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négociations, au lieu de se continuer en Toscane, se portèrent à Paris; et les peuples d'Italie eurent une nouvelle occasion de s'apercevoir que leur destinée ne dépendoit plus d'eux, puisque leurs propres querelles, soutenues avec leurs seules armes, et par leurs seules ressources, devoient être décidées par des étrangers (1).

Cependant comme la détresse des Pisans augmentoit, les rois de France et d'Espagne, dans la crainte de perdre l'objet de leur trafic, jetėrent plus ouvertement le masque. Les Florentins avoient pris à leur solde, le 25 août, Bardella, corsaire de Porto Vénéré, qui moyennant six cents florins par mois, s'engageoit à fermer l'embouchure de l'Arno, avec trois petits vaisseaux (2). Ceux-ci, firent si bien leur devoir que Chaumont, gouverneur du Milanez, écrivit en France d'y porter remède, autrement Pise tomberoit d'elle-même entre les mains des Florentins. Le roi lui donna aussitôt l'ordre d'y faire passer Jean-Jacques Trivulzio avec trois cents lances, afin d'être sûr que la ville ne se rendît pas avant que la France se fût fait payer son consentement (3). Les Florentins, confondus

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(3) Fr. Guicciardini. Lib. VIII, p. 417. — Jac. Nardi. L. IV,

СПАР. СІѴ:

1508.

1508.

CHAP. CIV. de ce que Louis XII, sans égard à la teneur expresse des traités, envoyoit des secours contre eux, ses alliés, à ceux mêmes qui s'étoient tout récemment montrés ses ennemis aussi-bien que les leurs, se résignèrent enfin à racheter leurs propres conquêtes des mains de ceux qui s'arrogeoient le droit de les vendre. Ils offrirent cent mille ducats à partager entre les deux cours, pourvu que l'une et l'autre s'engageât à ne pas traverser leur entreprise. Louis XII ne voulut pas vendre son consentement, à moins de cent mille ducats pour sa seule part; et toutefois il insistoit aussi pour que Ferdinand eût de son côté une somme d'argent. Enfin les Florentins promirent cent mille ducats au roi très-chrétien, et cinquante mille au roi catholique, et pour que le dernier ne fût pas jaloux de la différence qu'on mettoit entre eux, ils firent de cette différence l'objet d'un traité secret, par lequel ils se reconnurent débiteurs de ces seconds cinquante mille ducats, sous un faux prétexte. Cette convention fut signée le 13 mars 150g. 1509; et comme dans ce moment même toutes les grandes puissances d'Italie étoient occupées par des intérêts bien plus graves, à l'occasion de la ligue de Cambray, elles laissèrent aux

p. 202.

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Fr. Belcarii Comm. Rer. Gallic. L. XI, p. 314. · Jacopo Arrosti Chroniche di Pisa, in Archivio, f. 232.

Florentins la liberté de suivre leur guerre con- CHAP. CIV. tre Pise (1).

Dès le mois de novembre 1508, Bardella avoit été rappelé du service florentin par un ordre exprès de la seigneurie de Gênes. Louis XII avoit fait donner cet ordre, pour procurer un court répit aux Pisans, jusqu'à ce que sa négociation fût terminée; mais dès qu'il eut vendu son consentement, Bardella rentra au service de la république florentine, et sa foible escorte suffit pour fermer l'embouchure de l'Arno. Les Lucquois de leur côté n'avoient cessé de donner aux Pisans des secours d'armes, et surtout de vivres. Le commissaire de la république à l'armée florentine, reçut de la seigneurie l'ordre d'en tirer vengeance. Il entra sur le territoire lucquois et y porta partout le ravage; cette expédition coûta à la république de Lucques plus de dix mille florins (2); elle lui fit sentir sa foiblesse, et le danger de provoquer plus long-temps le ressentiment de ses puissans voisins, et elle la détermina à rechercher enfin de bonne foi l'alliance de Florence. Le traité entre les deux républiques fut signé le 11 janvier

(1) Fr. Guicciardini. L. XIII, p. 417. — Jacopo Nardi hist. Fior. L. IV, p. 203. Scipione Ammirato. L. XXVIII, p. 286. - Giov. Cambi hist. Fior. T. XXI, p. 223.

(2) Jacopo Nardi. Lib. IV, p. 203. L. XXVIII, p 285.

Scipione Ammirató

1509.

CHAP. CIV.

1509. Les Lucquqis prirent l'engagement d'in150g. terdire aux Pisans toute communication avec leur territoire, et de veiller eux-mêmes à ce que leurs paysans, qui avoient beaucoup de partialité pour Pise, ne portassent aucun secours à cette ville. Si cette guerre devoit se prolonger, le traité entre Florence et Lucques ne devoit avoir de vigueur que pour trois ans; mais si Pise étoit prise dans l'année, l'alliance entre les Florentins et les Lucquois devoit être censée renouvelée pour douze années (1).

Au mois de février les Génois essayèrent encore d'envoyer à Pise un convoi de grains suffisant pour nourrir la population de cette ville malheureuse jusqu'à la prochaine récolte; un grand vaisseau, quatre gallions, quinze brigantins, et trente barques, vinrent se présenter à l'embouchure de l'Arno; mais cette petite flotille la trouva fermée aussi-bien que les bouches du Serchio et du Fiume-Morto. Trois camps retranchés avoient été établis par les Florentins à San-Piéro in Grado, à Bocca di Serchio, et à Mezzana; un pont sur l'Arno, et des palissades dans les autres rivières, avec des bastions garnis d'artillerie, coupoient absolument le passage. Le corsaire Bardella don

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(1) Jacopo Nardi. Lib. IV, p. 205. Scipione Ammiralo. L. XXVIII, p. 286. - Fr. Giov. Cambi. T. XXI, p. 222. — Guicciardini. L. VIII, p. 417.

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noit la chasse aux plus petits bateaux qui ten- CHAP CIV. toient de s'approcher du rivage: trois des bri- 1509. gantins Génois chargés de blé furent pris; les autres s'en retournèrent à Lérici, bien convaincus qu'on ne pouvoit plus rien tenter pour secourir les Pisans (1).

Les magistrats de Pise et ceux qui n'avoient jamais été ébranlés dans la détermination de défendre jusqu'à la mort l'indépendance de leur patrie, ne savoient plus comment résister aux clameurs du peuple et surtout des paysans, qui périssoient de faim, et qui demandoient à traiter. Ils se virent obligés, pour les satisfaire, de s'adresser au mois de mars au seigneur de Piombino, et de solliciter sa médiation. Jacques d'Appiano, seigneur de Piombino, invita en effet les Florentins à lui envoyer des négociateurs; et Macchiavelli, qui étoit déjà en mission auprès de l'armée, se rendit à Piombino le 14 mars, pour y rencontrer les députés Pisans; mais il put bientôt s'apercevoir que ceux-ci ne vouloient que gagner du temps, et qu'ils n'avoient aucune intention de conclure. Ils avoient demandé des sûretés pour le maintien de l'amnistie absolue que leur promettoit Flo

(1) Jacopo Nardi hist. Fior. L. IV, p. 204. — Scipione Ammirato. L. XXVIII, p. 287. — Fr. Guicciardini. L. VIII, p. 417 Nicolo Macchiavelli commissione al campo contra Pisa, T. VII, p. 240.

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