Mariana de rebus Hispaniæ. Lib. XXIX, cap. XV, P. 28c.

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l'aut le sénat avoit refusé d'admettre à l'évê- CHAP. cv. ché de Vicence, le nouveau cardinal de SaintPierre ad vincula, neveu du pape, que celui-ci venoit de nommer (1). Cependant Jules II hésita plus qu'aucun des confédérés à donner sa ratification au traité de Cambrai. Il sentoit que cette ligue augmenteroit la puissance des ultramontains en Italie, tandis que l'objet qu'il désiroit le plus ardemment, étoit de la purger de ceux qu'il appeloit les barbares. Sa défiance des Français étoit encore augmentée par sa haine contre le cardinal d'Amboise, qu'il regardoit comme prétendant à lui succéder, et dont il craignoit les trames contre sa vie même. Il ve→+ noit d'éprouver dans le tumulte de Gênes, combien les Français avoient peu de déférence pour lui, et il ne pouvoit sans crainte augmenter encore leur prépondérance. Maximilien n'étoit pas moins redoutable pour le saint-siége, d'après les prétentions que l'empire avoit toujours nourries sur toute l'Italie; et comme son héritier étoit en même temps celui de Ferdinand, on pouvoit déjà craindre de voir le petit-fils de l'un et de l'autre réunir des monarchies alors rivales. S'il joignoit le royaume de Naples et la Marche Véronoise à tant d'autres états déjà si vastes, le saint-siége resserré de toutes parts ne

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(1) Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 410.

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pouvoit plus espérer d'indépendance, et tous les efforts qu'avoit faits Jules II pour réunir les provinces détachées de l'Église, demeuroient sans utilité.

L'Épirote Constantin Cominatès se trouvoit alors à Rome, envoyé par Maximilien, auprès duquel il jouissoit d'une grande faveur. C'étoit le même homme qui pendant un temps avoit été tuteur des jeunes marquis de Montferrat, et qui, chassé ensuite de cette principauté par les Français, avoit conçu contre eux une haine profonde. Après avoir eu des conférences avec Jules II, il fut chargé par lui de voir secrètement Jean Badoéro envoyé de la république à Rome. Il alla le trouver de nuit, il lui communiqua le traité de Cambrai, dont la connoissance avoit jusque alors été dérobée aux Vénitiens; et en même temps il lui déclara que si le sénat vouloit restituer au pape Faenza et Rimini, celui-ci se détacheroit de la ligue; que le sénat brouilleroit de même Maximilien avec la France, s'il vouloit seconder les projets de cet empereur sur le Milanez. Ces ouvertures furent aussitôt communiquées au conseil des Dix qui, vers le même temps avoit reçu de Milan quelque connoissance du traité (1).

Le conseil des Dix avant de s'engager avec le

(1) Petri Bembi histor. Venetæ. L. VII, p. 158.

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