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CHAP. CIV.

qués, et les avoit conquis pour la plupart. Mi1506. chel Rizio, jurisconsulte, et émigré napolitain, fut chargé d'apporter ce décret, et de le mettre à exécution (1), i.

Les hommes marquans du parti populaire étoient contens, et n'en demandoient pas davantage le peuple, et les tribuns qu'il s'étoit choisis, ne l'étoient point encore; ils s'écrioient qu'en rappelant à Gênes un gentilhomme orgueilleux, vindicatif, et qui avoit abjuré sa patrie pour se vendre à la cour; qu'en lui rendant des fiefs qui mettoient sous ses ordres des milliers de vassaux, et les meilleures forteresses de la Ligurie, on ne pouvoit trouver aucune garantie dans les lois qu'il avoit si souvent violées. Ils vouloient bien admettre de nouveau dans leurs murs Jean-Louis de Fieschi, mais sous condition que ses fiefs fussent gouvernés par les lois communes, et soumis aux magistrats de la république. On a souvent reproché à tous les réformateurs de ne pas savoir s'arrêter dans leurs réformes: le reproche est fondé en effet ; en voulant aller toujours plus avant, ils compromettent ce qu'ils ont déjà acquis, et ils arrivent souvent à perdre un avantage cer

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- P. Bi

(1) Uberti Folieta Genuens hist. Lib. XII, p. 695. zarro hist. Genuens. Lib. XVIII, p. 416. Fr. Guicciardini. L. VII, p. 372. - Fr. Belcarii. Comment. Rer. Gallic. L. X, p. 296.

tain, pour avoir voulu en obtenir un autre dont CHAP. CIV. on auroit pu se passer sans regrets. Mais il ne 1506. faut point oublier quel est l'état de la législation, quel est l'ordre public, dans les pays où ces réformes s'entreprennent de toutes parts on ne voit qu'abus, qu'usurpations et que souffrances. Les réformateurs ont presque toujours les plus justes motifs pour détruire ce qu'ils attaquent, encore qu'ils eussent fait preuve de plus de prudence et de modération, s'ils avoient su conserver une partie de l'édifice, et en profiler, pendant qu'ils renouveloient l'autre. On les juge ensuite avec sévérité sur les institutions par lesquelles ils remplacent ce qu'ils abolissent mais elles n'ont pour elles ni l'appui de l'expérience, qui supplée au raisonnement, ni la sanction du préjugé, qui dispense de la connoissance. La force d'inertie conserve encore long-temps le mouvement acquis d'une mauvaise machine; cetle même force arrête longtemps aussi le mouvement qu'on veut donner à une machine bien supérieure, mais qui n'a point encore joué.

Il étoit sans doute fort dangereux pour la république de laisser entre les mains de Jean-Louis de Fieschi, ennemi déclaré de l'ordre populaire, la moitié des lieux forts dans les deux rivières, et ceux particulièrement d'où la ville tiroit sa nourriture; en sorte que ce citoyen pou

CHAP. CIV.

15.06.

voit, sous l'ombre de la paix, tenir sa patrie comme assiégée. Cependant les hommes prudens auroient voulu qu'on se soumît à cet inconvénient, plutôt que de s'exposer au danger bien plus grave de rejeter l'arrangement proposé par le roi : le peuple, au contraire, loin de vouloir rendre à son ennemi des fiefs auxquels il n'avoit pour titre qu'une ancienne usurpation, résolut de recouvrer un autre fief également enlevé à la république par une autre famille noble, celui de Monaco, dont Lucien Grimaldi s'étoit emparé, et dont il avoit fait, sous la protection d'un château extrêmement fort, un refuge pour les pirates armés contre le commerce de Gênes. Les tribuns du peuple firent venir de Pise Tarlatino, qui avoit défendu cette ville avec tant de bravoure, et qui s'y sentoit inutile cette année, parce que les Florentins avoient suspendu leurs attaques. Les tribuns mirent sous ses ordres deux mille hommes, avec deux galères et quelques petits vaisseaux, et ils le chargèrent, à la fin de septembre, de l'attaque de Monaco (1).

Ravestein, irrité de ce manque d'égards, quitta, le 25 octobre, une ville où l'autorité royale

(1) Uberti Folieta. L. XII, p. 694. P. Bizarro. L. XVIII, - Fr. Guicciardini. L. VII,

p. 416.

373. p.

Chroniche di Pisa in archivio Pisano, f. 228 v.

niani. L. VI, p. 261.

Jacopo Arrosti

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n'étoit plus respectée. D'ailleurs, la jalousie de CHAP. CIV. M. de Chaumont, neveu du cardinal d'Am- 156. boise et gouverneur de Milan, et celle du lieutenant du roi Roccabertino, qui avoit commandé en son absence, rendoient sa situation difficile et désagréable. De nouveaux émigrés de la noblesse avoient recouru à la protection de Louis XII; et celui-ci, délivré par la mort de Philippe Ier, roi de Castille, des craintes qu'il avoit conçues pour l'Italie, résolut de rétablir à force ouverte son autorité dans Gênes, d'y conduire lui-même son armée, pour ne pas s'exposer aux échecs que le partage de l'autorité avoit causés précédemment à ses lieutenans, et de profiter de cette expédition pour avoir ensuite, avec le pape, à Bologne, une conférence sur les affaires de Venise, que Jules II sollicitoit depuis long-temps (1).

Tandis

que Louis XII rassembloit ses troupes 1507. pour son expédition d'Italie, il donna ordre au commandant du castelletto de Gênes, et à M. de Chaumont, de traiter les Génois en ennemis. Le premier, homme cruel et avide, saisit avec empressement l'occasion qui s'offroit à lui de faire du mal. Une fête avoit attiré à l'église de Saint-François, attenante au castelletto, une

Uberti

(1) P. Bizarro Genuens, hist. L. XVIII, p. 417. Folieta. L. XII, p. 696. - Fr. Belcarii Comm. Lib. X, p. 296. Ag. Giustiniani. L. VI, f. 2621

CHAP. CIV. Congrégation nombreuse : le commandant, sans 1507. avoir dénoncé auparavant le commencement des hostilités, s'empara des portes de cette église, et après en avoir fait sortir les gentilshommes et les femmes, il jeta dans des cachots tous les citoyens qui s'y trouvèrent, et ne leur rendit ensuite leur liberté que moyennant une rançon de dix mille florins. Immédiatement après, il commença à bombarder et la ville et le port; il coula à fond plusieurs vaisseaux, et il détruisit plusieurs maisons, où l'on étoit loin de se tenir en garde contre une violence semblable. En même temps Roccabertino quitta une ville qu'il regardoit comme rebelle, quoique l'étendard royal continuât long-temps encore à flotter sur le prétoire. M. de Chaumont interdit tout commerce aux Génois avec la Lombardie, et leur refusa les blés qu'ils étoient dans l'usage d'en tirer, et Ives d'Allègre s'achemina vers Monaco, pour forcer Tarlatino à en lever le siége (1).

Charles Dominique de Carretto, cardinal de Finale, pressoit cependant les Génois, ses compatriotes, de se pacifier avec le roi, pour ne pas provoquer toutes ses forces contre eux, dans un temps où ils se voyoient sans alliés; il leur offroit sa médiation, et il répondoit de

(1) P. Bizarro. L. XVIII, p. 417.
p. 698. Fr. Guicciardini. Lib. VII,
niani. L. VI, f. 262 v.

Uberti Folieta. L. XII, p. 374.

Ag. Giusli

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