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CHAP. XCIX. les mains d'Hercule d'Este, duc de Ferrare, 1499. beau-père du duc de Milan, et ce dernier obligea les Florentins à reconnoître le même arbitre. Huit jours lui furent accordés pour porter une sentence entre les deux peuples, qui tous deux s'engagèrent à s'y soumettre (1).

Le duc de Ferrare prononça, le 6 avril 1499, l'arrêt entre les deux républiques qui l'avoient choisi pour arbitre. Il imposa aux Vénitiens l'obligation de retirer, avant la prochaine fête de Saint-Marc, toutes leurs troupes du territoire de Pise, de Bibbiéna et du Casentin; et aux Florentins celle de payer pendant douze ans aux Vénitiens, pour frais de la guerre, quinze mille ducats chaque année. Il voulut encore que les Florentins accordassent une amnistie sans réserve aux habitans de Bibbiéna et aux Pisans; qu'ils concédassent de plus aux derniers la permission d'exercer, à l'égal des Florentins, toute espèce d'industrie, et par mer, et par terre; qu'ils laissassent aux Pisans leurs forteresses, sous condition que ceux-ci demanderoient l'agrément de la seigneurie florentine pour tous les capitaines qu'ils engageroient à leur service, et réduiroient leurs garnisons au

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(1) Fr. Guicciardini. L. IV, p. 219. —Jac. Nardi hist. Fior. Lib. III, p. 96. — 1stor. di Giov. Cambi. T. XXI, p. 159. — Petri Bembi histor. Ven. Lib. IV, p. 85. Chron. Veneta. T. XXIV, p. 69.

même nombre d'hommes qu'y entretenoit Flo- CHAP. XCIX. rence avant la rébellion. Le duc de Ferrare 1499. ordonna encore que les jugemens civils seroient prononcés à Pise par un podestat étranger, choisi par les Pisans eux-mêmes dans un pays allié de Florence, et que les jugemens criminels seroient rendus par le capitaine de justice florentin, mais sous l'inspection d'un assesseur nommé par le duc de Ferrare (1).

On pourroit considérer le mécontentement universel qu'excita ce prononcé comme uné preuve de son impartialité. Jamais sentencé ne fut reçue par toutes les parties avec plus de défaveur. Les Vénitiens, honteux de manquer ouvertement à tous les engagemens qu'ils avoient pris avec les Pisans, ne voulurent pas qu'un acte public pût témoigner de leur mauvaise foi, et encore qu'ils exécutassent la sentence, et qu'au terme fixé ils retirassent leurs troupes de Toscane, ils ne consentirent jamais à s'y soumettre formellement. Les Florentins se récrièrent sur ce qu'on ne leur rendoit point Pise, tant qu'on en laissoit les forteresses entre les mains de leurs sujets rebelles, et sur ce que rien n'étoit plus injuste que de les forcer à payer les frais

(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 219. - Scipione Ammirato. L. XXVII, p. 254. Diario Ferrarese anonimo. T. XXIV, Istor. di Giov. Cambi. T. XXI, p. 140. Chronica Venela. p. 70.

p. 563.

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CHAP. XCIX. d'une guerre dans laquelle ils avoient été atta1499. qués sans provocation. Cependant ils acceptèrent expressément la sentence arbitrale; mais cette acceptation fut sans effet; car les Pisans, considérant toutes les garanties que leur offroit le duc de Ferrare comme faciles à éluder, et préférant la mort à la servitude, refusèrent de se soumettre; et quoique abandonnés de tout le monde, ils protestèrent qu'ils persisteroient à se défendre. Ils se hâtèrent même de faire sortir de leur ville et de leurs forteresses les troupes vénitiennes, de peur qu'elles ne les livrassent à leurs ennemis (1).

Lorsque les Florentins furent instruits de la résolution qu'avoient prise les Pisans de continuer à se défendre, ils rappelèrent du Casentin Paul Vitelli avec son armée, et ils l'envoyèrent contre Pise, qui leur paroissoit ne pouvoir plus opposer une longue résistance. Louis-le-Maure, toujours plus alarmé des préparatifs de guerre des Français, de même qu'il avoit sollicité les Florentins d'accepter l'arbitrage du duc de Ferrare, pressoit les Pisans de s'y soumettre, et s'efforçoit de rétablir la paix en Toscane, pour s'assurer les secours de cette province; mais il ne trouvoit de crédit auprès de personne. Les Pisans se souvenoient que, sous prétexte de (1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 220. Scipione Ammirato. L. XXVII, p. 255. — Jacopo Nardi hist. Fior, L. III, p. 97 ..

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1499

protéger leur liberté, il avoit cherché à s'em- CHAP. XCIX, parer de la souveraineté de leur ville; les Florentins le soupçonnoient de persister encore dans ces projets, et d'encourager secrètement leurs ennemis à la résistance. Fermant donc les uns et les autres l'oreille à ses conseils, et abandonnant la Lombardie aux révolutions qu'une invasion nouvelle alloit y produire, ils recommencèrent leurs combats avec plus d'acharnement que jamais.

Paul Vitelli se réunit, le 25 juin, au comte Rinuccio de Marciano, devant Cascina, dont il entreprit l'attaque; et au bout de vingt-six heures, ce fort château se rendit à eux (1). Quelques petites garnisons pisanes, qui occupoient encore la tour de Foce d'Arno et la redoute de Stagno, se retirèrent à la première sommation; et il ne restoit plus aux Pisans sur tout leur territoire que la forteresse de la Verrucola et la petite tour d'Ascagno. Au lieu de les attaquer, Paul Vitelli crut le moment favorable pour commencer le siége de la place ellemême. Il vint tracer son camp, le 1er août, sous les murs de Pise, avec une cavalerie suffisante pour tenir seule la campagne, une artillerie formidable, et dix mille hommes d'infanterie. Il annonça à la seigneurie qui l'employoit que,

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(1) Fr. Guicciardini. Lib. IV, p. 222. Scipione Ammirato. L. XXVII, p. 255. --~ Jacopo Nardi hist. Fior. L. III, p.97.

d'après ses calculs, le siége né pouvoit pas durer 1499. plus de quinze jours. Les murs de Pise n'étoient point entourés de fossés, ou soutenus par des terreplains; cependant leur épaisseur, et la ténacité particulière du mortier employé à leur construction, les rendoit propres à résister plus que d'autres aux efforts de l'artillerie. Les Pisans n'avoient plus à leur solde d'autre capitaine étranger que Gurlino Tombasi, brave officier de Ravenne, qui avoit quitté le service des Vénitiens pour le leur. Mais tous les habitans de la ville, tous les paysans qui y avoient cherché un refuge, aguerris par cinq ans de combats continuels, pouvoient être comparés aux meilleures troupes de ligne (i).

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Vitelli avoit tracé son camp sur la rive gauche de l'Arno, et il avoit dressé ses batteries contre le mur attenant à la tour ou forteresse de Stampace. En se logeant du côté opposé, il auroit plus efficacement prévenu l'arrivée de tout renfort; mais dans la situation où se trouvoit alors l'Italie, il ne voyoit aucune puissance qui pût songer à secourir les Pisans, et il savoit que ceux-ci avoient fait du côté de Lucques des ouvrages intérieurs pour fortifier leurs murs, qu'ils n'avoient point cru nécessaire de commencer encore du côté de Livourne.

(1) Fr. Guicciardini. L. 1V, p. 233.-Jacopo Arrosti Chroniche di Pisa in archivio Pisano f. 207 v.

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