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CHAT. CH. le défendre, et il lui en avoit répété l'assurance 1506. depuis que Jules II étoit en marche avec son armée (1).

Mais l'impétuosité de Jules II effrayoit ceux qui avoient à traiter avec lui. Le cardinal d'Amboise représenta au roi qu'en ne lui cédant pas dans cette occasion, il s'en feroit un ennemi acharné; Louis se dégagea de la protection qu'il avoit promise à Bentivoglio, par un indigne subterfuge; il déclara qu'il s'étoit obligé à le défendre dans la possession de ses états, mais non pas dans celle des états de l'Église, et il donna ordre à M. de Chaumont, gouverneur du Milanez, de marcher contre Bologne avec six cents lances, trois mille fantassins suisses, et vingt-quatre pièces d'artillerie (2).

Jules II, averti de l'approche des Français, entra en Romagne par le duché d'Urbin, rétablissant la paix dans les villes qu'il traversoit, les ramenant à l'obéissance de l'Église, et évitant cependant de mettre les pieds sur le territoire de Rimini ou de Faenza, pour ne pas sanctionner, même par un regard, l'occupation de ces principautés par les Vénitiens (3). A son arrivée

(1) Macchiavelli seconda Legazione alla corte di Roma. Lett. 1 à 20, fino al 25 settemb. p. 64-109.

(2) Macchiav. Legaz. L. XXVI, Césène. 3 ottob. p. 119 et pass. (3) Fr. Guicciardini. Lib. VII, p. 366. Macchiavelli. Legaz. Lett. XXXV, XXXVI, XXXVII, du 16 au 21 oct. p. 135.

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CHAP. CIII.

à Forli, six ambassadeurs bolonois lui présentèrent les conditions auxquelles Bentivoglio 1506. étoit prêt à se soumettre: il vouloit entre autres que le pape ne pût entrer dans Bologne qu'avec sa garde de deux cent cinquante ou trois cents Suisses, et qu'il s'engageât à n'y pas demeurer au-delà d'un temps déterminé. Mais ce n'étoit pas ainsi qu'il falloit traiter avec ce vieillard orgueilleux et irascible; au lieu de répondre à ces propositions, Jules II publia à Césène, le 10 octobre, une bulle contre Jean Bentivoglio et ses partisans, dans laquelle il les déclaroit rebelles à la sainte Église; il abandonnoit leurs biens au pillage, et leurs personnes à l'esclavage de qui les saisiroit; il accordoit indulgence plénière à qui les combattroit ou les tueroit; et aussitôt après il ordonna au député particulier de Bentivoglio de sortir au plus vite de tous. les états de l'Église, le menaçant du dernier supplice, si jamais il retomboit entre ses mains (1). Le pape, arrivé à Imola le 20 octobre, s'y trouva à la tête d'une armée assez considérable, dont il donna le commandement au marquis de Mantoue. Indépendamment des quatre cents hommes d'armes avec lesquels il étoit parti de Rome, Jean-Paul Baglioni lui en con

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(1) Macchiavelli Legaz. Lett. XXXI, ex Forli, 10 octob. p. 128. Bulla apud Raynaldum Annal. eccles. 1506, §. 25

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CHAP. CIT.

1506.

duisoit cent cinquante; Marc Antonio Colonna,
condottière des Florentins, en avoit amené cent;
le duc de Ferrare, cent; le marquis de Man-'
toue, deux cents chevau-légers; et il avoit en
outre cent Stradiotes venus du royaume de
Naples, et plusieurs milliers de fantassins, levés
dans le duché d'Urbin, la Toscane et la Ro-
magne. D'autre part, le jour même où le mar-
quis de Mantoue attaquoit San-Piéro, premier
château des Bolonois du côté d'Imola, M. de
Chaumont, avec six cents lances françaises et
trois mille Suisses, entroit à Castel-Franco,
premier château des Bolonois du côté de Mo-
dène. Ainsi le pape avoit réussi à faire attaquer
celui de ses feudataires dont l'indépendance gê-
noit le plus ses projets ambitieux, par ceux
même qui auroient eu le plus d'intérêt à le dé- '
fendre (1).
(1).

Dans tous ses discours, dans toutes ses déclarations, Jean Bentivoglio avoit jusque alors affecté un grand courage, et une ferme résolution de repousser la force par la force. Il avoit en effet armé ses milices et fortifié sa capitale; mais il ne pouvoit se résoudre à dépenser pour se défendre, l'argent qu'il regardoit comme sa dernière ressource, s'il perdoit sa souveraineté.

(1) Macchiavelli. Legaz. Lett. XXXVIII, ex Imola, 22 octob. p. 140.-Fr. Guicciardini. Lib. VII, p. 367. Fr. Belcarii. L. X, p. 294. — Scipione Ammirato. L. XXVIII, p. 283.

Il n'avoit donc point fait des levées suffisantes; d'ailleurs il communiquoit sa défiance à ses sujets, en la laissant connoître, et il se faisoit des ennemis de tous ceux à qui il demandoit des sacrifices qu'il hésitoit à faire lui-même. Cependant comme ses voisins qui vouloient le sauver, ne cessoient de le flatter qu'ils emploieroient pour lui leur crédit; et comme M. de Chaumont l'assuroit qu'il ne l'attaqueroit point, Bentivoglio faisoit encore bonne contenance. Mais le 25 octobre Chaumont lui fit signifier, qu'il eût avant deux jours à se soumettre à tous les ordres du pape, s'il ne vouloit pas perdre la protection de la France, et être immédiatement attaqué par lui. En même temps, pourvu qu'il obéît sans délai, Chaumont lui garantissoit la jouissance de tous ses biens patrimoniaux, et la liberté de vivre à Bologne en simple particulier avec ses enfans (1).

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A la réception de cette sommation, Bentivoglio perdit toute espérance; il oublia ses protestations de constance inébranlable, et les sarcasmes avec lesquels il avoit accueilli Pierre de Médicis, lorsque celui-ci abandonna sans combat la ville où il régnoit. Ce prince, déjà âgé de soixante et dix ans, se rendit le 2 novem

(1) Legazione di Macchiavelli. Lett. XL, ex Imola, 26 octob. p. 145. Fr. Guicciardini. Lib. VII, p. 367. - Fr. Belcarii. L. X, p. 294.

CHAP. CIII.

1506.

CHAP. CH. bre au camp français, avec sa femme Genièvre / 1506. Sforza, et tous ses enfans, pour implorer de

M. de Chaumont de meilleures conditions. Ce-. lui-ci fut assez peu généreux pour se faire payer douze mille ducats par le prince fugitif, afin de soutenir ses intérêts. Il convint ensuite avec le pape que Bentivoglio conserveroit à Bologne la jouissance des immeubles dont il prouveroit l'acquisition légitime, qu'il en retireroit librement son argent et ses meubles, et qu'il pourroit vivre en sûreté avec sa famille dans le duché de Milan (1).

Les Bolonois au départ des Bentivoglio, envoyèrent de nouveaux ambassadeurs au pape, pour lui demander seulement l'absolution des censures ecclésiastiques, et la garantie que l'armée française n'entreroit point dans leur ville. Jules II n'avoit nullement l'intention d'y recevoir ces alliés dangereux; il craignoit doublement et l'indiscipline des soldats, et l'ambition du gouvernement, qui pourroit vouloir conserver quelques droits dans sa conquête. Déjà l'armée de Chaumont s'étoit avancée jusqu'au pied des murs, entre les portes de Saragosse et de San-Felice et elle de-. mandoit à grands cris le pillage de cette ville

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