Page images
PDF
EPUB

Morano, loin de la cour et de l'armée ; et par
il leur rendoit impossible de pénétrer ses des-
seins ou d'apprécier ses forces (1).

Avant de se montrer en ennemi à l'Italie, Maxi-
milien négocioit avec la république de Venise.
Il lui avoit envoyé trois ambassadeurs, non-
seulement pour lui demander le passage au tra-
vers de ses états, mais encore pour lui proposer
une alliance, dont le résultat auroit été le par-
tage du Milanez. Afin de faire renoncer les Véni-
tiens à une fidélité envers Louis XII que ce mo-
narque ne méritoit pas,
il leur avoit commu-
niqué le traité de Blois, qui avoit pour objet le
partage de tous les états de la république, et il
leur représentoit que Louis en pressoit encore
l'exécution. D'autre part, Louis XII avoit appris
Maximilien recherchoit une alliance ayec
les Suisses, et qu'il avoit un fort parti parmi
eux. Cette alliance auroit privé le roi de France
de la seule bonne infanterie qui servît dans ses
armées: aussi cherchoit-il à se réconcilier pleine-
ment avec les Vénitiens, en dissipant tous leurs
soupçons, et leur faisoit-il les offres les plus
avantageuses, pour les engager à défendre l'Italie
de concert avec lui. Pourvu que la république
refusât le passage aux Allemands, il lui pro-

que

(1) Lettere di Macchiavelli et Franc. Vettori nella Legazione all Imperator. T. VII, passim.

CHAP. CIV.

1507.

CHAP. CIV. mettoit de s'engager à perpétuité à la garantie de ses états de terre ferme (1).

1507.

Les Vénitiens sentoient tout le danger de leur position: ils n'avoient aucune confiance dans les promesses de Maximilien ou dans celles de Louis XII; ils craignoient à toute heure de voir ces deux rivaux se réunir contre eux : mais si, pour empêcher cette coalition, ils embrassoient la cause de l'un ou de l'autre, ils ne craignoient guère moins de se trouver ensuite abandonnés par celui dont ils auroient épousé les intérêts, et de devoir soutenir seuls tout l'effort d'une guerre à laquelle ils n'auroient cependant qu'un intérêt secondaire. Après de longues délibérations, ils résolurent enfin de demeurer attachés au parti de la France, et à l'alliance par laquelle ils garantissoient à Louis XII l'état de Milan, en retour d'une garantie semblable que la France avoit promise pour leurs provinces de terre ferme. Ils signifièrent en conséquence à Maximilien, que, d'après leurs traités, ils ne pouvoient consentir au passage de son armée par leur territoire; que lors même que l'empereur attaqueroit le Milanez par une autre frontière, ils se verroient obligés de fournir à la France un certain nombre de troupes pour sa défense; qu'ils

(1) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 387. - Fr. Belcarii. Comm. Rer. Gallic. L. X, p. 305.

CHAP. CIV.

rempliroient scrupuleusement leur obligation, mais qu'ils ne la dépasseroient en rien, puis- 1507. qu'en voulant accomplir leurs devoirs envers leur allié le roi de France, ils désiroient aussi conserver la bonne harmonie et le bon voisinage avec l'Empire et l'empereur. Enfin, ils déclarèrent à Maximilien, que s'il vouloit entrer pacifiquement en Italie, pour recevoir à Rome la couronne d'or, il seroit reçu dans tous leurs états avec tous les honneurs qu'ils étoient empressés de rendre au chef de l'Empire (1).

Quelque soin qu'eussent pris les Vénitiens de ménager Maximilien dans cette réponse, elle le blessa d'autant plus vivement qu'il avoit plus compté sur eux. Jamais cet empereur ne fondoit sur ses propres ressources le succès de ses entreprises; il attendoit toujours des autres des secours qu'il s'étonnoit de n'en point recevoir. Il avoit commencé des négociations avec les cantons pour lever douze mille Suisses, et la diète helvétique, écoutant peu les réclamations de la France, ne s'étoit point montrée éloignée de lui fournir des soldats : mais l'argent promis par la diète germanique de Constance ne suffisoit point pour faire de pareilles levées, et Maximilien l'avoit déjà dépensé presque en entier à des

-

[ocr errors]

Fr. Belcarii

(1) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 387–398. Comm. Rer. Gallic. Lib. X, p. 305. – Petri Bembi hist. Ven.

[ocr errors]

L. VII, p. 145.

CHAP. CIV. transports dispendieux d'artillerie. Il avoit en1507. core compté sur les subsides des états d'Italie; mais il leur avoit adressé des demandes si exorbitantes, qu'il les avoit aliénés. L'évêque de Brixen n'avoit pas demandé moins de cinq cent mille ducats aux Florentins (1). Ce fut le motif qui les engagea, pendant que leur terreur duroit encore, à envoyer Macchiavelli joindre leur ambassadeur François Vettori à Innspruck, pour se racheter au meilleur prix possible. Mais l'empereur n'ayant voulu entendre à aucun terme raisonnable, ils cherchèrent de leur côté des délais pour éviter de conclure, jusqu'à ce qu'ils vissent quel seroit le résultat de tant de menaces et de préparatifs annoncés avec tant d'emphase à toute l'Europe (2).

Maximilien faisoit aussi demander des sommes non moins exorbitantes à tous les autres états d'Italie, comme prestation due à l'occasion de son couronnement : mais il réclamoit de plus, d'Alfonse, duc de Ferrare et de Modène, la restitution de la dot d'Anne Sforza, première femme de ce duc, dont il prétendoit que l'impératrice Blanche Sforza avoit dû hériter. Déjà Maximilien croyoit pouvoir disposer des sommes immenses qu'il répétoit, comme s'il les avoit

(1) Fr. Guicciardini. Lib. VII, p. 398.

(2) Nicolo Macchiavelli Legazione. T. VII, p. 156-238.

reçues cependant de tout cet argent il ne tou- CHAP. CIV. cha que six mille ducats, dont les Siennois se 1506. reconnurent débiteurs envers la chambre im

périale (1).

Le mois d'octobre étoit arrivé sur ces entrefaites, et les troupes décrétées par la diète germanique commençoient à se rassembler; mais à peine en voyoit-on comparoître quelques bataillons; tandis que Maximilien se transportoit avec rapidité des frontières de Bourgogne à celles d'Italie, et que faisant marcher les contingens dans toutes les directions, et n'entretenant l'Europe que du mouvement de ses troupes, il laissoit incertain s'il attaqueroit la France, l'état de Milan ou les Vénitiens (2).

Louis XII ne négligea point de se mettre en mesure pour résister à cette attaque. Il obtint du roi catholique la permission de solder 2500 fantassins espagnols; il envoya des secours au duc de Gueldre, pour occuper l'empereur en Allemagne; il ôta le château d'Arona, sur le lac Majeur, à la famille Boromei, dont il se défioit, et il y mit garnison; il envoya Jean-Jacques Trivulzio aux Vénitiens, avec quatre cents. lances françaises et quatre mille fantassins, et

(1) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 399. — Fr. Belcarii Comm. Rer. Gallic. Lib. X, p. 306. Lettre de Franc. Veltori, 24 janv. 1507. p. 172.

(2) Fr. Guicciardini. L. VII, p. 400.

« PreviousContinue »